Par Chris Colley, Financial Services Advisor chez Qualtrics
Notre année aura été marquée par deux phénomènes importants qui ont surpris les acteurs de l’économie, dont les services financiers. Il s’agit bien sûr d’un rythme d’inflation soutenue entraînant une hausse des taux d’intérêt à court, moyen et long terme, provoquant un bouleversement de l’ordre économique des années précédentes.
Les banques commerciales ont dû faire face à un ralentissement significatif de la distribution de crédits immobiliers, de crédit à la consommation et, pour les banques d’affaires, une diminution des opérations de fusion et acquisition. De leur côté, les assureurs ont été confrontés à une augmentation de leurs coûts d’exploitation, tandis que les gestionnaires d’actifs ont dû gérer une décollecte, liée à de nouvelles allocations de placements. De ces nouvelles conditions émane un serrage de ceinture généralisé dans les services financiers, conduisant les entreprises à prendre des décisions difficiles en matière d’expérience client (Customer Experience, ou CX).
Cependant, il y a également matière à rester optimiste. En effet, comme les équipes dirigeantes ont pu s’en apercevoir en pleine pandémie de Covid-19, c’est précisément dans les périodes de crise que les clients ont le plus besoin du soutien de leurs prestataires de services financiers. Et les établissements se montrant à la hauteur du défi pourraient augmenter leurs parts de marché à long terme auprès de clients reconnaissants. Pour réussir dans l’environnement actuel, il leur faudra absolument jauger l’importance de leur mutation vers un modèle orienté client. Cette analyse aura un impact sur les types d’initiatives d’expérience client que ces entreprises décideront de traiter comme des priorités.
Fort de ce constat, nous pouvons tracer l’évolution possible des tendances pour les prochains mois avec les cinq prédictions suivantes.
1/ Focalisation sur la création de valeur
Jusqu’à présent, de nombreuses entreprises se sont essentiellement appuyées sur des indicateurs issus d’enquêtes de perception client pour valider leurs décisions d’investissement. Si ces enseignements restent des guides précieux dans l’incertitude économique actuelle, les établissements financiers accordent progressivement leur attention sur la rentabilité comme principal indicateur de la réussite de leurs programmes. En effet, la volatilité des marchés requiert un haut degré de confiance avant de valider un investissement dans une initiative d’expérience client pour accroître la marge d’intérêt nette et les diverses commissions. Les assureurs chercheront également à savoir si ces opportunités d’amélioration entraîneront une hausse de leurs primes brutes émises. Quant aux gestionnaires de placements, ils seront curieux de comprendre le lien entre expérience client et augmentation des actifs sous gestion.
Enfin, globalement, les établissements financiers voudront s’assurer que leurs investissements liés au « confort » de la clientèle pourront améliorer leur efficacité opérationnelle. Il s’agit notamment de la conformité avec la réglementation, en automatisant certaines tâches, dont le traitement des réclamations des clients. Pour mener à bien ce changement, les responsables de l’expérience client devront épouser une nouvelle mentalité. Il leur faudra apprendre à parler le même langage que les équipes métiers, afin d’expliquer comment l’expérience client impactera directement le compte de résultat des différents acteurs de leur société.
2/ Cap sur l’efficience des centres de contact
Afin de créer plus rapidement de la valeur, une tendance déjà en cours devrait s’accentuer : l’expérience client sera moins perçue comme une discipline analytique, et davantage comme un système opérationnel pour les équipes directement en relation avec le client (plus spécifiquement pour les centres de contact). Le raisonnement est clair : il existe une corrélation directe entre l’efficacité du programme de service client déroulé par une organisation et les résultats tels que le taux de résolution au premier contact et le temps de traitement des appels. En d’autres termes, et dans un environnement où la rentabilité est essentielle, les centres de contact sont le fer de lance de l’entreprise. Les leaders en matière d’expérience cherchent donc de plus en plus à mettre en avant les retours sur investissement en commençant par leurs centres de contact. Cette réussite leur sert alors de tremplin pour obtenir de la crédibilité auprès de leur hiérarchie, dans l’optique d’une future expansion.
