…. donc encore plus de logements sociaux et finalement moins de logements tout court.
Par Pierre Alberola, Président Omnium Finance.
Le nouveau texte renforçant la loi SRU prévoit de porter à 25% d'ici à 2025 le seuil de logements sociaux dans les villes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Ile de France). Les bailleurs sociaux, auxquels revient la tâche de proposer les logements manquants ont la possibilité, soit de les construire sous leur propre maitrise d’œuvre soit de demander aux promoteurs privés de réserver dans leurs programmes une certaine proportion d’appartements pour le secteur social. Le principe est simple : la mairie exige du promoteur qu’il vende 20 à 30% des logements qu’il prévoit de construire au prix que ceux-ci coûteraient au bailleur social s’il les construisait lui-même.
Conséquences pratiques de cette obligation d’inclusion devenue une réalité quotidienne pour tous les promoteurs français avec l’exemple d’un programme de 60 logements dont le prix de revient moyen est de 160 000 € HT/logement en l’absence de toute règle imposée : le promoteur est alors en mesure de les commercialiser, après avoir ajouté 5,5% d’honoraires de maitrise d’œuvre et 7% de marge d’usage, au prix moyen de 180 000 € HT.Lorsque la municipalité, en application de la loi SRU, impose à 18 de ces logements (30%) d’être vendus à seulement 100 000 € HT à un organisme social, pour lui permettre de les louer à un prix très inférieur à celui du marché, qui paye l’écart de 80 000 € par logement ?
Le manque à gagner sur le prix de vente sera de 18 x 80 000 € soit 1 440 000 € que le constructeur devra répercuter sur les 42 logements privés pour équilibrer son bilan. Selon qu’il veuille simplement couvrir sa perte ou maintenir sa marge, le surcoût qu’il devra donc imposer aux 42 acheteurs sera compris entre 24 000 et 34 000 €/logement, soit un nouveau prix devente établi entre 204 000 et 214 000 €. Ce sont bien les logements « non sociaux » qui absorbent le coûtde la subvention aux logements sociaux.
La problématique ne s’arrête pas là. Le promoteur connait son marché, il sait « profiler » la demande dans une commune, dans un quartier, et lorsqu’il estime pouvoir raisonnablement intéresser 60 candidats à l’accession ou à l’investissement avec des appartements à 180 000 €, il s’inquiète obligatoirement de ne pouvoir séduire des acheteurs à 214 000 €. Le pouvoir d’achat des candidats qui veulent se loger pourra-t-il suivre ?
Indiscutablement la prise de risque pour le promoteur s’accroit et pour limiter le report financier de l’inclusion sur les logements privés ainsi que le risque de voir ses logements mettre plus de temps à s’écouler, il limitera alors le nombre total de logements à construire.
Ainsi, au lieu de monter un programme de 60 à 80 logements il optera plutôt pour un ensemble de 30 à 40 appartements, voire moins, en s’adressant à une cible d’acheteurs plus fortunée et plusrestreinte afin de limiter le risque de mévente de la partie privée de son programme.
Non seulement le promoteur est contraint de vendre aux acquéreurs privés à des prix supérieurs de près de 20% mais, de surcroît, il est conduit à réduire l’offre de nouveaux logements sur le marché. Cette boucle infernale éloigne davantage de français de la possibilité de devenir propriétaires et, comble de l’absurdité, tend d’une part à augmenter le prix des logements non subventionnés mais aussi par voie de conséquence à renforcer le besoin de logements sociaux pour tous ceux qui se trouvent exclus du marché. Globalement nous avons une diminution de l’offre totale à des prix moyens plus élevés.
Finalement, dans notre pays où la construction globale annuelle peine à dépasser les 380 000 unités et alors que l’objectif de chaque gouvernement est d’en construire 500 000/an pendant les 10 prochaines années, transférer les coûts de la politique sociale du logement sur les acheteurs individuels est l’archétype de l’idée qui plait aux politiques, car cela ne coute en apparence rien au contribuable, mais dont les effets finaux s’avèrent désastreux.