Décryptage des tendances comportementales
Julhiet Sterwen, cabinet de conseil en stratégie, transformation et innovation, publie une étude* menée par Happydemics, sur la perception des Français en matière de nouveaux services bancaires.
Virement instantané, assurance de moyen de paiement, carte virtuelle, consolidation de crédits, paiement fractionné, cashback, cagnotte en ligne, solutions d’investissement responsable… Les acteurs du secteur bancaire rivalisent d’inventivité pour proposer des services bancaires innovants ou du moins présentés comme tels à leur clientèle.
« Nous avons voulu, à travers cette enquête, décrypter la manière dont les Français perçoivent des services bancaires encore nouveaux dans les usages, et déterminer la pertinence, pour les banques, d’y investir », précise Sophie Madet, partner en charge du secteur bancaire chez Julhiet Sterwen.
Points clés de l’étude, et verdict pour chaque produit
La profusion des solutions de virement instantané !
Transférer immédiatement de l'argent en 10 secondes : on a a priori tous besoin un jour de ce service. Si 90% des Français sont susceptibles de recourir au virement instantané dans une situation de paiement à un autre particulier, 44% d’entre eux privilégient leur banque pour ce faire. Notons que les clients des néo-banques privilégient plutôt des offres non bancaires (Lydia, SMS…). Cependant, avec l’évolution de la règlementation, les banques traditionnelles devront rendre le virement instantané gratuit. Il y a donc fort à parier que le nombre de consommateurs qui vont se tourner vers leur banque pour ce service populaire va grimper en flèche dans les années à venir.
Verdict : un nouveau basique.
Assurance Moyens de paiement : la banque proche de ses clients en cas de coup dur
Souvent proposée par les banques lors de la souscription d’une carte bancaire, cette assurance permet d'être couvert en cas d'utilisation frauduleuse d’une carte de paiement, d’un chèque ou de vol des papiers d'identité, d’espèces, de clés…. 64% des personnes interrogées pensent déjà être équipées d’un tel produit. 16% des Français pensent en revanche que la prudence sera suffisante. La proportion monte à 22% pour les GenZ.
Les banques doivent continuer leur effort pour promouvoir cette solution connue de tous, complémentaire à la protection offerte au consommateur par la législation. Une communication plus concrète, proposant une comparaison des garanties, permettrait aux banques de mieux promouvoir cette offre auprès de leurs clients
Verdict : indispensable pour rester la référence du « porte-monnaie »
La carte virtuelle, gadget ou pas ?
Une carte virtuelle fonctionne comme une carte physique « plastique », mais elle est digitalisée et à durée et montant limités. Associée à la carte de débit, elle permet d’effectuer facilement des paiements en ligne. Populaire chez les clients des néo-banques, la carte virtuelle peine à se faire adopter par les Français. Si 55% des non-utilisateurs se déclarent intéressés par cette possibilité, seuls les jeunes de la Génération Z montrent un intérêt significatif pour cette carte. Un quart des 18 – 24 ans disent en être déjà utilisateurs. Encore une fois, la banque de référence apparaît comme la première consultée pour s’équiper. Les banques ont tout intérêt à promouvoir cette offre qui existe souvent déjà dans leur catalogue mais est peu mise en avant dans les packages bancaires.
Verdict : indispensable en tant que partenaire des transactions du quotidien
La consolidation de crédit, une offre ancienne mais méconnue.
Regrouper ses crédits en un seul permet d’adapter son endettement en fonction de sa situation à un instant T. Mais seuls 18% des Français disent avoir considéré cette option lorsqu’ils ont fait évoluer leur situation d’endettement. Ce comportement avisé est plutôt le fait des Français multi bancarisés. Lorsqu’elle leur est suggérée, 53% se déclarent ouverts à cette offre à faible notoriété et 22% s’adressent directement à leur banque pour ce faire. Les clients des banques en ligne ou néo-banques sont à 81% susceptibles de recourir à une consolidation des crédits contre 68% des clients des banques traditionnelles. Cette différence de comportement est révélatrice de l’attention qu’ils portent à leurs finances.
