Par David Dubois, Président d’AssurOne et Directeur des partenariats & synergies du Groupe Prévoir, Gold Partner de l’InsurDay 2023
L’évolution de la technologie permet aujourd’hui d’envisager une refonte du pilotage et de la tarification de l’assurance automobile en fonction des données issus des véhicules connectés. Cette approche par la « data » permettra une plus grande responsabilisation de chacun.
Depuis la crise de la Covid-19, on observe en France, ainsi que dans d’autres pays européens, une forte dégradation de la sinistralité concernant les assurances automobiles. Le nombre de tués sur les routes de France a même dépassé en 2022, son niveau de 2019 (3550 décès, +1,5% par rapport à 2019). L’origine d’un accident mortel est multifactorielle même si le facteur humain contribue à +90% à ceux-ci. En 2022, le nombre de blessés est aussi en augmentation avec 237 000 personnes blessées dont 16 000 graves. S’agissant des réparations mécaniques, on observe des sinistres plus nombreux et qui coûtent en moyenne plus chers aux compagnies d’assurance. L’inflation des pièces détachées observées depuis 2021 est un facteur aggravant du coût des réparations (+15% sur les 9 premiers mois de 2023). Dans les villes, l’essor des « mobilités douces » implique le plus souvent une dégradation de la fluidité des déplacements pour l’automobiliste qui doit en effet partager la voie publique avec des trottinettes et des vélos pas toujours respectueux du code de la route. Il y a assurément une modification du comportement des conducteurs qui se traduit par une évolution de la sinistralité. L’automobiliste ne peut s’exonérer du plus haut niveau de vigilance et doit adopter une conduite prudente et responsable à tout instant.
Dans ce contexte, comment les assureurs peuvent réagir pour accompagner une responsabilisation accrue des automobilistes sans pénaliser les conducteurs vertueux par une hausse conséquente de leurs cotisations ? Pratiquer des augmentations uniformes qui s’appliquent indifféremment à tous les conducteurs n’a plus de sens de nos jours. La réponse peut passer en revanche par l’individualisation de la tarification des cotisations.
C’est ici que l’exploitation des données à disposition des assureurs prend tout son sens. D’une part, celle-ci permet d’améliorer le pilotage du risque par une meilleure identification des poches de risques et la mise en place d’une stratégie d’allocation des augmentations tarifaires. D’autre part, à la souscription de l’assurance, la « data » permettrait de mieux cibler l’évaluation du risque du nouvel entrant. Ainsi, les assureurs ne se résoudront plus à payer des sinistres à l’aveugle sans une meilleure stratégie de segmentation des risques et une tarification adaptée.
Alerter l’automobiliste en cas de comportement à risque
Cette nouvelle approche de l’évaluation du risque de chaque automobiliste est permise par les progrès de la technologie, notamment grâce au développement des véhicules connectés. Avec une meilleure compréhension des sources de risque, l’assureur est en mesure de fixer un tarif pertinent selon le profil de chaque client. En outre, l’exploitation des données ne s’arrête pas à la fixation d’une prime d’assurance mais peut conduire potentiellement à alerter l’automobiliste si une conduite à risque est relevée. Ainsi, la donnée à disposition de la compagnie d’assurances ne sert pas uniquement à sanctionner financièrement l’automobiliste pris en défaut par une hausse de la tarification mais à prévenir d’une conduite potentiellement dangereuse qui augmenterait, par exemple, la probabilité d’un accident. Respecter les limitations de vitesses mais aussi adopter une dynamique de conduite responsable jouent forcément sur l’accidentologie mais aussi sur l’impact environnemental en adoptant les gestes d’écoconduite.
Cette évolution ne peut toutefois s’appréhender sans l’accord des conducteurs qui doivent accepter un suivi en temps réel et l’utilisation de leurs données. De même, l’accès aux données remontant des véhicules ne peut se faire qu’en établissant des partenariats avec les constructeurs qui, au travers du développement et de l’extension de la connectivité des véhicules qu’ils produisent, sont ceux qui ont l’accès immédiat à ces données. On voit alors poindre – ou du moins on peut imaginer - la mise en place de nouveaux modèles d’affaires et d’écosystèmes digitaux autour des véhicules, en témoignent l’offre Data as a Service Mobilisights de Stellantis, l’offre Véhicule as a Service Mobilize de Renault ou l’offre assurantielle de Tesla. La tarification par la « data » devrait inciter les conducteurs à une plus grande responsabilisation individuelle ainsi qu’à un effort de pédagogie essentiel pour faire évoluer les comportements de tous les automobilistes. L’écueil étant toutefois de ne pas arriver à pratiquer des tarifications excluantes pour certaines catégories de conducteurs qui viendraient augmenter le nombre de ceux roulant sans assurance. L’utilisation de la data ouvre aussi un large champ des possibles pour de nouveaux services aux conducteurs.
En revanche, la responsabilisation des conducteurs et l’individualisation des primes ne signifie pas de faire payer des cotisations plus élevées en fonction de l’âge ou de l’état de santé des automobilistes, ce qui serait moralement inacceptable. En effet, responsabiliser les conducteurs, dans le respect des réglementations en vigueur (RGPD), est socialement beaucoup mieux accepté et sera profitable in fine à tous ceux qui adopteront des comportements plus vertueux sur les routes.