3/ L’accélération de l’optimisation du parcours client
L’optimisation des activités des centres de contact est une part essentielle de l’équation, mais il convient également de corriger les processus défaillants qui poussent les clients à les contacter en premier lieu. Selon les estimations d’une banque multinationale basée au Royaume-Uni, seuls 25% des commentaires transmis par des clients aux centres de contact concernent leurs interactions avec des agents. Les 75% restants sont liés à des problèmes survenus en amont sur d’autres points de contact ; dans l’incapacité d’effectuer une tâche donnée, les clients auraient alors décroché leur téléphone. Cependant, l’optimisation des processus orientés clients n’a pas uniquement pour but de réduire le volume d’appels des centres de contact. Les parcours clients défectueux font également fréquemment partie des principales causes d’attrition. Au vu du contexte macroéconomique actuel, il n’y a donc rien de surprenant à ce que les établissements financiers se focalisent sur cet aspect pour diminuer leurs dépenses d’exploitation et atténuer la perte de clientèle. Les pionniers du secteur ont déjà commencé à adopter des approches plus sophistiquées pour relever des indicateurs sur le parcours client - un paramètre souvent négligé au sein des cadres de suivi de nombreux établissements.
L’étape suivante est l’orchestration des parcours. Les clients sont à la recherche d’interactions toujours plus personnalisées. Les offres de marketing ciblé ne suffisent pas : il leur faut du sur mesure, et des informations à même de les guider et de leur proposer des suggestions. Par conséquent, les établissements devraient investir davantage dans des solutions leur permettant d’effectuer une micro segmentation à grande échelle, et d’orchestrer leurs données et contenus sur différents canaux afin de créer de la valeur en offrant à chaque client l’expérience personnalisée attendue.
4/ Des investissements dans le numérique focalisés sur l’humanisation des expériences
L’optimisation des expériences sur les canaux numériques sera vraisemblablement une autre grande priorité des mois à venir. En effet, comme vu dans les prédictions précédentes, les problèmes au niveau des parcours numériques se traduisent par des coûts importants en production. D’où le souci des entreprises de proposer à leurs clients des outils en libre-service. De cette manière, les questions peuvent être posées sur des points de contact en ligne à moindre coût (web, web mobile, applications), soulageant d’autant les centres de contact. Dans cette optique, les entreprises ne limitent plus leur champ d’action uniquement à la refonte de leur expérience/interface utilisateur. Elles se demandent désormais à quoi devrait ressembler un processus tourné vers le numérique, afin d’éviter que les clients ne passent d’un canal à l’autre. Le coût de renoncement pour les organisations refusant de mener une telle réflexion est d’ailleurs important.
5/ Des clients de plus en plus intégrés au développement de produits
Le secteur des services financiers est de plus en plus concurrentiel. Les acteurs établis rivalisent pour accroître leur part de marché alors qu’ils sont confrontés à de nouveaux venus agiles. Moins pénalisés par la taille de leur bilan, ces nouveaux entrants proposent des offres modulables, mettant à mal le modèle produit/service traditionnel. Alors que les consommateurs se satisfaisaient d’un nombre limité de relations avec des fournisseurs de services monolithiques, ils sont de plus en plus à l’aise à l’idée de sélectionner et d’associer le meilleur des nouveaux acteurs pour bénéficier de l’équivalent d’offres financières traditionnellement groupées.
Dans ce contexte, pour se démarquer, les établissements n’ont d’autre choix que de faire mieux que leurs concurrents en matière d’innovation. Certains pionniers ont donc commencé à prendre systématiquement en compte les retours des clients dans le cadre de leurs cycles de développement. Ils ont ainsi créé une culture de « bêta perpétuel » caractérisée par une approche de développement de produits itérative, axée sur les désirs et besoins des consommateurs, afin d’accélérer leurs cycles d’apprentissage et de réduire leurs délais de mise en marché. Cette tendance devrait prendre de l’ampleur en 2023, les leaders du secteur continuant à enrichir leurs activités d’étude de marché de capacités de nouvelle génération (compréhension de vidéos et du langage naturel) afin de mieux interpréter les sentiments et émotions des clients.
L’instabilité et la volatilité des marchés auront certainement un impact sur le secteur des services financiers dans un avenir proche. Cependant, une chose paraît claire : à l’heure où les entreprises continuent d’identifier l’impact de leurs investissements orientés clients sur leurs principaux indicateurs financiers, la gestion de l’expérience restera un facteur de différenciation et de croissance à court comme à plus long terme.