Verdict : accessoire dans une situation où les banques ne souhaitent pas développer l’encours
Le paiement fractionné (Buy Now, Pay Later), une habitude déjà installée
Payer en plusieurs fois un achat facilite la consommation. Pour autant, 37% des répondants confrontés à la perspective d’une dépense importante préfèrent payer en une seule fois. 63% des Français considèrent le paiement fractionné comme une bonne option. Cette proportion monte à 80% chez les clients des néo-banques. L’appétence par génération est similaire à celle observée en général sur le crédit à la consommation : les générations médianes, et notamment la Génération X, adhèrent moins que les autres au paiement fractionné, y compris les jeunes et les retraités. Cette solution connaît un développement rapide grâce à son intégration aux parcours d’achat, notamment en ligne, à sa facilité d’usage et à son faible coût apparent. Ce sont justement ces caractéristiques qui pourraient être remises en cause par les régulateurs.
Verdict : accessoire, le marché est saturé et ne draine pas d’autres services bancaires.
Vers la banalisation du cashback ?
Cette technique de récompense qui permet au consommateur de recevoir de l’argent à l’issue d’achats gagne en popularité en France. 32% des Français utilisent déjà une ou plusieurs solutions de cashback. Pourtant, ils sont encore près de 50% à ne pas être intéressés par ce produit typiquement générationnel. Deux tiers de la Génération Z estiment que le cashback est une offre majeure. Qui plus est, 50% d’entre eux disposent déjà d’une ou plusieurs solutions de cashback. Pour les plus âgés, ce service semble être mal appréhendé : la contrepartie reste assez floue. Pourtant l’inflation et son impact sur le pouvoir d’achat pourraient augmenter l’attractivité des offres de cashback en général.
Verdict : un produit indispensable pour la Génération Z, encore accessoire pour les autres générations.
La cagnotte en ligne, peut-on s’en passer ?
Collecter de l'argent dans une cagnotte en ligne à l’occasion d’anniversaires, mariages, pot de départ ou autres évènements de la vie, est une pratique désormais courante. Pourtant, 36% des Français préfèreront se décharger de la gestion d’une cagnotte sur d’autres. Il faut dire que l’expérience est parfois compliquée, ce qui fait que ce service répandu semble encore à certains d’un usage difficile.
Si, en moyenne, 12% des Français connaissent plusieurs services de cagnottes existantes, cette part monte à 24% pour les clients de banque en ligne. Ces derniers se sentent plus informés que le reste de la population : quand ils ont besoin d’une cagnotte, seuls 18% étudient les différentes options possibles, contre 28% de la population globale. Le niveau d’adoption de cette offre est important : 64% des Français sont prêts à initialiser une cagnotte eux-mêmes. La cagnotte en ligne est un produit déjà bien connu des plus jeunes, qui la considèrent comme un basique. Si de nombreuses banques « traditionnelles » ont développé cette offre en propre, elles communiquent peu. Logiquement, peu de clients se tournent spontanément vers elles. Au final, la renommée de la marque » de la cagnotte compte plus que son propriétaire (le Pot Commun, filiale de BPCE, ou Leetchi, filiale du Crédit Mutuel Arkéa).Verdict : un produit original mais qui séduit tous les publics.
L’investissement socialement responsable, tant de chemin à parcourir !
L'investissement socialement responsable (ISR) consiste à placer son épargne dans des fonds tenant compte, en plus des critères financiers, de critères extra-financiers dits ESG (Environnementaux, Sociaux, et de Gouvernance). Cette offre semble répondre à une tendance sociétale mais n’attire encore pas beaucoup les Français dans les faits. Si 57% des répondants disent qu’ils pourraient investir dans un fonds ISR s’ils disposent de l’épargne, à peine 5% le font déjà actuellement.
Pour ceux qui envisagent ce type de placement, le réflexe est de se tourner vers leur banque. 34% considèrent d’ailleurs leur banque comme le premier acteur susceptible de fournir ces produits, qu’elle soit ou non spécialiste. L’offre de produits ISR existe bel et bien mais, les efforts commerciaux des établissements bancaires ne sont pas à la hauteur de la pédagogie nécessaire auprès de leurs clients sur l’impact ESG de leurs investissements.
La promotion de ces produits est pourtant stratégique pour les acteurs bancaires, à plusieurs titres : elle permet la création de nouveaux produits, elle peut être un différenciant commercial et surtout elle relève de la politique RSE de l’entreprise. Avec l’accélération du changement climatique, les banques ont en effet une double responsabilité : investir elles-mêmes et aider leurs clients à investir. Verdict : indispensable, les offres sont là mais l’accompagnement peut être amélioré !