Deux mois après l’entrée en vigueur du dernier volet de la règlementation européenne SFDR, AXA Climate dresse un premier bilan d’étape après une enquête auprès de fonds de Private Equity. Cette réglementation encourage les acteurs du secteur des services financiers à communiquer de façon transparente et classer leurs fonds en différentes catégories selon leur degré de durabilité.
En décembre 2022 et janvier 2023, AXA Climate a interrogé 15 sociétés de gestion de Private Equity représentant 24 fonds qualifiés Article 9. Plus de 50% de ces fonds ont été lancés après mars 2021 ou sont en cours de lancement.
Cette étude vise à comprendre comment les acteurs du Private Equity français se saisissent du règlement SFDR et quelles sont les implications pour eux à qualifier un fonds Article 9, c’est-à-dire comme un fonds avec un objectif d’investissement durable (« Dark Green »), plutôt qu’Article 8, c’est-à-dire promouvant des caractéristiques ESG mais sans intentionnalité dans l’objectif d’investissement (« Light Green »).
Les 2/3 des Fonds article 9 sont également des fonds à impact
Sur les 24 fonds interrogés, 15 se qualifient comme « fonds à impact ». « Cette surreprésentation ne nous surprend pas, commente Rafaëlla Scheer, responsable de la Finance durable chez AXA Climate. Les fonds à impact ont par nature une forte intentionnalité d’investissement, compatible avec l’objectif durable de l'Article 9. Et ils sont généralement équipés de processus et moyens pour suivre des indicateurs, permettant d’envisager plus facilement les obligations liées à l’Article 9. »
Sur les 9 fonds qui ne sont pas à impact, 7 visent un objectif de décarbonation ou d’investissement dans des technologies bas-carbone.
Les 15 fonds à impact indexent leur carried interest avec leurs indicateurs de durabilité, contre 3 sur 9 pour les fonds qui ne sont pas à impact. L’indexation du carried interest à des indicateurs de durabilité rend d’autant plus nécessaire la mise en place d’une gouvernance solide (choix des indicateurs en phase de préinvestissement, suivi des indicateurs…). Les fonds interrogés indexent entre 10 et 50% de leur carried interest. Lier le carried interest à l’objectif d’investissement durable est une pratique non imposée par la SFDR, mais adoptée par un nombre croissant d’acteurs.
Absence d’alignement avec la Taxonomie
14 sociétés de gestion sur 15 déclarent une absence d’alignement avec la Taxonomie. « Ce résultat témoigne de la difficulté pour le Private Equity de se saisir de la Taxonomie européenne, peu pensée pour cette industrie », analyse Rafaëlla Scheer. Pour rappel, dans la communication précontractuelle, les fonds doivent préciser la part de leur alignement avec la Taxonomie européenne - qui peut être égal à 0% - et un reporting périodique doit être fait sur le sujet. Si les fonds ne respectent pas le pourcentage d’alignement annoncé, ils s’exposent à être en infraction avec leurs obligations contractuelles. Néanmoins, l’AMF a indiqué dans son papier de position de février 2022 qu’elle souhaitait voir mettre en place par l’Union européenne des critères minimaux pour la qualification Article 9, notamment en matière d’alignement avec la Taxonomie. Les gestionnaires doivent rester alertes à de potentielles futures évolutions réglementaires.
Rafaëlla Scheer conclut : « Le règlement SFDR comporte encore des zones d’ombre sur certains points et des clarifications sont attendues en 2023. Son interprétation peut varier d’un gestionnaire d’actifs à l’autre. Dans ce contexte, nous recommandons aux acteurs du Private Equity de faire preuve de transparence, en publiant leurs méthodologies, de crédibilité, en ne proposant que des dispositifs auxquels ils croient et qu’ils peuvent justifier, et d’agilité, en étant prêts à s’adapter si la règlementation se structure et impose des changements qui diffèrent des pratiques. »