Si le sujet n’est pas nouveau, l’emploi des seniors refait débat avec la réforme des retraites. La question : un CDI senior ou un contrat expérimental permettraient-ils réellement de maintenir les seniors dans l’emploi ? Les obligations sociales sont contraignantes et les réalités du terrain en incohérence…
Baker Tilly suggère de prendre la problématique autrement, par un changement de culture et basée sur de la proactivité.
« Et si nous considérions les séniors comme une ressource clé ? Par l’acquisition de compétences diverses et variées, en instaurant des process indépendamment de l’âge des salariés, et donc en osant retirer de l’esprit une discrimination des salariés par leur âge… plusieurs pistes pourraient alors être exploitées pour accompagner les Français de leur premier poste à la retraite », introduit Liliane Coutantin, Expert-comptable et directrice opérationnelle du pôle expertise sociale Baker Tilly.
Baker Tilly synthétise alors trois options à explorer
Option 1 - La stratégie par la gestion de l’employabilité tout au long du cycle de vie d’un salarié
Quel process ?
- Un plan préventif des carrières
- Un plan de formation tout au long de sa carrière
- Un plan de développement des talents avec une approche par les compétences
- Une évaluation du capital humain dans les comptes de l’entreprise avec une approche par les compétences
- Une gestion de la connaissance (juniors) à la reconnaissance (séniors)
Ces plans sont indépendants des effectifs de l’entreprise et ne relèvent pas exclusivement d’une obligation de l’employeur mais également, de la responsabilité des salariés qui doivent prendre leur vie professionnelle en main au même titre que leur capital santé.
Ces plans impliquent nécessairement un changement de culture de toutes les parties prenantes ! Des dispositifs existent mais le retour attendu est long et difficilement mesurable ce qui peut donner l’impression d’un dysfonctionnement.
Option 2 - La stratégie par la qualité de vie et des conditions au travail (QVCT) tout au long du cycle de vie d’un salarié
La qualité de vie au travail (QVT) est issue d’un accord national interprofessionnel de 2013 qui, à l’époque, avait été vécu comme un dispositif « superficiel », ouvert aux grandes entreprises.
Cependant, au même titre que le plan des carrières, de formation, il s’agit aussi d’en mesurer les effets bénéfiques dans une vision stratégique d’entreprise :
- En priorisant la vision offensive d’une politique QVT pour créer un avantage concurrentiel par le bien-être, la mobilisation, l’accompagnement pour mieux gérer ses ressources.
- En ne considérant pas la politique QVT comme une solution défensive qui consiste à diminuer le mal-être et les coûts associés (maladies, absentéisme…)
Au même titre que la politique du maintien de l’emploi des séniors par une gestion des carrières et de la formation, cette politique constitue un véritable changement de culture. Le plan QVT est majeur dans la performance globale de l’entreprise, en conjuguant amélioration des conditions de travail et performances économiques.
Ces mesures peuvent ne pas convenir à toutes les entreprises, mais en les instaurant comme une politique stratégique basée sur le cycle de vie professionnel d’un salarié, elles peuvent au fil des années profiter à tous les salariés.
Option 3 - la stratégie par une gestion intégrée de l’inaptitude
Un peu surprenant mais ne faut-il pas oser ?
Selon les missions, la pénibilité d’un emploi (physique ou psychique) peut aboutir à une inaptitude donnant lieu à un licenciement. Une incapacité rendant difficile l’occupation du salarié à d’autres emplois et la difficulté d’une orientation professionnelle ou d’une reconversion ; cela conduit le salarié licencié à être au chômage indemnisé plus ou moins longtemps.
Parler de gestion intégrée de l’inaptitude, c’est quoi ?
- Prévenir les risques et adapter le travail à l’homme et l’homme au poste de travail pour limiter tout licenciement pour inaptitude et lui permettre de travailler plus longtemps
- Ne pas impacter le climat social d’une manière négative
- Favoriser l’engagement des salariés en les rendant acteur de leur sécurité, de leur santé et celle d’autrui (les collègues, leur famille)
- Une sorte d’assurance
Cela nécessite bien évidemment des moyens à mettre en œuvre (dialogue avec les salariés et les services médicaux, adaptation collective de travail, des conditions de mobilité interne, etc…) pour en optimiser la réussite.
Conclusion de Liliane Coutantin : « L’emploi des séniors est bien plus qu’une question d’âge et de départ à la retraite. C’est l’instauration d’une politique d’emploi sur le long terme, des compétences individuelles et collectives au service de la stratégie de l’entreprise, source de performances et donnant la possibilité aux juniors comme aux séniors de rester connectés à l’emploi en interne et en externe, tout au long de leur vie professionnelle. Pour les entreprises concernées adoptant ce type de politique d’emploi, c’est intégrer une démarche de développement durable et de responsabilité sociétale, quel que soit la taille de l’entreprise.
C’est la culture du changement qui est à initier très tôt, en apprenant à apprendre ensemble, en instaurant une politique d’organisation apprenante. »