Initié pendant la période Covid, le travail hybride - qui consiste à combiner travail à distance et présence au bureau - s’est imposé comme l’un des enjeux principaux pour la majorité des entreprises. Entre retour au bureau forcé et laxisme volontaire ou non, les DRH sont au premier rang. Alors que leurs modes opératoires diffèrent, quels sont les principaux enseignements qui rassemblent ? Quels leviers recommandent-ils d’activer pour créer une organisation hybride qui fonctionne vraiment ?
Pour répondre à ses interrogations, worklib, startup française spécialisée dans l’organisation du travail hybride, et Avizio, groupe de conseil RH pour startups et grands comptes, ont mené une étude auprès de 16 DHR de startups et scaleups, et leurs 2 480 salariés ; parmi lesquelles Boxy, Kiliba, Teladoc Health, Spaag, Plug Power, Dataiku, Dailymotion, Planity, BlaBlaCar, Life Beyond Studios, Beev, Horace, Foxintelligence, Clipperton, Garance & Moi, Avizio.
Etat des lieux du travail hybride chez les startups
Le travail à distance n’est plus une question chez les startups. En effet, l’étude de worklib et Avizio révèle que 87,5% des entreprises interrogées proposent à minima 1 jour de télétravail par semaine dont 30% misent plutôt sur 2 jours. Constat supplémentaire : la majorité préfère ne pas imposer de jours de télétravail prédéfinis pour offrir une totale liberté à leurs salariés.
Malgré tout, l’étude montre que 3 modèles coexistent actuellement :
- Office first : 40% des startups ont manifesté leur préférence pour un modèle centré sur le bureau et limitent ainsi le télétravail à 1 ou 2 jours par semaine. Ce choix est souvent motivé par des dirigeants “pro bureau” qui font de la culture d’entreprise leur fer de lance.
- Full remote : Seulement 10% ont opté pour un modèle d’organisation exclusivement à distance. Ici, les dirigeants souhaitent avant tout mettre l’accent sur l'attractivité de leur entreprise et l’efficacité générée par l’affranchissement de bureaux.
- Mixte : 50% des startups interrogées préfèrent laisser le choix à leurs salariés ; leur permettant ainsi de moduler leur emploi du temps à leur guise et d’opter pour 1 à 4 jours de télétravail par semaine.
« Entre les partisans du présentiel, qui militent pour un retour au bureau, et les fans du télétravail à temps plein, on observe de grandes disparités d’organisations chez les startups. Beaucoup d’entre elles ont opté pour un modèle intermédiaire, mi bureau-mi télétravail. Faute de cadre et de maturité managériale, ce choix s’avère être plutôt laborieux. Néanmoins, les structures les plus matures sur le sujet ont fait évoluer cet enjeu vers un véritable modèle hybride et ont instauré davantage de rituels et de règles pour une meilleure adoption en interne », explique Nathanaël Mathieu, Directeur Recherche et Culture chez worklib.
Les 6 enseignements des DRH de startups
Malgré quelques disparités dans la pratique, la majorité des startups interrogées s’accordent ici sur 6 enseignements fondamentaux
1/ Plus de liberté passe par plus de cadre : moins de 50% des startups de l’étude affirment avoir mis en place un dispositif clair pour encadrer le travail hybride. Pour celles-ci, pas de charte ni d’accompagnement managérial. De plus, peu ont prévu la prise en charge de frais de télétravail et autres coûts d’équipement du domicile.
« On est passé au travail hybride très rapidement sans vraiment adapter nos façons de travailler. L’enjeu prioritaire est désormais de mieux encadrer les choses au niveau de l’entreprise notamment les règles et les modalités de suivi », confie Marie Simphal, Head of People chez Teladoc Health.
2/ De l’importance des rituels à tous les niveaux : pendant un temps, les entreprises ont misé sur l’organisation de quelques événements de team buildings dans l’année pour souder les équipes. Force est de constater que les effets sont faibles sur la cohésion d’équipe. L’étude montre que les entreprises qui réussissent le mieux sont celles qui sont parvenues à créer des interactions régulières et pérennes à tous les échelons de l’entreprise.
