Par Mickaël Cabrol, CEO fondateur de Enersweet
La transition énergétique passe par une conscience beaucoup plus claire de nos usages et de leur impact sur l’environnement. Mieux comprendre ce que nous coûtent nos logements, en lien avec ce qu’ils consomment et pourraient coûter s’ils consommaient moins, permettrait à chacun d’agir plus efficacement. Nous avons besoin de données pour changer la donne.
Un secteur plus gourmand qu’on ne croit
Les secteurs des transports et de l’industrie sont généralement perçus comme les plus gros consommateurs d’énergie. Or c’est le bâtiment, en France, qui occupe la première place, avec 44% de la consommation globale, et constitue par là le plus gros levier en matière de transition énergétique. Avec un parc immobilier qui comprend plus de 7 millions de passoires thermiques, dont 5,2 millions de résidences principales (soit 17% du parc), la rénovation du bâti apparaît comme un levier certes considérable, mais actionnable à court terme, tangible, à portée de main et de volonté.
D’autant que l’urgence climatique, les canicules en chaîne et l’envolée des prix de l’énergie à deux mois de l’hiver nous rappellent au bon sens, ainsi qu’à nos responsabilités : nous devons agir en faveur de la sobriété énergétique. De quoi avons-nous besoin ? De moyens financiers, évidemment, et donc d’aides de l’État dont certains dispositifs bien connus (MaPrimeRenov’, Prime Energie, Coup de pouce, éco-PTZ...) traduisent le volontarisme. Mais surtout, nous avons besoin de savoir d’où l’on part, d’un état des lieux clair, d’un diagnostic fiable : on n’a jamais le bon vent quand on ignore vers quel port tendre.
Des chiffres et des lettres
De fait, la déperdition est immense. On ne va sans doute pas combler les trous de sept millions de passoires énergétiques en un jour, mais si l’on veut accélérer et massifier la rénovation du bâti, il va falloir s’appuyer sur des données précises, comme celles que procurent le DPE et l’audit énergétique. Perçus par les propriétaires bailleurs comme des dispositifs contraignants, en particulier depuis qu’il n’est plus possible de louer un logement classé G+, ni d’augmenter le loyer des logements classés G et F, ils sont en réalité des outils d’amélioration continue, les seuls qui permettent d’agir efficacement sur sa consommation, c’est-à-dire à la fois sur ses finances et sur l’environnement.
Des comités de suivi réunissant services du ministère et éditeurs de logiciels travaillent chaque semaine à affiner le DPE. Le passage à la norme 3CL, en 2021, qui a retiré du calcul les factures de consommation (la note du DPE était impactée par celles-ci, or les préférences de température varient d’un résident à l’autre) en est un exemple significatif. Les diagnostiqueurs eux-mêmes montent en compétence : ils sont nombreux à avoir complété leur formation en 2023 en vue de pratiquer des audits énergétiques, désormais nécessaires pour la vente d’un bien classé E, F ou G, et jusqu’ici réservés aux thermiciens et aux architectes. Cette ouverture de l’audit aux diagnostiqueurs, qui va dans le sens de la loi Climat et résilience de 2021, leur offre d’élargir le champ de leurs compétences ; leurs recommandations pour aider les propriétaires et les locataires à consommer moins, c’est-à-dire mieux, n’en seront que plus précises.
Petits ruisseaux, grandes transitions
Rappeler que les ménages sont responsables de l’émission de 112 millions de tonnes de CO2 par an est important, à la fois pour la conscience collective du problème et pour maintenir la pression sur le législateur ; mais il reste que ce genre de chiffre massue a peu d’impact sur les comportements individuels. Les chiffres trop importants semblent abstraits : nous avons peu de prise sur les millions de tonnes. Mais nous en avons sur ce que consomme notre habitation. La logique des petits ruisseaux est particulièrement valable en ce qui concerne le logement.
Quand on explique que chauffer à 19°C, température recommandée par l’Ademe, au lieu de 21°C, c’est 15% de moins sur sa facture, ou qu’améliorer l’isolation permettrait d’économiser tant d’euros par an, on parle certes davantage au portefeuille qu’à la conscience écologique, mais pourquoi faudrait-il discriminer argument économique et environnemental ? En particulier aujourd’hui, avec l’augmentation du coût de l’énergie... En fin de compte, l’empreinte carbone est moins une question de morale que de comptabilité. Or nous sommes comptables, désormais, de la consommation de notre bien. D’où l’importance d’en connaître le détail. Ce qui ne se mesure pas ne s’améliore pas.