Entretien avec Jean-Charles Chemin, co-fondateur de Legapass
Vous êtes l’un des cofondateurs de Legapass. Quel est l’origine de ce projet entrepreneurial ?
L’idée de créer notre entreprise est liée à un cas concret. En plein confinement, un proche a été hospitalisé à l’étranger. Il était alors impossible de lui rendre visite, heureusement nous avons pu communiquer et recueillir ses dernières volontés, notamment numérique, avant qu’il ne s’éteigne. Alors que le monde entier se digitalise, nous avons pris conscience que de nombreux actifs digitaux étaient potentiellement perdus lors de la disparition d’un proche. Nous nous sommes donc penchés sur la notion de patrimoine numérique et sur la meilleure manière de le préserver et de le transmettre.
Que recouvre la notion de patrimoine numérique ?
Elle recouvre plusieurs aspects : accès à des ordinateurs, à des comptes de courriels ou de réseaux sociaux, documents électroniques, photos, contrats, comptes bancaires et de placements, cagnottes sur des sites commerciaux ou encore comptes de sites de jeux en ligne ou de paris sportifs. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive. En réalisant notre étude de marché, nous avons constaté qu’il n’existait aucune solution pertinente et vraiment sécurisée pour protéger ce patrimoine, d’autant que les cybermenaces sont de plus en plus nombreuses. Nous avons donc décidé de travailler sur un premier prototype qui a vu le jour en 2022.
Comment a-t-il été accueilli ?
Nous l’avons présenté lors d’une soirée de présentation au cours de laquelle nous avons réuni plus de 250 investisseurs et clients potentiels. Les retours, très positifs, nous ont permis de mettre le pied à l’étrier et d’étoffer l’équipe. Le projet a ainsi gagné en puissance (voir notre article sur l’accélérateur d’Allianz). Un an plus tard, nous avons, au prix de nombreuses heures de travail, obtenu l’habilitation France Connect. Il s’agit là d’une reconnaissance forte de la pertinence de notre modèle qui a également séduit les instances notariales françaises, les notaires étant nos premiers prescripteurs et partenaires.
Il existe de nombreuses solutions de coffre-fort en ligne. En quoi Legapass s’en distingue ?
Ces coffres-forts ne répondent qu’à une partie des enjeux liés au patrimoine numérique et restent vulnérables. Notre solution, conçue pour une vision à 360° du patrimoine numérique, passe par la conservation des données hors-ligne, par un chiffrement fort de l’ensemble des données et par le recours à un huissier de justice qui joue le rôle de tiers de confiance. Nous avons mis au défi une communauté de 45000 hackers éthiques auxquels nous proposons une récompense s’ils détectent une faille dans notre système. Pour l’heure, aucune faille majeure ou critique n’a été détectée et Legapass a été labellisée par le Conseil Supérieur du Notariat après un audit minutieux de Bureau Véritas qui a vérifié 240 points de contrôle.
Qui sont vos clients aujourd’hui ?
Il s’agit de particuliers, de familles, d’entrepreneurs indépendants mais aussi d’entreprises. Nous avons élaboré des offres adaptées à chaque typologie de client, ainsi que des services d’accompagnement qui permettent, le cas échéant, de retrouver des comptes ou des actifs en déshérence ou encore de limiter les traces de nos clients en ligne.
Quels sont vos projets pour 2024 ?
Notre équipe, qui compte désormais une vingtaine de personnes, travaille au déploiement à plus grande échelle de notre solution. En plus des notaires mentionnés plus haut, nous développons des partenariats avec les assureurs et les organismes de prévoyances. Sur le plan géographique, nous envisageons de développer l’activité en Europe au cours des prochains semestres.
Propos recueillis par Thierry Bisaga