Nelly Caetano et Raymond Dorge, associés Walter France, démontrent ici comment une bonne gestion comptable, sociale et juridique peut ouvrir les portes du financement aux start-ups en phase de lancement ou de développement.
Cette bonne gestion passe par le respect de règles simples, mais encore faut-il les connaître.
> Un seul bulletin de paie pour un mandataire social chercheur
Il est courant que le mandataire social d’une start-up ait des fonctions opérationnelles. Il est alors très important de n’établir qu’un seul bulletin de paie, avec deux lignes, la première précisant la rémunération en tant que mandataire social, la deuxième précisant la rémunération en tant que directeur de recherche par exemple.
Cela permet de justifier de ne pas être soumis aux cotisations chômage et de pouvoir prétendre à l’exonération sociale JEI (jeune entreprise innovante) sur la totalité du salaire. Le fait d’appliquer les exonérations JEI sur la totalité du salaire du mandataire permet de réduire les charges et donc d’augmenter la trésorerie (attention toutefois à ce que le temps de travail soit majoritairement consacré aux travaux de R&D). Autre impératif : il faut entériner la rémunération (sur les deux volets) lors de l’assemblée générale annuelle et bien la faire figurer sur le procès-verbal.
> Demander un rescrit JEI dès la création et tenir des feuilles de temps
Dès lors qu’une start-up envisage de demander le statut de jeune entreprise innovante, qui la fera bénéficier d’exonérations fiscales et sociales, elle a tout intérêt à demander à l’administration un rescrit, dès sa création, ou au plus tard lors de l’embauche du premier salarié. Le rescrit consiste à demander à l’administration de se positionner sur l’éligibilité de l’entreprise à bénéficier des exonérations JEI compte tenu de plusieurs critères portant principalement sur les travaux de R&D. Le rescrit n’est pas obligatoire mais très fortement recommandé et cela permet de pouvoir profiter sereinement des exonérations sociales dès le versement du premier salaire du personnel éligible aux exonérations.
Par ailleurs, dès l’arrivée du premier salarié, la start-up devra mettre en place des fiches de temps. Ces fiches de temps devront prouver que ledit salarié consacre bien la majeure partie de son temps à la recherche, critère permettant de justifier de l’application de l’exonération de charges sociales sur le salaire.
> Bien soigner les fonds propres
Les fonds propres sont constitués du capital social, de la prime d’émission, des réserves, du résultat de l’exercice et des subventions d’investissement. Cependant, au niveau européen, les subventions d’investissement ne sont pas prises en compte dans le calcul des fonds propres ! Ce qui peut mettre certaines start-ups en « difficulté » au sens financier européen et les priver de l’octroi de subventions.
Le ratio d’entreprise en difficulté au sens financier européen indique que les capitaux propres ne doivent pas être inférieurs à la moitié du capital social augmenté de la prime d’émission.
Or il est courant que, les premières années, les start-ups affichent une perte comptable. La manière la plus classique d’affecter cette perte lors du vote de l’affectation du résultat pendant l’assemblée générale annuelle est de l’affecter en report à nouveau qui rend alors l’entreprise en difficulté. Une astuce juridique, souvent méconnue, permet de remédier à cette situation : si l’entreprise a déjà fait une levée de fonds, la perte de l’exercice peut être imputée sur la prime d’émission. Dans ce cas, la prime d’émission est moindre, mais le ratio peut être alors respecté alors qu’il ne l’était pas en l’affectant en report à nouveau. Ainsi, la porte des financements restera ouverte.
> Mettre les coûts relatifs aux levées de fonds à l’actif du bilan
Lors d’une levée de fonds, les coûts engendrés concernent essentiellement des dépenses de conseils, de formalités et de communication. Ces frais peuvent être comptabilisés selon trois méthodes différentes :
- imputation sur la prime d’émission ;
- en charges sur la période comptable ; mais ces charges vont détériorer le résultat d’exploitation et donc les fonds propres ;
- à l’actif du bilan et amortis.
La méthode retenue aura un impact sur la présentation des états financiers et en particulier sur le résultat de l’exercice et les capitaux propres. Chaque cas est différent. La tendance générale dans le monde des start-ups est bien d’optimiser les capitaux propres, qu’une seule de ces solutions permet. Il s’agit de la troisième méthode : la comptabilisation en immobilisation à l’actif du bilan. Cet actif devra alors être amorti sur une période maximale de cinq ans.
> Comptabiliser la production en immobilisations
Dès lors que la start-up développe un projet incorporel (logiciel, algorithme, plateforme, etc.) ou corporel (bien physique), la question se pose : doit-on passer les dépenses en charges ou en immobilisations ? Selon la même logique que précédemment, l’écriture en immobilisation est essentielle si les conditions sont remplies car elle permet à l’entreprise de garder un bon niveau de fonds propres, essentiel pour les créanciers et les financeurs.
> Privilégier les subventions d’investissement
Lorsque la start-up reçoit une subvention, celle-ci peut être considérée soit comme une subvention d’exploitation, soit comme une subvention d’investissement. Cette dernière option devra être privilégiée car elle permet d’améliorer immédiatement les fonds propres. Généralement, les subventions obtenues viennent financer des travaux relatifs à des travaux de R&D (voir point précédent) qui ont été immobilisés. Afin d’aligner le financement souvent partiel de ces travaux, il est intéressant au niveau comptable de comptabiliser ces subventions dans les capitaux propres. Cela améliore le montant des fonds propres.
Dans tous les cas, un suivi extrêmement rigoureux des temps et des dépenses engagées pour le projet devra être la priorité absolue des start-uppeurs, ainsi qu’une bonne gestion. Un suivi « au quotidien » permet de savoir où en est la consommation du budget et permet de faire les demandes de tranche ou de solde plus tôt et donc d’encaisser les subventions plus rapidement.
Ces différentes astuces embellissent les comptes annuels et permettent l’obtention de financements plus facilement !