L’Autorité des marchés financiers publie la synthèse d’une étude et de ses constats à la suite d’une série de contrôles thématiques courts appelés SPOT.
L’étude concerne une analyse des réponses apportées à un questionnaire détaillé par 176 sociétés de gestion de portefeuille (SGP) généralistes ayant au moins un engagement extra-financier contractuel sur au moins un de leur fonds. La campagne de contrôles a ciblé quant à elle cinq de ces 176 SGP dont les fonds ESG (intégrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) ou d’investissement socialement responsable (ISR) représentent entre 20 et 90% des encours totaux en gestion collective. Cette publication met en avant les bonnes et mauvaises pratiques constatées.
L’AMF avait procédé à une première série de contrôles SPOT (supervision des pratiques opérationnelle et thématique) sur les dispositifs ISR et ESG des SGP, dont les enseignements ont été publiés en juillet 2019. Pour les contrôles SPOT menés au deuxième semestre 2022, l’AMF a sélectionné cinq SGP opérant une gestion diversifiée via des fonds investis en actions, en instruments monétaires et obligataires. Au préalable, l’AMF a adressé au deuxième trimestre 2022 un questionnaire aux SGP de la Place portant sur le dispositif de contrôle du respect des engagements ESG/ISR pris par les acteurs au sein de leurs fonds ouverts au 31 mars 2022. L’analyse des réponses par les 176 SGP exerçant une gestion traditionnelle et ayant défini au moins un engagement extra-financier contractuel dans au moins un de leurs fonds a servi de base aux contrôles SPOT et complété leurs conclusions et constats.
Les travaux menés ne ciblent pas la pertinence des engagements extra-financiers retenus par les SGP contrôlées mais uniquement les processus internes relatifs à ces engagements.
Parmi les thématiques qui intéressaient plus particulièrement l’AMF, figurent :
- l’organisation et les moyens mis en œuvre en matière de gestion ESG / ISR ;
- la méthodologie de gestion et de notation ESG ;
- le processus de sélection et de contrôle des fournisseurs externes de données extra-financières ;
- le processus de construction et de revue de l’univers d’investissement initial des fonds et le dispositif d’investissement des fonds ESG / ISR ;
- la cartographie des engagements en vigueur, notamment en termes d’exclusion des émetteurs ;
- le contrôle du respect des engagements ;
- les informations fournies aux investisseurs sur les engagements extra-financiers contractuels ;
- le rôle des dépositaires dans le contrôle des engagements extra-financiers des fonds.
L’AMF constate que les cinq établissements contrôlés ont mis en place des moyens humains et techniques importants et en augmentation pour la définition, la revue, le pilotage et le contrôle des engagements contractuels extra-financiers. Par ailleurs, les systèmes de notation ESG, bien que fréquemment développés par les SGP elles-mêmes, restent dépendants des fournisseurs externes de données ESG. Or, seule une SGP sur cinq contrôle la qualité de ces données extra-financières avant leur intégration dans l’algorithme de notation ESG.
La synthèse souligne une insuffisance des travaux de contrôle permanent ciblant la justification des corrections apportées aux notes ESG calculées par l’algorithme de notation (ce que l’on appelle le forçage). Seules 40% des SGP du panel SPOT réalisent ces diligences de manière satisfaisante.
Quant à la construction et à la revue de l’univers d’investissement des fonds ESG / ISR, l’AMF a identifié qu’elles étaient réalisées par une équipe indépendante de la gestion pour les cinq SGP contrôlées. Cette pratique est moins courante au sein des 176 SGP du questionnaire. De plus, l’AMF a constaté que seules deux des cinq SGP du panel SPOT contrôlent a posteriori la cohérence des univers d’investissement avec la politique ESG des fonds. Un constat similaire est fait sur la base du questionnaire (50% des SGP interrogées ont déployé un contrôle de ce type).
La synthèse détaille également la réalisation des contrôles du respect des engagements avant et après investissements. Sur les 176 SGP ayant répondu au questionnaire, 77% ont mis en place des contrôles d’ordre manuel et 74% des contrôles automatiques (bloquants pour 65% d’entre elles). Toutefois, la combinaison de ces deux types de contrôles n’est pas généralisée. En revanche, l’AMF a constaté l’existence d’une piste d’audit robuste s’agissant des contrôles exécutés pour quatre des SGP du panel SPOT.
Cette note aborde également deux types de non-conformité aux engagements extra-financiers contractuels : la non-conformité active, qui relève d’une décision volontaire de la gestion, et la non-conformité passive liée à des évolutions externes à la SGP. Sur le périmètre des 176 SGP du questionnaire, 55% d’entre elles n’ont identifié aucune non-conformité de ce type en 2020 et 2021. De plus, le volume de non-conformités extra-financières déclarées à l’AMF entre janvier 2021 et mars 2022 ne s’établit qu’à 0,4% du volume total de non-conformités (financières et extra-financières) déclarées. L’AMF rappelle le besoin de renforcer en continu le processus de contrôle des engagements extra-financiers, notamment dans un contexte de renforcement des exigences réglementaires, en tenant compte du risque de promesses trompeuses aux investisseurs si ces engagements ne sont pas respectés.
L’AMF constate que le rôle des dépositaires dans le processus de contrôle du respect des engagements extra-financiers contractuels reste limité car seulement 30% des 176 SGP indiquent avoir échangé sur le sujet avec les dépositaires des fonds gérés. Sur le panel SPOT, un seul des six dépositaires concernés intervient sur le contrôle a posteriori de certains engagements extra-financiers de ces fonds. L’AMF rappelle aux dépositaires leurs responsabilités dans le contrôle du respect de ces engagements et aux SGP la nécessité de mettre à disposition des dépositaires les données nécessaires à ces contrôles.