Knight Frank analyse les mouvements d’opérateurs de coworking sur le marché des bureaux d’Ile-de-France
Alors que WeWork a récemment annoncé sa faillite en Amérique du Nord, quel est l’état du marché du coworking en Ile-de-France ? Ce dernier avait connu un fort développement à partir de 2015 et atteint un pic en 2019. Ebranlé par le déclenchement de la crise sanitaire, le marché du coworking avait connu une deuxième phase d’expansion en 2021 et 2022. Depuis le début de 2023, les prises à bail de nouveaux sites sont de nouveau orientées à la baisse.
Volumes placés : chute de près de 60% en un an
Le coworking a décollé en Ile-de-France en 2015. Son essor s’est ensuite accéléré pour atteindre un pic en 2019 avec 72 prises à bail totalisant 186 000 m² de bureaux, contre moins d’une dizaine de transactions totalisant
11 000 m² en 2015. En 2020, le déclenchement de la crise sanitaire a brutalement interrompu cette expansion, mais le développement du coworking a connu une nouvelle phase de croissance en 2021 et 2022 avec 68 000 et 96 000 m² pris à bail en Ile-de-France. « En 2023, l’activité est de nouveau en recul. Près de 35 000 m² de bureaux ont ainsi été loués par les opérateurs de coworking lors des neuf premiers mois, soit une chute de 58% par rapport à la même période l’an passé et un volume se rapprochant du niveau d’activité relevé en 2016, détaille Guillaume Raquillet, directeur de l’agence Bureaux chez Knight Frank France. Cette baisse ne remet pas en question le modèle du coworking ; mais après une période de reprise post-Covid, les principaux opérateurs – à quelques exceptions près – se concentrent plutôt sur l’exploitation de leurs sites que sur de nouvelles ouvertures », tempère Guillaume Raquillet.
Depuis le début de l’essor du coworking, les caractéristiques des surfaces louées ont évolué. Au départ, les petites et moyennes surfaces (<5 000 m²) constituaient l’essentiel des transactions. Entre 2017 et 2019, leur part a temporairement reculé au profit des grandes surfaces du fait des prises à bail de Wojo, Kwerk et surtout WeWork. Sur la période, les transactions supérieures à 5 000 m² ont ainsi représenté 53 % des volumes loués en Ile-France par les opérateurs de coworking. Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, cette part a très nettement diminué (17% entre le début de 2020 et la fin du 3e trimestre 2023), principalement au profit des moyennes surfaces. « En 2023, les moyennes surfaces ont encore accru leur part, représentant 68% des m² pris à bail par les opérateurs de coworking depuis janvier contre 63% en moyenne depuis 2015 », souligne Guillaume Raquillet. Une seule grande transaction a pour l’instant été enregistrée cette année : la prise à bail par Hiptown de 5 400 m² dans le 18e arrondissement de Paris.
Nouveaux acteurs et reconfiguration du modèle des bureaux partagés
Hiptown est un exemple d’acteur relativement récent sur le marché du coworking. D’autres sont apparus ou se sont développés depuis la crise sanitaire, parmi lesquels Welkin & Meraki, acheté par l’Américain Industrious l’an passé, Now Connected, qui ouvre des espaces de travail en Ile-de-France et en région, ou encore Gustave Collection. Entre 2021 et 2023, ce dernier a loué quatre immeubles indépendants de taille moyenne, exclusivement situés dans le secteur de la place Vendôme, afin d’y installer un concept inspiré des codes de l’hôtellerie de luxe.
La diversification croissante des types d’acteurs et de formats se développant en Ile-de-France montre que le modèle du coworking ne se résume pas aux seuls géants du secteur tels WeWork, Morning, Deskeo ou IWG. Ceux-ci représentent néanmoins une très large part des surfaces prises à bail depuis l’essor du coworking. Avec près de 150 000 m² loués en Ile-de-France depuis 2015, WeWork est en tête, même si l’opérateur n’a plus signé de nouveau site depuis 2019. Morning se place en deuxième position (145 000 m² loués depuis 2015 en Ile-de-France) mais poursuit quant à lui son développement et dépassera WeWork d’ici la fin de l’année. Il vient par exemple de louer 2 300 m² près du boulevard Pereire dans le 17e, ainsi que 2 700 m² au sein de la tour « Légende » à La Défense et 3 500 m² dans l’immeuble « Harmony » à Saint-Ouen. Deskeo complète le trio de tête sur un modèle de bureaux opérés, tout en diversifiant ses activités (animation de socles serviciels pour le compte d’institutionnels, aménagement de bureaux classiques, etc.). Avec 72 prises à bail de petites et moyennes surfaces totalisant près de 100 000 m² depuis 2015, l’opérateur, acheté en 2019 par l’Américain Knotel, est même le deuxième acteur le plus important du marché francilien en nombre de m² loués depuis 2020. Le dynamisme du coworking est donc loin de dépendre de l’activité d’un seul acteur.
Un phénomène encore très parisien et assez modeste à l’échelle du marché des bureaux
Dans son ensemble, le secteur occupe encore une place modeste sur le marché immobilier francilien. Ainsi, les surfaces louées par les opérateurs de coworking depuis 2015 ne concentrent qu’à peine 1% du parc de bureaux d’Ile-de-France. « C’est dans Paris que leur poids est le plus important, atteignant 3% au sein de la capitale et 5% dans le quartier central des affaires », analyse Guillaume Raquillet. Paris est en effet la cible prioritaire des opérateurs de coworking, la capitale concentrant 75% des volumes pris à bail par ces derniers en Ile-de-France depuis 2015. En 2023, sa domination s’est même accentuée, avec une part de 89% à la fin du 3e trimestre.
Cette sur-représentation de Paris explique le niveau élevé du loyer moyen relevé depuis 2015 dans le cadre de mouvements réalisés par les opérateurs de coworking en Île-de-France, soit 600€/m²/an. Cette valeur a continué de progresser pour atteindre 665€/m²/an au 3e trimestre 2023 et est donc bien supérieure à celle observée sur le marché francilien des bureaux, tous secteurs d’activité confondus (485€/m²).
Quel potentiel de développement ?
Hors de Paris, la place du coworking reste assez modeste. La Défense et le Croissant Ouest ne représentent ainsi que 20% des volumes pris à bail depuis 2015, et très peu de nouvelles transactions y ont été recensées depuis le début de 2023. Ailleurs en périphérie le marché est encore plus réduit, mais des opportunités existent au sein des nouveaux hubs du Grand Paris, dans des quartiers ou ensembles mixtes pouvant allier bureaux, coworking et logements. L’ouverture d’espaces partagés au plus près des lieux de résidence des salariés peut ainsi accompagner la généralisation du travail à distance. Le développement par les opérateurs de coworking d’une palette complète de services à destination des entreprises peut aussi contribuer au succès de pôles économiques importants, en complétant une offre souvent abondante de bureaux classiques à l’image de l’installation de Morning dans l’immeuble « Harmony » à Saint-Ouen.
« Alors que la localisation joue toujours un rôle central, le modèle du coworking ne cesse de se réinventer pour répondre à des attentes de plus en plus élevées en matière de services et de flexibilité. Certes, la baisse des surfaces prises à bail en 2023 et l’actualité entourant WeWork ont pu amener certains observateurs à s’interroger sur la robustesse du coworking ; mais son développement va se poursuivre, de façon plus opportuniste et sous des formes variées, illustrant la segmentation de l’offre et l’arrivée à maturité de certains acteurs », conclut Guillaume Raquillet.