Combinées aux orientations récentes données par le chef de l’Etat Emmanuel Macron, les directives européennes obligent les industriels français à opérer des changements significatifs en matière de maîtrise de leurs données. Un défi de taille.
L’analyse de Lionnel Delaunay, Conseiller en excellence opérationnelle, Semlink et Magic Software Enterprises
Jeudi 11 mai dernier, le président de la République dévoilait les grands axes du projet de loi « industrie verte », ainsi que les principales mesures permettant de mettre en œuvre ce qui est présenté comme une accélération. Priorité nationale de l’Etat français, la réindustrialisation de l’Hexagone passe également par d’autres chemins, liés ceux-ci à la gestion interne, au cœur des usines, du Big Data, en lien avec un cadre règlementaire renouvelé.
IT et OT : un fonctionnement en silos
Au-delà des impulsions qui seront prochainement données par le gouvernement d’Elisabeth Borne, les changements qui touchent actuellement l’industrie française proviennent de la directive européenne dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) votée au mois de décembre dernier. Son objectif : normaliser l’intégralité de l’information extra-financière en introduisant pour la première fois une obligation de reporting et de vérification des informations normées en matière de durabilité. Le contexte règlementaire évolue par ailleurs grandement sur le terrain de la cybersécurité, avec notamment la directive NIS2, qui oblige les secteurs industriels critiques (électricité, pétrole, gaz notamment) à réfléchir à la gestion de l’ensemble de leurs données. Un enjeu hautement stratégique mais également un défi de taille pour deux univers industriels désormais “mis en demeure” de se coordonner l’un avec l’autre : l’IT (Informational Technology) et l’OT (Operational Technology).
Car force est de constater que l’essentiel des usines fonctionnent toujours de manière assez verticale, souvent en silos, alors même que les différentes fonctions opérationnelles de l’entreprise doivent entretenir des rapports fluides entre elles si elles veulent atteindre un haut niveau de performance.
Les services des finances, de la qualité, de la production, des clients et fournisseurs, sont par exemple autant de champs qu’il convient de synchroniser. Or, les pratiques observées depuis 40 ans sur le terrain, y-compris dans des grands groupes européens et mondiaux, montrent c’est loin d’être le cas.
Accentuer la maturité des équipes
Les directives européennes, qu’il s’agisse de la CSRD ou de la NIS2, obligent au rapprochement des équipes l’IT et l’OT. Le défi est de taille lorsque l’on connaît les différences de culture et de processus qui caractérisent l’une et l’autre de ses composantes. Il est d’autant plus important lorsque l’on mesure le degré de maturité des équipes internes vis-à-vis de certaines notions indispensables.
L’exemple de l’IoT est à cet égard éloquent. Lorsque l’on interroge, en masterclass, une assemblée de professionnels industriels sur les processus de connexion d’objets physiques à Internet, on peut parfois être surpris. Sur cinquante personnes, une quinzaine est familière de ce process. Quant à l’approche vis-à-vis du Cloud, elle se révèle également très inégale. Au final, la culture de la donnée reste pour les industriels un grand défi, tout particulièrement pour les PME / PMI et les ETI qui se trouvent adossées aux grands groupes. Pourtant, celles-ci sont tout autant concernées par le cadre règlementaire et ses évolutions récentes.
La captation ou la collecte – et donc la maîtrise – de l’intégralité des données de l’usine constitue un enjeu de taille pour l’ensemble du tissu industriel français. Des grands groupes aux PME, tous les secteurs sont concernés, et s’apprêtent à devoir effectuer des arbitrages ainsi que des investissements stratégiques majeurs d’ici au 1er janvier 2025. Dans ce contexte où chaque trimestre compte, fort heureusement, la technologie peut être aidante. L’approche du « Low Code, No Code » (hors codage classique) est de celle-là. Développée depuis une quarantaine d’années par certaines sociétés, cette technologie peut être une piste à explorer. Il en va, in fine, des succès opérationnels de demain.