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[Tribune] Droit du travail : Quatre nouvelles mesures à connaître par les employeurs

Pour favoriser le plein emploi, la loi du 21 décembre 2022 a prévu un certain nombre de mesures relatives au fonctionnement du marché du travail. Le groupe de travail Social de Walter France décrypte ici celles qui concernent les chefs d’entreprise, certains décrets d’application venant de paraître.

Cette loi a pour objectif de réduire le chômage, par différentes mesures, dont quatre concernent directement la vie de l’entreprise.

> Présomption de démission en cas d’abandon de poste

En cas d’absence injustifiée prolongée, l’employeur avait jusqu’à présent la possibilité d’entamer une procédure de licenciement pour faute à l’encontre du salarié absent (en général pour faute grave). Dans ce cas, le salarié licencié avait droit à l’indemnisation de l’assurance chômage.

Le législateur crée dorénavant une présomption de démission en cas d’abandon de poste. Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence par un motif légitime et de reprendre son poste dans un délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’issue de ce délai. Le décret paru ce 18 avril 2023 précise toutefois que ce délai ne peut pas être inférieur à quinze jours.

Dans ce cas, le salarié considéré comme démissionnaire ne pourra pas bénéficier de l’indemnisation par Pôle Emploi. Le décret prévoit une liste non limitative d’exceptions à la présomption de démission : raisons médicales ; exercice du droit de retrait ; exercice du droit de grève ; refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ; modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

La loi prévoit cependant la possibilité pour le salarié de contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de la présomption de démission en saisissant le Conseil de prud’hommes.

L’affaire sera alors portée directement devant le bureau de jugement sans passer par l’étape de la conciliation.

En pratique, s’il peut justifier d’un motif légitime d’absence ou d’un manquement suffisamment grave de son employeur, le salarié pourra saisir la juridiction prud’homale en vue d’une requalification de la « démission présumée » en rupture aux torts de l’employeur. Si cette rupture aux torts de l’employeur est retenue, l’employeur sera alors condamné au versement d’indemnités habituellement versées en cas de licenciement abusif (sans cause réelle et sérieuse).

Alors que la loi du 21 décembre 2022 et le décret publié le 18 avril 2023 ne semblaient pas interdire le licenciement pour abandon de poste, un Questions-Réponses du ministère du Travail publié le 18 avril 2023 a précisé que l’employeur « n’a plus vocation à entamer une procédure de licenciement pour faute ». Cette interprétation étonnante de l’Administration semble en parfaite contradiction avec l’esprit de la loi. Le Conseil d’Etat, saisi sur ce point, devrait prochainement trancher la question.

> Bonus-malus sur cotisation chômage : prolongation jusqu’en août 2024

Pour mémoire, le dispositif de bonus-malus consiste à moduler le taux de la contribution d’assurance chômage à la hausse (malus) ou à la baisse (bonus), en fonction du taux de séparation des entreprises concernées.

En fonction de ce taux de séparation de l’entreprise, le taux d’assurance-chômage sera fixé entre 3 et 5,05 %, contre un taux de base de 4,05 %.

Ce dispositif, applicable uniquement aux employeurs de 11 salariés et plus de certains secteurs d’activité, devait arriver à échéance le 31 janvier 2023.

La loi « Marché du travail » autorise sa mise en œuvre jusqu’au 31 août 2024. Le décret n°2023-33 du 26 janvier 2023 a acté cette prolongation et précisé les modalités d’application (périodes de référence pour le décompte des fins de contrat, secteurs concernés).

Outre le taux d’assurance-chômage applicable, les URSSAF transmettront à l’employeur la liste des personnes concernées par des ruptures imputées à l’entreprise avec inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, en plus des autres informations nécessaires à son calcul (nombre de ruptures imputées, effectif moyen annuel, taux de séparation, etc.). Cette mesure s’appliquera aux taux notifiés aux employeurs pour les périodes d’emploi courant depuis le 1er septembre 2022.

> Un seul contrat court pour remplacer plusieurs salariés absents

Pour mémoire, lorsqu’un salarié est engagé sous CDD pour remplacer successivement ou simultanément plusieurs salariés, il doit être conclu avec lui autant de contrats écrits qu’il y a de salariés remplacés, sous peine de requalification du CDD en CDI.

La loi « Marché du travail » réactive une mesure expérimentale qui avait pris fin en décembre 2020, permettant la conclusion d’un seul contrat précaire pour remplacer plusieurs salariés absents successivement ou simultanément.

Cette mesure a pour objectif de favoriser des durées d’emploi plus longues et de limiter le recours au temps partiel.

À titre expérimental (pendant deux ans à compter de la publication du décret), les employeurs pourront conclure un seul contrat à durée déterminée (CDD) ou un seul contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés. Le décret du 12 avril 2023 fixe les secteurs autorisés à mettre en œuvre l’expérimentation, entre autres : secteur sanitaire, social et médico-social, les services à la personne, la propreté et le nettoyage, le transport routier ou encore les industries alimentaires.

Toutefois, il est rappelé que ces dispositions ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

> Comité social économique (CSE) : réécriture des conditions légales d’électorat et d’éligibilité

Les salariés assimilés à l’employeur, c’est-à-dire ceux qui disposaient d’une délégation écrite d’autorité leur permettant d’être assimilés à l’employeur, ceux qui représentaient l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ou qui représentaient l’employeur dans les relations avec les salariés directement, étaient jusqu’alors exclus des salariés électeurs et éligibles.

L’article L2314-18 du Code du travail a été réécrit afin d’accorder la qualité d’électeur « à l’ensemble des salariés ».

Le mot « ensemble » permet d’englober tous les salariés, sans distinction par rapport à la nature des fonctions occupées, et donc d’ouvrir le droit de vote aux salariés assimilés à l’employeur.

Attention toutefois, car ces salariés, bien qu’électeurs, restent inéligibles en raison des attributions qui leur sont déléguées, ou s’ils représentent l’employeur devant les instances représentatives du personnel (CSE).

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