Après une première analyse des reportings taxonomie des sociétés cotées publiée en novembre 2022, l’AMF publie cette année un second rapport qui analyse la qualité des informations fournies par 31 sociétés non financières concernant l’éligibilité et l’alignement de leurs activités sur la taxonomie européenne. Cette étude apporte un décryptage de la réglementation et met en avant de bonnes pratiques pour aider les sociétés à améliorer leur reporting, qui doit concourir à orienter les investissements vers les activités économiques durables.
Le règlement Taxonomie est un système européen de classification des activités économiques permettant d’identifier les activités considérées comme durables sur le plan environnemental. Le règlement et ses actes délégués dressent une liste évolutive d’activités « éligibles », c’est-à-dire susceptibles de contribuer aux objectifs environnementaux, et définit pour chacune d’elles les critères pour évaluer sa durabilité. Une activité est durable (et donc « alignée » sur la taxonomie européenne) si elle remplit trois conditions : contribuer à au moins un des six objectifs environnementaux européens, ne pas nuire aux autres objectifs et respecter des garanties minimales sociales et sociétales. Les sociétés qui publient des déclarations de performance extra-financières doivent communiquer sur le niveau d’éligibilité et, depuis 2023 pour les sociétés non financières, sur le niveau de durabilité de leurs activités selon la taxonomie.
Dans le cadre de son étude, l’AMF a analysé les informations taxonomie d’un panel de 31 entreprises cotées non financières de taille et secteurs d’activité variés. Dans l’ensemble, les sociétés étudiées ont poursuivi les efforts engagés depuis le 1er janvier 2022 : la grande majorité d’entre elles a publié les différents indicateurs demandés accompagnés d’informations contextuelles. Les explications et les données chiffrées publiées apparaissent cependant hétérogènes et peu comparables d’un émetteur à l’autre.
Pour cette deuxième année de reporting, les informations fournies par les sociétés étudiées sur la nature de leurs activités éligibles sont dans l’ensemble satisfaisantes. Néanmoins, l’AMF souligne la nécessité d’expliquer l’évolution du taux d’éligibilité d’un exercice à l’autre, dans un contexte où près du tiers des sociétés ont par exemple identifié de nouvelles activités éligibles.
Les sociétés non financières ont communiqué pour la première fois en 2023 sur le taux d’alignement de leurs activités économiques sur la taxonomie en lien avec les deux objectifs d’atténuation du changement climatique et d’adaptation au changement climatique. Dans ce domaine, le rapport met en avant les principaux constats suivants :
- la quasi-totalité des sociétés se sont limitées à analyser la contribution de leurs activités à l’objectif d’atténuation du changement climatique et ne prennent pas suffisamment en compte l’objectif d’adaptation au changement climatique. L’AMF souligne que l’analyse des contributions aux différents objectifs de la taxonomie est essentielle pour une bonne application de la réglementation ;
- plusieurs sociétés ont choisi de renoncer à déclarer l’alignement de certaines de leurs activités pour cause d’incertitudes juridiques ;
- peu d’entreprises ont identifié des plans d’investissements durables alors que cette information est importante pour rendre compte de leurs efforts de transition ;
- près d’un tiers des sociétés étudiées ont présenté sur base volontaire des indicateurs alternatifs. C’est une possibilité à la condition de ne pas les mettre plus en avant que les informations règlementaires au risque d’induire en erreur le lecteur.
L’analyse des activités économiques éligibles et alignées soulève de nombreux enjeux méthodologiques et défis opérationnels pour les sociétés. Celle-ci ont souvent rencontré des problématiques d’accès à la donnée et d’incertitudes sur l’interprétation des critères techniques de la taxonomie, ce qui peut parfois expliquer un périmètre d’analyse réduit ou le recours à des estimations. L’AMF précise que les sociétés doivent davantage communiquer sur les limites et choix méthodologiques clés retenues dans l’élaboration de leur reporting.
La taxonomie a récemment été étendue à quatre nouveaux objectifs environnementaux qui devront être pris en compte à partir des prochains reportings en 2024 : des critères de durabilité spécifiques ont été définis pour les objectifs liés à la préservation de la biodiversité, à la protection des ressources marines et aquatiques, au développement de l’économie circulaire et à la prévention et au contrôle de la pollution. Un reporting complet des émetteurs est essentiel pour que les autres acteurs des marchés financiers (gérants, assureurs, conseillers, etc.) intègrent à l’avenir la durabilité dans leur prise de décision et dans leur offre de produits financiers.
Marie-Anne Barbat-Layani, la présidente de l’AMF, conclut : « Dans le cadre de ses orientation stratégiques 2023-2027, l’AMF s’est fixée pour priorité de promouvoir une finance plus durable. Nous veillons donc avec la plus grande attention à la qualité de l’information extra-financière qui est indispensable pour assurer la confiance des investisseurs. Les constats de ce rapport, riche en enseignements, permettront aux sociétés de poursuivre leurs efforts de communication sur la durabilité de leurs activités. »