En bref
- En mai dernier, la Commission européenne a publié sa proposition de directive « omnibus » relative aux règles de l’Union européenne en matière de protection des investisseurs de détail. Ce texte propose d’amender, entre autres, la directive sur la distribution d’assurances (DDA) et la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIFID 2).
- L’ANCIA soutient l’objectif annoncé du texte d’accroître la participation des citoyens aux marchés de capitaux via des règles harmonisées et protectrices des intérêts des investisseurs de détail tout en favorisant les investissements dans l’économie réelle.
- L’ANCIA déplore cependant que les règles prévues dans la proposition de directive en matière de rémunération soient d’une complexité et d’une exigence telles qu’elles aboutiront nécessairement à une interdiction de fait de la rémunération par voie de commission pour les produits d’investissement. Elle s’inquiète du fait que ces règles inadaptées et donc source d’insécurité juridique pour les opérateurs, deviennent un obstacle à l’objectif même que s’était fixé le projet de directive : stimuler l’investissement productif par les citoyens français et européens pour financer les transitions verte et numérique.
- L’ANCIA se félicite des propositions du rapport de l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin qui assouplissent les conditions du commissionnement et préservent la diversité des modèles de distribution.
Les vertus du commissionnement pour l’ANCIA
L’ANCIA souhaite rappeler son attachement au modèle du commissionnement :
- En aucun cas ce modèle de rémunération ne peut être qualifié d’« incitation financière ». Contrairement à une incitation, la commission vient rémunérer non seulement les coûts d'acquisition de la clientèle mais également un conseil (lors de la souscription et tout au long de la vie du contrat) et donc un service. Celui-ci ne peut être assimilé à une incitation, pratique de rémunération qui vise à ce qu’une entreprise ou une personne paye une somme à un tiers dans le seul but de lui apporter un client.
- Ce système du commissionnement, modèle éprouvé, est un facteur déterminant pour ouvrir l’accès au conseil aux épargnants plus modestes : les frais payés par les épargnants étant indexés sur leurs versements et encours d’épargne, la contribution des épargnants les plus aisés est plus importante en montant que celles des épargnants les plus modestes. Le système du commissionnement favorise donc une juste mutualisation entre clients, en particulier s’ils ont des pouvoirs de négociation différents ; les frais de conseil plus importants payés par les « gros investisseurs » venant financer en partie le coût du conseil délivré à tous. Dans l’hypothèse d’un passage forcé aux honoraires, ces derniers feront l’objet d’une négociation entre le client et le courtier, favorisant de facto les clients ayant un levier de négociation important, au détriment des « petits » épargnants.
- Les taux de commissionnement, sans être uniformes, sont très homogènes : cela réduit d’autant le risque de conseil biaisé ou de conflit d’intérêts.
- Le droit au commissionnement est encadré par de nombreuses exigences réglementaires très strictes (DDA et MIF2), contrôlées par l’ACPR et l’AMF, qui empêchent tout risque de conflits d’intérêts, toute vente qui ne répondrait pas aux exigences et besoins du client.
L’ANCIA souhaite enfin rappeler qu’au Royaume-Uni, l’autorité de contrôle britannique (FCA) a reconnu que la suppression des commissions avait créé une pénurie de conseils (« advice gap »). Il en va de même aux Pays-Bas, où la part des investisseurs particuliers bénéficiant de conseils en investissement a diminué.
Les propositions de l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin
Par conséquent, l’ANCIA a accueilli très favorablement les propositions de la Rapporteure au fond pour la commission ECON du Parlement européen, l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin, qui reviennent sur l’interdiction partielle du commissionnement et en particulier :
- les amendements qui assouplissent les quatre critères du « test du meilleur intérêt » du client ;
- ceux qui suppriment l’interdiction du commissionnement pour les ventes non conseillées ;
- celui qui conduit à permettre aux intermédiaires d’assurance exclusifs, notamment les agents généraux, de continuer à conseiller un client sur la base d’un panel de produits financiers sélectionnés par leur entreprise d’assurance mandante ; et
- celui qui modifie, pour l’étendre, la clause de revoyure prévue sur le sujet de la rémunération.
Ces propositions très positives vont prochainement faire l’objet de discussions au sein du Parlement européen. À cet égard, l’ANCIA estime qu’elles devraient être fortement soutenues tant au niveau du Conseil qu’au niveau du Parlement.
Par ailleurs, l’ANCIA considère que pour sauvegarder le système du commissionnement de manière durable, des évolutions supplémentaires devraient être envisagées :
- Suppression des actes délégués (mesures de niveau II) portant sur la rémunération qui risquent de remettre en cause à terme le droit au commissionnement, en renvoyant ce sujet aux États membres, conformément au principe de subsidiarité ;
- Révision des critères trop exigeants de la vente non conseillée pour ne pas remettre en cause les règles actuelles qui régissent le conseil en France.
Pour l’ANCIA, comme le précise, son président Bertrand de Surmont, « Le maintien de la rémunération par voie de commission devrait constituer l’un des piliers de la stratégie européenne pour les investisseurs de détail. Car c’est le seul moyen de garantir à tous les épargnants l’accès à un conseil de qualité. C’est-à-dire qui leur permette d’orienter leurs investissements vers des produits répondant à leurs besoins, tout en dynamisant l’économie réelle et durable seule garante d’une vraie souveraineté européenne. »
Ainsi, l’ANCIA se tient à la disposition des législateurs nationaux et européens pour améliorer avec eux le texte proposé par la Commission européenne afin que la RIS atteigne les objectifs précités pleinement partagés par notre association.