Par Stéphane Villemain, Chef de l'investissement durable, Ivanhoé Cambridge
Face à l’urgence du changement climatique, le secteur immobilier doit impérativement accélérer et intégrer les impacts de la transition carbone dans l’évaluation financière des bâtiments. La mise en œuvre d’un « TRI vert » (Taux de rendement interne) vise ainsi à apprécier les propriétés au regard des rénovations environnementales et énergétiques à mettre en œuvre pour adapter ces immeubles aux meilleurs standards environnementaux. Un outil indispensable pour éviter l’obsolescence des propriétés et, ainsi, répondre aux attentes croissantes des locataires et des utilisateurs pour des immeubles plus vertueux.
Le monde est définitivement entré dans une profonde et nécessaire transition climatique et environnementale. La multiplication des réglementations énergétiques et liées au carbone à l’échelle mondiale nous rappelle, si besoin, l’urgence d’agir et d’adapter nos pratiques. Sans surprise, l’immobilier n’échappe pas à cette lame de fond. Et pour cause. L’industrie immobilière représente environ 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Surtout, nous savons que 80% des immeubles existants dans les centres urbains doivent aujourd’hui être remis à niveau pour être en ligne avec une trajectoire de 1,5°C. Au regard de l’urgence climatique, le statu quo n’est donc clairement plus une option. En tant que propriétaire immobilier gérant un portefeuille mondial, il est donc impératif de prendre des mesures proactives et de redoubler d’efforts pour accélérer la décarbonation des immeubles existants afin de garantir un avenir durable et sain.
Prévenir les risques et saisir des opportunités
L’enjeu est loin d’être anodin. L’inaction fait peser un risque financier significatif sur les immeubles et les propriétés existantes. Ne rien faire pourrait engendrer des pertes opérationnelles grandissantes dans les années à venir, voir nos locataires être moins enclins à louer nos espaces avec, à la clé, des taux de vacances plus élevés. La liquidité de nos actifs pourrait être aussi dégradée au fil des années, avec une baisse de valeur probable. Autant d’éléments qui démontrent l’urgence de décarboner nos immeubles pour lutter contre le risque d’obsolescence accélérée de nos actifs. De fait, 3 à 10% de la valeur des actifs est à risque d’obsolescence du fait de la transition carbone.
Ce risque expose tous les portefeuilles immobiliers d’autant plus que cette transition climatique et environnementale est encore très largement sous-estimée dans le marché. Les méthodes actuelles de valorisation des biens immobiliers prennent en effet rarement en compte les facteurs environnementaux et énergétiques et l’impact du climat sur la valeur des actifs. Dans la plupart des marchés dans lesquels nous sommes investis, le carbone n’a pas de prix. De fait, seules 30% des émissions globales de carbone sont actuellement couvertes par une tarification. Or, le changement climatique est l’une des principales menaces qui plane sur l’immobilier. Résultat : les valorisations et les rendements associés aux immeubles peuvent être parfois surévalués, et la valeur des actifs sobres en carbone est sous-estimée. Nous devons donc être proactifs et devancer le marché afin de protéger la valeur des actifs et, ainsi, renforcer la résilience de notre portefeuille.
Si le changement climatique est synonyme de risque pour l’immobilier, il recèle aussi de nombreuses opportunités d’investissements. Apporter des rénovations « vertes » aux immeubles doit en effet permettre de créer de la valeur en répondant davantage aux attentes des locataires et des utilisateurs. Mieux, cette démarche est susceptible de générer des bénéfices opérationnels liés à la réduction des coûts d’énergie pour nous et nos locataires.
Intégrer le prix du carbone dans les valorisations
Il est donc aujourd’hui impératif d’accélérer et de faire évoluer nos méthodologies d’évaluation des actifs immobiliers. A cet égard, l’utilisation d’un taux de rendement interne vert (dit aussi « TRI vert ») constitue une solution idoine pour incorporer une valeur sur le carbone dans nos modélisations financières. Le TRI vert prend en compte un coût d’opération lié au carbone ainsi qu’une « prime verte » ou une « décote brune » des actifs en portefeuille en fonction de leur performance environnementale et carbone. Cet outil nous permet d’identifier les actifs les plus sensibles financièrement aux risques liés à la transition bas-carbone. Un tel TRI vert doit ainsi contribuer à éclairer nos décisions d’investissement et à informer les équipes de gestion d’actifs sur les aménagements et améliorations à mettre en œuvre pour optimiser les performances environnementales des actifs concernés. Grâce à une analyse plus complète du rapport coûts – bénéfices liés au carbone, ce nouvel indicateur renforce notre évaluation de la création de valeur par l’entremise d’investissements verts dans nos propriétés.