Tribune rédigée par Laurent Chaudeurge, Responsable de l’ESG, Porte-parole de la Gestion chez BDL Capital Management
Les Français ont un problème avec la répartition de leur épargne et le choix de leurs placements financiers. Ce n’est pas nouveau, mais plus cela dure, plus les conséquences sont sérieuses, pour eux comme pour notre pays. Les choix qu’ils font dictent non seulement l’évolution de leur patrimoine mais aussi, en partie, la trajectoire économique de la France.
Si l’Etat a pu s’endetter de cette manière (la dette publique de 3013,4 Md€ représentait 112,5% du PIB en 2022), c’est grâce à l’argent des Français qui paient chaque année deux fois. Une première fois en s’acquittant des impôts et des charges sociales, ce que l’INSEE appelle les prélèvements obligatoires. En 2022, ils représentaient 45,4% du PIB. Une deuxième fois, en faisant un chèque en blanc à l’Etat Français de 3 000 Md€. Ce faisant, ils cautionnent le train de vie excessif de l’Etat et s’appauvrissent significativement sur le long terme.
Dans son rapport annuel sur l’épargne des Français, la banque de France indique que, en 2022, 80% des produits financiers liquides des ménages étaient constitués des dépôts à vue, des dépôts réglementaires comme le Livret A et des contrats en euros. Cela représentait 3 500 Mrds€. L’ensemble de ces placements sont appelés des produits de taux car ils sont investis dans des obligations qui donnent un rendement annuel. Ces obligations, dans leur grande majorité, ne sont rien d’autre que la dette de l’Etat Français. Sans le savoir, et à la recherche d’une sécurité de tout instant, les Français financent un Etat qui, chaque année, se rapproche un peu plus de l’insolvabilité. Les ordres de grandeur coïncident. 3 500 Mrds€ de produits de taux, 3 000 Mrds€ de dette publique, CQFD. Les 20% restants sont investis, directement ou indirectement, dans des placements en actions.
En répartissant leur épargne de cette manière, les Français s’appauvrissent car ils permettent à l’Etat de s’endetter durablement et donc de leur prélever de plus en plus d’impôts et de charges sociales. Ils s’appauvrissent aussi car ils placent l’essentiel de leur argent sur les produits les moins rémunérateurs. Sur les 30 dernières années, les produits de taux de sont appréciés de 192% en moyenne contre 775% pour les marchés actions. S’ils avaient fait l’inverse il y a 30 ans, les Français auraient aujourd’hui près de 2 fois plus de liquidités et un Etat moins endetté car il aurait été contraint de se financer à l’extérieur, auprès de créditeurs plus regardants.
Au-delà de l’intérêt personnel des épargnants, cette mauvaise allocation du capital entraîne des conséquences sur les choix économiques qui sont faits par la France. En 2022, la charge d’intérêts de la dette a atteint 53,2 Mrds€. La France consacre désormais deux fois plus d’argent à payer les intérêts de sa dette qu’à la recherche et l’enseignement supérieur (26,4 Mrds€) et 30% de plus qu’à son budget dédié à la défense.
Ces comparaisons montrent à quel point la dette est un poison à mort lente : au fur et à mesure qu’elle augmente, les priorités changent. Le long terme est sacrifié au profit du court terme : rembourser les intérêts financiers pour éviter la faillite. Cet endettement fragilise notre pays durablement. L’innovation est freinée et les charges obèrent le développement de nos entreprises. C’est une spirale négative et déprimante mais les épargnants Français ont le pouvoir de l’enrayer.
En choisissant de répartir autrement leurs placements financiers, ils peuvent décider d’un avenir différent. La marche à suivre est celle du bon sens : les Français ont un double intérêt à augmenter le poids de leurs placements en actions. Premièrement cela réduit la manne de financement de l’Etat et le contraint à une meilleure gestion de ses dépenses. Deuxièmement, comme nous l’avions écrit dans cet article, cela augmente leurs perspectives de rendement étant donné les caractéristiques attractives des marchés actions. Sur les 30 dernières années, une vie d’épargnant, 10 000€ placés en actions ont produit un capital de 87 500€ aujourd’hui contre seulement 29 200€ à financer l’Etat Français.