Lhyfe, l'un des pionniers mondiaux de la production d'hydrogène vert et renouvelable, concrétise une première étape dans ses travaux dédiés à la réoxygénation des océans avec la publication, par l’IRD de Brest, d’un premier article scientifique consacré aux fruits des recherches de ces derniers mois.
En 2017, dès les premières ébauches de ce qui allait devenir Lhyfe, l’équipe fondatrice réunie autour de Matthieu Guesné a eu une ambition : décarboner massivement les transports et l'industrie en produisant et fournissant de l'hydrogène renouvelable et, parallèlement, contribuer à la réoxygénation des océans. Mais de quelle façon ?
L’équipe a imaginé un processus entièrement vertueux ayant un double impact :
- produire de l’hydrogène vert en mer (à partir d’eau de mer et de vent) afin de décarboner les usages très émissifs de CO2 (mobilité lourde - camions, bus, bennes à ordures ménagères, etc. - et industrie - chimie, métallurgie, verrerie, aciérie, etc.) ;
- injecter l’oxygène co-produit lors de l’électrolyse de l’eau dans les milieux aquatiques qui - notamment en raison du réchauffement climatique et d’activités industrielles polluantes - s’appauvrissent de plus en plus en oxygène, afin de les réoxygéner.
Les étapes vers la production d’hydrogène en mer se succèdent : Lhyfe a lancé sa production d’hydrogène vert renouvelable en mer avec Sealhyfe (pilote capable de produire jusqu’à 400 kg d’hydrogène par jour au large de la côte atlantique, mis à l’eau au 2ème semestre 2022), et a annoncé le projet HOPE (Hydrogen Offshore Production for Europe) pour la production de jusqu’à 4 t d’hydrogène par jour en mer, au large d’Ostende en Belgique, à horizon 2026. En parallèle, l’entreprise mène ses travaux de recherche liés à la réoxygénation des océans et espère bien concrétiser un jour ce projet, conjointement au déploiement des futures plateformes de production offshore.
Lhyfe a commencé dès juin 2020 à travailler avec plusieurs organismes de recherche, dont l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de Brest. Lhyfe a financé la totalité des travaux liées à ce projet, et missionné une partie de ses experts, dont Stéphane Le Berre, offshore project manager, pour contribuer à leur avancement. Dr Patricia Handmann, Physical Oceanographer, a pour sa part pris la direction de ces travaux en juin 2022.
Cet article - disponible ici son intégralité - aborde :
- Le rôle de l’oxygène pour les milieux aquatiques ; La façon dont la production d’hydrogène vert renouvelable a pour effet la co-production d’oxygène ;
- Le contenu des travaux de recherche menés par les experts en modélisation physique et biogéochimique des océans de l’IRD de Brest ;
- Les résultats de ces recherches, qui révèlent que la réponse de l’inventaire régional d’oxygène a montré de fortes variations selon les régions, soulignant combien la réoxygénation artificielle industrielle à grande échelle des océans pourrait avoir un impact sur les Zones d’Oxygène Minimum (OMZ) mondiales, et doit être traitée avec beaucoup de précautions.
Forte de ces premiers résultats, Lhyfe s’engage sur une série de prochaines étapes afin de prendre les précautions nécessaires au traitement de ce sujet.
Pour Patricia Handmann, Oxygenation Advisor chez Lhyfe : « La désoxygénation des océans est un sujet majeur pour notre planète, qui mérite toute notre attention. Voir une jeune entreprise comme Lhyfe y dédier des ressources pour explorer de potentiels services à apporter à l’environnement est un exemple profondément inspirant pour notre société. Ces premiers travaux sont très encourageants, nous allons - avec nos partenaires - les poursuivre dans les mois qui viennent, avec rigueur et responsabilité. Nous ambitionnons désormais de bâtir une base scientifique, juridique et technologique suffisante, qui permettra d’ouvrir la voie à une mise en œuvre effective de la réoxygénation des océans sur nos futurs sites industriels de production d'hydrogène vert offshore ».
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Synthèse et commentaire de Patricia Handmann
Quel pourrait être le potentiel global de la réoxygénation artificielle des océans
liée à la production d'hydrogène en mer ? Une étude avec un modèle océanique
L'océan représente une énorme capacité tampon du réchauffement climatique et des émissions de CO2, absorbant environ un quart du CO2 anthropique. En raison du réchauffement, non seulement de l'atmosphère mais aussi de l'océan, cette capacité sera affaiblie. L'océan va se réchauffer, s'acidifier et se désoxygéner à l'avenir, ce qui modifiera sa physique, sa chimie et sa biologie et conduira à une moindre capacité à absorber le carbone et l'oxygène.
Environ 50% de l'oxygène sur terre provient de l'océan. L'oxygène, produit par les cyanobactéries marines, a commencé à s'accumuler dans l'atmosphère terrestre et les eaux peu profondes il y a 2,5 milliards d'années. Il joue un rôle crucial dans la définition des cycles des nutriments océaniques et de l'habitat marin. L'oxygène a donc un impact substantiel sur la pêche et l'économie marine côtière. Les scientifiques observent une baisse des niveaux d'oxygène dissous dans l'océan mondial depuis les années 1950 et prédisent une nouvelle diminution pouvant atteindre 7% de l'inventaire actuel d'ici 2100 en raison du réchauffement des océans et de la pollution par les nutriments.
