La principale motivation des nombreuses entreprises qui ont recours au crowdsourcing est de glaner des idées innovantes. Elles offrent en retour une rémunération aux auteurs des propositions les plus adaptées à leurs projets. Une étude* co-réalisée par Mariyani Ahmad Husairi, chercheure de NEOMA Business School, a analysé les liens entre récompense proposée et taux de participation affichée, ainsi que l’adéquation des solutions soumises.
Depuis plusieurs décennies, de nombreuses marques mondiales ont recours au crowdsourcing, forme de production participative fondée sur des appels à contribution ouverts. « De grands groupes comme Nestlé et PepsiCo ont déjà utilisé cette méthode afin d’identifier de nouveaux goûts pour leurs snacks et autres friandises. Le constructeur automobile BMW a quant à lui recherché des idées pour organiser les compartiments à bagages de ses SUV, explique Mariyani Ahmad Husairi, enseignante-chercheure de NEOMA Business School et co-auteure de cette étude. Pour convaincre des personnes de répondre à leurs appels, elles utilisent généralement des incitations financières. Avec mes coauteurs nous avons cherché à identifier la manière dont le montant de la récompense proposée impacte le taux de participation et la pertinence des réponses ».
Comment stimuler la participation ?
Pour cela, l’équipe de recherche a analysé plus de 50 000 individus inscrits à 183 concours sur la plateforme française de crowdsourcing eYeka spécialisée en design. Ces concours créatifs représentent la majorité des appels lancés en ligne, attirant le plus souvent des profils de candidats très variés avec la promesse d’une contrepartie financière attractive pour les gagnants.
Bonne ou mauvaise tactique ? « Tout dépend des attentes des entreprises en demande. Nous avons noté que le nombre de prix potentiels par concours a un effet positif sur la participation. Plus il y a de prix, plus les individus ont de chances de gagner et donc plus ils contribuent. Mais c’est surtout le montant de la récompense qui impacte le taux de participation. Des sommes élevées attirent ainsi davantage de participants ».
Si bien que les chercheurs recommandent aux entreprises d’augmenter la taille de leurs récompenses. L’étude prend pour exemple la campagne réussie de crowdsourcing « Do us a flavour » de l’entreprise britannique Walkers. Avec des récompenses monétaires importantes, elle a reçu, entre 2008 et 2009, plus d'un million de suggestions de nouvelles saveurs pour ses chips.
« Toutefois, une récompense conséquente augmente également le taux de propositions inadaptées soumises par les participants. Autrement dit, les chances de trouver des solutions utiles et nouvelles s’amenuisent ».
Comment accroître la qualité des solutions reçues ?
Le risque en proposant des récompenses élevées est de recevoir une quantité faramineuse d’idées, et de voir en conséquence le niveau d’attention des évaluateurs diminuer. Ceux-ci auront alors tendance à sélectionner des soumissions familières et donc proches de ce que fait déjà l’entreprise. « L’enjeu dans le cas de missions complexes comme la création d’un nouveau design ou logo, n’est pas tant d’augmenter la participation générale, mais plutôt d’attirer les personnes qui proposeront des idées adéquates et originales ». D’autant qu’indépendamment de la somme de la récompense, les chercheurs montrent que les gagnants sont souvent les participants les plus expérimentés. « Afin d’attirer les bons profils et les bonnes idées, nous recommandons d’associer, dès le début du concours, des récompenses élevées aux profils de compétences et aux expériences convoitées. Sur ce point, les plateformes peuvent utiliser des algorithmes pour identifier et cibler en priorité les candidats les mieux adaptés aux exigences de l’appel ».
Quels autres leviers exploiter ?
L’étude s’est concentrée sur l’impact du montant d’une récompense monétaire. « Toutefois, l’argent n’a pas réponse à tout. Les participants aux concours de crowdsourcing peuvent aussi être motivés par le simple plaisir de relever et réussir le défi proposé. Dès lors, des récompenses autres que financières, comme une reconnaissance ou une possibilité d’emploi, peuvent jouer sur la participation et la qualité du travail délivré ».
Il serait donc judicieux d’évaluer l’impact de différentes récompenses afin que les entreprises qui optent pour le crowdsourcing puissent offrir des incitations attirant les profils les plus en phase avec leurs objectifs.