À l’heure où 18% des Français déclarent vivre à découvert, certaines dépenses pèsent plus que d’autres sur le budget des ménages. C’est le cas de l’automobile, qui représente 80% du budget transport et qui pourrait sur certains territoires être soutenu par l’autopartage.
L’analyse de Marie Reboul, VP Marketing & Communication chez Getaround Europe
Près d’un Français sur cinq déclare actuellement vivre à découvert et moins d’un Français sur deux indique parvenir à mettre de l’argent de côté. Les chiffres du Baromètre français de la pauvreté et de la précarité Ipsos / Secours Populaire, corrélés aux alertes des associations en cette rentrée, nous invitent à réfléchir aux actions concrètes de soutien au pouvoir d’achat. Parmi elles, les récentes remises sur le prix des carburants déployées par certains distributeurs à l’appel du gouvernement ouvrent la réflexion sur le poids de la voiture dans les finances des Français.
L’automobile dans le budget des ménages
En France, une grande partie du budget des ménages est consacrée aux dépenses de transports, à égalité ou presque avec celles liées au logement, à l’alimentation et aux biens et services divers. Parmi ces dépenses, l’automobile occupe une place centrale : 80% du budget dédié aux déplacements (source INSEE). Achat, carburant, assurance, entretien…En 2022, l’association Réseau Action Climat a estimé que le coût annuel de possession et d’usage de la voiture s’élevait à 4 210€, avec une prévision de hausse dans les années à venir en raison notamment du contexte d’augmentation des prix des carburants et de des prix d’achat des véhicules. Dans le secteur de l’automobile, cette hausse n’est pas négligeable : elle se monte à 30% ces deux dernières années pour les véhicules d’occasion (source : Eplaque) et à 21% pour les véhicules neufs (Source : Automobile Magazine).
Voilà qui constitue indéniablement un facteur d’accroissement supplémentaire des inégalités salariales et territoriales, surtout lorsque l’on sait que huit Français sur dix possèdent au moins un véhicule.
Vers une approche partagée des véhicules
Comment les ménages plus modestes peuvent-ils faire front ? Face à cette situation, des solutions existent. L’autopartage, c’est-à-dire l’utilisation partagée d’une flotte de véhicules par différents usagers, pour une courte durée et via un abonnement, en est une. Elle repose sur un constat aussi simple que clair : dans notre pays, tous les propriétaires de voitures n’utilisent pas celle-ci au quotidien, ce qui peut leur permettre de le partager. Cette réalité est surtout tangible dans les métropoles et les zones urbaines denses, là où des solutions de mobilités ont été déployées par les pouvoirs publics (bus, train, vélo, trottinettes principalement).
Ainsi, dans certains territoires urbains (selon l’Insee, 50% des Français vivent dans une ville de plus de 1000 000 habitants), l’autopartage offre des possibilités nouvelles. Accessible, il permet aux ménages de cibler leurs déplacements (week-ends, rendez-vous, congés…) en accédant à une voiture à la demande et sans avoir à en posséder une. Quant aux propriétaires qui choisissent de partager leur véhicule, ils louent au moment où ils n’ont pas besoin de leur quatre-roues, ce qui leur permet de rembourser une partie de leurs frais. Enfin pour la collectivité, l’autopartage constitue un pas vers l’usage plus raisonné du véhicule individuel, chaque voiture louée sur une plateforme permettant, selon une étude de l’Ademe menée en 2022, de remplacer jusqu’à 8 véhicules individuels, de supprimer entre 10 000 et 19 000 kilomètres parcourus par an, et de libérer jusqu’à 3 places de stationnement en voirie.
Une politique forte en faveur de l’autopartage
Compte tenu de l’impact économique mais aussi environnemental de l’autopartage, nous avons donc tout intérêt à soutenir et encourager l’adoption d’une telle pratique. Cette évolution ne peut se faire qu’avec le concours actif de l’Etat. Au même titre que les primes à la conversion ou au covoiturage, une politique publique structurée autour de l’autopartage en France pourrait nous aider à passer d’une logique de mobilité individuelle à une approche partagée dans le cadre d’une économie résolument collaborative.
Il faudrait pour cela revoir notamment la fiscalité des revenus tirés de l’autopartage. Celle-ci est aujourd’hui peu incitative et soumise à des conditions moins favorables que la location de logements de courte durée, alors même que les frais (d’entretien notamment) sont plus importants. Ainsi, les propriétaires auraient plus d’intérêt à mettre leur véhicule en location. Il conviendrait également d’encourager le déploiement de l’autopartage auprès des collectivités, pour déployer rapidement et à moindre coût le principe sur l’ensemble des territoires – particulièrement urbains. Il faudrait enfin intégrer l’autopartage plus largement dans les communications au sujet de la mobilité, à l’instar de ce qui a été fait pour le covoiturage dans les dernières années.
On le comprend : c’est un travail de fond qu’il convient de mener, mais celui-ci est fondamental. Car au-delà du pouvoir d’achat il s’agit de répondre aux enjeux de la mobilité de demain, qui devra être plus durable tout en restant accessible et en préservant notre liberté de mouvement.
Aurons-nous l’ambition et les ressources nécessaires pour renouveler notre rapport à l’automobile et en faire un objet au service de tous ?
En cette rentrée, la question mérite d’être posée !