Il existe un besoin urgent de réduction des émissions de CO2 et de décarbonation de nos modes de vie et de nos industries, mais aussi un besoin de stabiliser activement et/ou de restaurer le fonctionnement des écosystèmes afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. La production d’hydrogène vert et renouvelable fait partie des solutions pour décarboner nos industries et nos modes de vie.
Or, lors de la production de 1 kg d'hydrogène vert renouvelable, par électrolyse de l'eau, 8 kg d'oxygène sont co-produits. Notre vision, chez Lhyfe, est de redonner cet oxygène à l'océan pour soutenir sa résilience et/ou restaurer le fonctionnement des écosystèmes marins. Afin d'approfondir ce sujet avec une compréhension profonde de la réoxygénation et de ses influences sur le fonctionnement de l'océan, Lhyfe a entamé une collaboration avec des experts en modélisation physique et biogéochimique des océans à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de Brest. Un premier article vient d'être validée et publiée dans Environmental Research Letters (IOP Science).
Au cours de cette collaboration, un modèle océanique numérique couplé physico-biogéochimique a été utilisé. Il représente les courants océaniques, la stratification ainsi que les cycles et les interactions écosystémiques de base, notamment l’oxygène, l’azote et le phosphore. L’oxygène produit lors de la production d’hydrogène vert offshore a ensuite été injecté à l’échelle industrielle, dans des zones dédiées en fonction des prévisions de croissance démographique des régions côtières et du potentiel éolien. L’impact de cet oxygène sur l’inventaire régional et mondial de l’oxygène a ensuite été analysé dans le modèle océanique à résolution grossière.
Les résultats montrent que l'inventaire global d'oxygène a légèrement augmenté de 0,07% avec de fortes variations dans les réponses régionales. Dans le golfe du Bengale, situé dans l'océan Indien, l'OMZ (Oxygen Minimum Zone) s'est élargie, contrairement à la réponse moyenne globale, jusqu'à 25% résultant d'une augmentation de la productivité biologique. Cette augmentation est liée à des changements dans la biogéochimie de la région, qui ont affecté la production de phytoplancton et d'autres formes de vie (matière organique). Après son cycle de vie, la matière organique est transformée par les bactéries sous l'utilisation de l'oxygène dans les profondeurs moyennes (200-1000 m). Par conséquent, une plus grande production de matière organique conduit à une augmentation de la consommation d'oxygène et à une augmentation du volume de la zone faible en oxygène. Au contraire, dans l'Atlantique et le Pacifique Nord, un rétrécissement du volume des zones à minimum d'oxygène (OMZ), lié au transport physique de l'oxygène dans cette zone, a été constaté. En fonction des limites de concentration d'oxygène utilisées pour calculer l'OMZ, le volume a diminué jusqu'à 30% au cours des 100 années d'expérience.
Les résultats montrent que la réoxygénation artificielle industrielle à grande échelle des océans pourrait avoir un impact sur les OMZ mondiales et doit être traitée avec beaucoup de précautions. Des études complémentaires sont nécessaires à l’échelle régionale. De plus, la technique d’injection d’oxygène (par exemple à quelle profondeur dans la colonne d’eau, où par rapport aux courants, etc.) peuvent également fortement influencer les résultats.
Chez Lhyfe, nous avons pour ambition à terme de mettre en œuvre - de manière responsable - la réoxygénation des océans afin d’atténuer la désoxygénation des océans.
Par conséquent, voici les prochaines étapes sur lesquelles nous nous engageons
- Nous concentrerons davantage nos efforts de collaboration à l'échelle régionale, en particulier sur les mers continentales européennes. Elles ont été identifiées comme une zone potentiellement pertinente pour la réoxygénation artificielle des océans, principalement en raison de leurs conditions oxiques épisodiques à permanentes et du potentiel de l'énergie éolienne.
- Nous continuerons à nous appuyer sur les connaissances antérieures et travaillerons avec des experts dans les régions ciblées ainsi qu’avec des experts en réoxygénation provenant à la fois d'institutions de recherche et issus de l'industrie.
- Nous poursuivrons et évaluerons les options techniques pour injecter de l'oxygène dans la mer.
Tout en gardant à l'esprit la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques et les objectifs de développement durable**, nous voulons promouvoir notre vision de la réoxygénation des océans en tant que service environnemental de production d'hydrogène offshore. Et nous voulons le faire dès aujourd’hui. Nous ambitionnons de bâtir la base scientifique, juridique et technologique suffisante pour ouvrir la voie à une mise en œuvre effective de la réoxygénation des océans sur nos futurs sites industriels de production d'hydrogène vert.
**Concernant les objectifs de développement durable de l'ONU, les activités de Lhyfe contribuent à :
7 : Assurer l'accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous,
13 : Prendre des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique et ses impacts,
14 : Conserver et utiliser durablement les océans, les mers et les ressources marines pour le développement durable,
17 : Renforcer les moyens de mise en œuvre et revitaliser le Partenariat mondial pour le développement durable.