Par Marc de Saint-Roman, Président de SERENYA, spécialiste des Villages Résidentiels pour séniors autonomes et dépendants
L’été qui s’achève a montré à quel point le Grand Âge en France suscite autant d’angoisses que d’espérances. L’épisode caniculaire tardif, le personnel en tension, le ressac de la pandémie, l’inflation, la crainte d’une dégradation d’accompagnement des résidents sont autant d’exemples que la Fédération Hospitalière de France souligne avec force et relaye au Gouvernement.
De même, les familles et les aidants s’en émeuvent aussi. C’est dans cet esprit que la députée en mission Christine Pirès-Beaune a remis fin juillet un rapport à la Première Ministre. Portant sur le reste à charge, ce document décrit par ailleurs un “contexte financier dégradé inédit que traversent les EHPAD habilités à l’aide sociale (...) et les limites du modèle actuel de financement et de gouvernance du secteur”.
Ce contexte montre que nos politiques publiques ont atteint leurs limites et qu’il n’est plus possible de laisser sur le bord du chemin, une grande partie des séniors, surtout les plus modestes. En disant cela, nous enfonçons une porte ouverte depuis bien longtemps où rechercher les responsables ne sera pas suffisant pour répondre aux défis du grand-âge. Il en va de même pour l’hôpital. Dans sa globalité, notre pays souffre d’une régression de la promotion de la santé. Il est confronté à un vieillissement de la population par ailleurs désireuse de passer sa fin de vie à domicile.
Transformer l’offre actuelle
Aussi, plus que des rapports, c’est dans une démarche ambitieuse, ouverte et globale que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 doit s’ouvrir. Le même esprit doit commander pour le budget de la Nation. Il nous faut collectivement apporter de la clarté à une politique en faveur des séniors devenue illisible. Sans transformation de l’offre actuellement focalisée sur les EHPAD et les résidences séniors classiques, la France ne pourra pas sortir d’une gestion au coup par coup, dévastatrice pour les finances publiques et ne prenant plus en charge nos aînés.
Pour cela, il faut tenir compte des solutions alternatives développées en dehors de l’offre publique. Pourquoi ? Nous allons comptabiliser 21 millions de séniors de plus de 60 ans d’ici 2030. Ensuite, les résidences séniors classiques représentent 90% de l’offre pour les séniors autonomes ou faiblement dépendants, mais ne sont financièrement accessibles qu’à 15% d’entre eux. Chères, leurs services ne sont pas adaptés pour gérer la dépendance et leurs résidents sont souvent obligés de partir en EHPAD rapidement.
Enfin, parce que les EHPAD, unique solution pour accueillir les personnes les plus dépendantes, font figure de repoussoir malgré la bonne volonté du personnel aidant. Privatifs de toute bribe d’autonomie notamment s’agissant du rythme de vie, ils sont coûteux pour les plus démunis et aux Départements qui doivent développer des trésors d’ingéniosité pour participer financièrement à leur fonctionnement et prendre en charge l’Aide aux Personnes Agées (APA).
Libérer les énergies et les initiatives
Lorsque nous avons imaginé le concept SERENYA, nous l’avons fait avec le souci majeur de proposer une offre alternative garantissant le “bien vieillir à domicile” de nos résidents dans des villages de maisons individuelles adaptées à tous les stades de la vieillesse et de la dépendance. Mais nous avons aussi pensé à la maîtrise des charges pour les rendre financièrement accessibles parallèlement à une aide à la personne à la carte (auxiliaires de vie et de santé présentes 24h/24) pour accueillir et prendre en charge les plus dépendants et éviter ainsi l’EHPAD.
Cette alternative se heurte malheureusement trop souvent aux réglementations environnementales, aux conditions architecturales de l’Etat, aux PLU de plus en plus contraignants. Sans oublier la loi ZAN qui manque cruellement de discernement. Les communes, manquant souvent de surfaces disponibles, sont entravées par des normes d’urbanisme complexes et bien d’autres embûches dans lesquelles la “France administrative” se complaît trop souvent... Les projets sont alors retardés par des études chronophages, des dossiers à refaire ou à abandonner alors que la demande est criante et urgente…
En résumé, la France a mal anticipé la question du logement des séniors alors que nous avons une population vieillissante. L’’offre de l’Etat et des établissements classiques ne peuvent plus subvenir aux besoins de nos aînés. Pour ne pas défigurer davantage l’image de notre pays s’agissant de sa politique du grand-âge, il n’est pas trop tard pour réunir acteurs privés et publics et trouver les voies de passage qui vont juguler une éventuelle “inhumanité tranquille” à retardement.