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[Tribune] CNH 2023 : Un changement de paradigme ou une liste intentionnelle de mesures ?

La sixième Conférence Nationale du Handicap (CNH) 2023 s’est tenue mercredi 26 avril. LADAPT a participé à cette « institution » souhaitée et inscrite dans la rédaction collective de la loi de 2005. Après l’annonce d’une série de mesures nécessaires, LADAPT souhaiterait des précisions quant à leurs conditions de réalisation effective.

Si le président de la République a déclaré que la CNH 2023 était celle d’un « changement de paradigme, à la hauteur des enjeux sociétaux », qu’en est-il au regard des mesures énoncées à cette occasion ? LADAPT a notamment concentré son attention sur certains des thèmes présentés.

La scolarité et l’enseignement supérieur

Si LADAPT salue les avancées sur la question d’une école plus inclusive, notamment par l’attribution d’un numéro d’identification nationale pour les enfants scolarisés en établissement spécialisé qui permettrait de les faire passer au « statut » d’élève, et par de nombreuses mesures sur la mobilisation du secteur médico-social au sein de l’Éducation nationale, elle ne peut cacher ses inquiétudes quant à la question des ressources allouées à ces actions ambitieuses et à la capacité de mise en œuvre par l’Éducation nationale.

Si les mesures concernant la désignation d’enseignants référents ainsi que l’accroissement du temps de travail des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) qui, s’ils le souhaitent, pourront passer à 35h dès la rentrée 2023 marquent une avancée, LADAPT soutient la nécessité de la formation des professionnels intervenant en milieu scolaire et sera vigilante sur les précisions annoncées pour la rentrée prochaine quant au financement.

LADAPT salue naturellement la volonté d’amélioration de l’accessibilité pédagogique, financière et physique à l’enseignement supérieur et prend note du concept d’université inclusive basé sur un cahier des charges mais ne peut se satisfaire de limiter cette ambition à 5 établissements seulement. 

L’accès à l’emploi

L’inversion du paradigme, pour partir du droit commun (Pôle Emploi - France Travail) plutôt que du droit spécifique (MDPH - milieu protégé) satisfait notre souhait d’inclusion, pourvu que leurs acteurs soient spécifiquement formés à l’accompagnement des personnes et s’appuient sur les compétences des professionnels du secteur médico-social.

LADAPT se félicite de l’attribution des droits de tous les salariés aux travailleurs d’ESAT mais rappelle l’utilité irremplaçable de la spécificité des ESAT en matière d’accompagnement médico-social, indispensable dans la durée pour certaines des personnes qui y travaillent.

LADAPT rappelle qu’elle travaille déjà depuis de nombreuses années sur l’insertion en milieu ordinaire, particulièrement avec ses ESAT hors les murs ainsi qu’avec ses dispositifs de formation accompagnée, d’apprentissage accompagné ainsi que d’emploi accompagné.

D’autre part, LADAPT déplorait les contraintes administratives dissuasives que connaissent tous les 3 mois les personnes qui cumulent un salaire à temps partiel et l’AAH. Elle ne peut donc qu’approuver l’intention de la réforme des conditions de ces cumuls, qui ne devrait d’ailleurs pas concerner seulement les personnes travaillant au-delà d’un mi-temps.

Accessibilité universelle

Nous saluons l’attribution d’une enveloppe de 1,5 milliard d’euros dédiée à l’accessibilité générale des lieux recevant du public, en ayant toutefois bien conscience de l’ampleur des travaux qu’il reste à réaliser dans tous les aspects de l’accessibilité de tout à tous.  

Par ailleurs, alors que le président de la République reconnaît que la France est en retard depuis 20 ans et « qu’il faut accélérer », LADAPT regrette par exemple qu’il faille attendre 2027 pour achever la mise en accessibilité dans les gares !

Un autre aspect de l’accessibilité générale nous préoccupe : le monde ne peut plus se passer du numérique comme vecteur d’accès aux droits, qu’il s’agisse des démarches administratives ou des organisations du travail ainsi que de la vie quotidienne. LADAPT demande la généralisation des mesures annoncées pour les sites Internet de l’État à toute l’activité numérique globale.

Le numérique peut en effet être un atout majeur pour l’insertion socio-professionnelle des personnes vivant avec un handicap (ce sera d’ailleurs la thématique de la 27ème Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées - SEEPH, à partir du 20 novembre 2023).

La simplification et la transformation de l’offre médico-sociale

Le secteur médico-social, encore appelé « secteur des métiers de l’humain », est en crise, tant sur le plan quantitatif (ressources humaines et places en établissements et services) que sur le plan qualitatif (formation et reconnaissance des professionnels, attractivité des métiers, diversification innovante de la palette des offres).

L’annonce de la création de 50 000 « solutions » médico-sociales nouvelles d’ici 2030 va naturellement dans le bon sens, mais LADAPT regrette l’absence de précisions sur la nature de ces « solutions » (et par exemple la possibilité de réaliser et de pérenniser des expérimentations innovantes utiles) et surtout la ventilation de l’enveloppe financière envisagée, par ailleurs trop étalée en termes de délai.

A côté de l’investissement, nous attirons aussi l’attention sur l’amélioration indispensable du financement des conditions de fonctionnement des structures existantes : ainsi par exemple, dans les maisons d’accueil spécialisées (MAS) et les foyers d’accueil médicalisé (FAM), en dépit d’une attention extrême des personnels qui y travaillent, les besoins permanents des personnes qui sont les plus dépendantes et les plus vulnérables ne pourront être correctement satisfaits qu’avec des équipes plus nombreuses et mieux formées.

Par ailleurs, pour servir la liberté du choix de la personne quant à son lieu et son mode de vie ainsi que l’accompagnement des transitions de la vie (passage adolescent-adulte, avancée en âge…), LADAPT soutient et souhaite le développement de modalités d’accompagnement nouvelles ou alternatives (SESSAD, MAS à domicile et autres dispositifs ambulatoires, modalités d’accompagnement et de soutien / relais des aidants, accueil séquentiels, plateformes modulaires, formules transitionnelles, habitats partagés, etc.). 

LADAPT se réjouit de l’annonce de mesures concernant le développement de l’accès à la communication alternative et améliorée (CAA). Il s’agit là d’une modalité indispensable pour respecter l’auto-détermination des personnes n’ayant pas l’expression orale, à tous les âges. Il ne doit pas s’agir que d’un accès aux modalités techniques de CAA mais également des formations systématiques des professionnels accompagnant ces publics. 

Quelques jours après la dénonciation par le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CEDS) de la violation de nombreux droits des personnes en situation de handicap en France, LADAPT sera vigilante quant au suivi des annonces faites lors de cette CNH 2023 par le président de la République. A cet effet, elle souhaite vivement prendre part au comité de suivi trimestriel de la CNH annoncé par le président et continuer de contribuer ainsi de façon constructive à l’évolution de la réponse aux besoins et attentes des personnes vivant avec un handicap.

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