Par Olivier Lendrevie, président de CAFPI
L'Observatoire Crédit Logement publié le 18 avril dernier nous apprend que le nombre de prêts immobiliers accordés au 1er trimestre 2023 est en chute de 40,6% par rapport au 1er trimestre 2022, à son plus bas niveau depuis 2009 ! Il était, certes, inévitable que le renversement de politique monétaire amène les banques à lever le pied en matière de crédit. Mais à cet engrenage économique connu, notre haute administration a ajouté des obstacles artificiels susceptibles de causer une grave crise du logement.
Je pense bien sûr au taux d’usure qui, même ajusté mensuellement, reste encore aujourd’hui inférieur aux coûts de refinancement des banques sur les marchés financiers. Mais je pense aussi au carcan des normes d’octroi de crédit immobilier imposées par le Haut Conseil de Stabilité Financière depuis janvier 2022.
Ces normes nous sont régulièrement présentées comme visant à lutter contre le surendettement des Français. Or, selon les chiffres du Baromètre Mensuel de l’Inclusion Financière publié par la Banque de France, les dépôts de dossiers de surendettement ont atteint en 2022 leur point le plus bas depuis 25 ans et 75% des ménages touchés ne sont pas propriétaires de leur logement. Inversement, on s’étonnera que, dans sa noble mission, le Haut Conseil se focalise sur des crédits immobiliers qui pèsent 4,5% des dettes accumulées par les ménages surendettés sans s’intéresser aucunement aux crédits à la consommation et crédits « revolving » qui en constituent l’essentiel.
À défaut d’être purement et simplement abrogées, les normes HCSF méritent d’être aménagées sur trois points précis :
- La limite de taux d’endettement doit être associée à la notion de reste à vivre. Face à un emprunteur qui, après remboursement de sa mensualité de crédit, peut facilement couvrir ses besoins élémentaires, les banques doivent être libres de monter au-delà de 35% de taux d’endettement sans que cela soit dérogatoire à la norme. On pourrait, aussi, concevoir une modulation en fonction de l’efficacité énergétique du bien. Enfin, un traitement spécifique devrait être prévu pour les prêts-relais et les opérations de rachat de crédits.
- Pour les investisseurs, les revenus locatifs doivent pouvoir être considérés comme affectés au remboursement du crédit (calcul différentiel) plutôt qu’intégrés aux revenus comme exigé par le Haut Conseil. Cette mesure est nécessaire pour que les Français puissent, de nouveau, s’appuyer sur l’investissement locatif comme support de préparation de leur retraite.
- La possibilité laissée aux banques de déroger aux normes HCSF pour 20% des dossiers doit être simplifiée. Mesuré au trimestre et assorti de sous-limites obscures (primo-accession, accession, résidence secondaire et investissement locatif), ce mécanisme n'est pas adapté à des réseaux bancaires dans lesquels les décisions de crédit sont décentralisées à l’échelle de milliers d’agences. Une mesure annuelle, sans sous-limites, serait mieux utilisée, car plus aisément pilotable.
La hausse rapide des taux suffit, par elle-même, à modérer la demande de financement et à faire atterrir sans drame les prix de l’immobilier. Ces trois aménagements redonneraient simplement un peu de souplesse aux banques qui, rappelons-le, ont toujours fait preuve, en France, de responsabilité dans l’analyse des crédits à l’habitat.