3/ Le full remote est utilisé de manière ciblée : toutes les startups de l’échantillon font le même constat : les modèles évoluent actuellement vers des organisations plus fines du travail hybride. Il ne s’agit plus de juxtaposer “bureau & télétravail” mais bien de personnaliser au maximum l’expérience en fonction des métiers, des personnalités et des besoins.
« Aujourd’hui, je remarque que les entreprises se questionnent davantage concernant le travail hybride. Elles se demandent métier par métier si le full remote fonctionne bien. Chez Deezer par exemple, il y a eu une analyse au cas par cas pour voir si le full remote fonctionnait toujours, et avec le recul, on a pu s'apercevoir que ce n'était pas pertinent pour certains métiers. L'idéal, c'est quand la politique en place autorise une forme de souplesse pour permettre de s'ajuster aux réalités du business », décrypte Sarah Boudhabhay, Head of People in Residence chez Deezer.
4/ Un management qui demande plus d’énergie et de disponibilité : l’enjeu prioritaire des DRH de l’étude est d’accompagner au maximum les managers dans cette transition. En effet, le rôle du manager est aujourd’hui central dans la réussite du travail hybride. Il est nécessaire de mettre en place un véritable de suivi des performances tout en privilégiant un accompagnement psychologique pour l’ensemble des salariés.
« Le management d’équipe distribuée géographiquement demande plus d’énergie, de disponibilité, de capacité à organiser pour les managers. L’enjeu c’est donc de les accompagner pour s’assurer que les rituels soient bien en place à tous les niveaux et de s’appuyer sur le collectif pour s’inspirer de nouvelles pratiques managériales et se réinventer et s’adapter », précise Calixte Bonnet Saint Georges, Head of People in Residence chez Avizio in Residence.
5/ Les bureaux ne sont plus adaptés : 1 startup sur 2 a délaissé son bail pour prendre des bureaux dans des espaces de coworking. Pour celles qui ont gardé leur siège, l’étude révèle une augmentation du nombre de salles de réunion, des espaces de socialisation et des services complémentaires sur le lieu de l’entreprise (nourriture, bien-être, etc).
« Toute une offre d’espaces de travail flexible s’est structurée pour compléter ou remplacer le bureau classique : bureau opéré, bail flexible, coworking, comeeting, offsites, coliving… Cette diversité de lieux de travail représente une richesse fantastique et une palette d’usages exceptionnelle pour les startups. Elles peuvent désormais composer des environnements de travail sur-mesure, en permanence flexibles et adaptables aux spécificités des équipes, voire même des collaborateurs », souligne Nathanaël Mathieu.
6/ Le “work anywhere” n’est pas si simple à mettre en place : parmi les répondants, 1 startup sur 3 permet de travailler depuis l’étranger. Dans la pratique, le sujet se révèle être particulièrement complexe à mettre en œuvre (conditions de retour au bureau, décalages horaires, etc).
Les bonnes pratiques pour une organisation hybride réussie
Suite à l’étude, les 16 DHR des startups et scaleups interrogées se sont réunies pour élaborer les recommandations fondamentales pour créer une organisation hybride qui fonctionne :
1/ Mettre en place des règles simples, claires et connues de tout le monde : communiquer sur le modèle d’organisation choisi (office first, flex, full remote, mixte), définir le lieu de télétravail (France, Europe, Monde) et la prise en charge de l’entreprise (l'équipement à domicile et/ou indemnités télétravail).
2/ Souder le collectif et maintenir la culture d’entreprise : Soigner l’accueil des nouvelles recrues, prévoir un temps de travail en présentiel avant de passer progressivement au télétravail, créer des liens inter-départements (parrainage, team building, afterwork, soirée de Noël, etc).
3/ Optimiser les usages : éviter de multiplier le nombre d’outils, maintenir un environnement de travail sain et organisé avec une documentation claire, rester vigilant au droit à la déconnexion de chacun pour permettre un bon équilibre pro / perso.