Une étude menée par le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) en partenariat avec le cabinet (RE)SET dresse un état des lieux du « verdissement » des ETI.
Vision de long terme, position stratégique sur les chaînes économiques, capacité d’entraînement d’un écosystème de prestataires et de fournisseurs locaux, agilité dans la transformation, les ETI ont tous les atouts pour devenir les pièces maîtresses de la transformation environnementale du tissu productif français.
Les ETI, entreprises de long terme, soucieuses de la durabilité des écosystèmes locaux et de la pérennité du tissu industriel français, ont pris depuis plusieurs années le virage écologique et attestent aujourd’hui d’une trajectoire de transformation ambitieuse.
Tel est le principal enseignement de cette étude menée de juillet à décembre 2022 auprès de plus d’une centaine de dirigeants du réseau du METI et des Clubs ETI régionaux et analysant près de 150 items de la transformation environnementale. Les ETI interrogées cumulent un chiffre d’affaires global de 28 Mrds€ et emploient plus de 130 000 salariés. Cet état des lieux est d’autant plus précieux que la transformation environnementale des ETI conditionne celle de toute une chaîne économique, de fournisseurs et sous-traitants, qui structure leurs territoires d'implantation.
I – Des dirigeants d’ETI mobilisés, conscients de l’impératif de faire évoluer rapidement leur modèle d’affaires face au changement climatique
Premier constat : les dirigeants d’ETI se déclarent convaincus et volontaristes sur ce sujet. Ils pilotent eux-mêmes la transformation environnementale de leur entreprise dans 82% des cas. 73% d’entre eux sont conscients que les enjeux environnementaux mettent en danger leur modèle d’affaires à un horizon très proche (pour 1/3 des ETI, dans les deux ans à venir) s’ils n’agissent pas. Transformer leur entreprise est donc indispensable mais constitue également une opportunité, 77% des ETI considérant qu’elles vont en tirer un avantage compétitif majeur.
Les ETI identifient quatre risques principaux motivant leur transformation :
- Plus de 80% mettent en avant le mur des coûts (énergie, matières premières obéissant à une tendance inflationniste).
- 57% évoquent l’évolution du cadre réglementaire (loi Climat et Résilience, directive européenne sur le reporting extra-financier - CSRD, etc.).
- 66% sont motivées par les attentes croissantes des parties prenantes (notamment les clients et donneurs d’ordre soucieux de solutions durables).
- 39% estiment être stimulées par la concurrence internationale et, singulièrement, européenne (des pays comme l’Allemagne, le Danemark ou la Suède étant perçus comme plus avancés).
Par conséquent, le virage de la transformation est très majoritairement pris et de plus en plus objectivé :
- 70% des ETI sont engagées dans l’adaptation de leur modèle d’affaires, que ce soit par un réinvestissement dans leur système de production et/ou par la redéfinition de leur offre.
- 50% ont adopté une démarche de reporting extra-financier.
- 42% sont certifiées ISO 14 000.
II – Une dynamique de transformation qui doit désormais s’accélérer
- L’adoption du bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) va au-delà des obligations réglementaires. + de 90% des ETI de plus de 500 salariés ont effectué ou prévu de faire un BEGES ; c’est le cas de 65% des ETI de moins de 500 salariés, alors qu’elles n’y sont pas légalement tenues.
- Une consommation énergétique déjà optimisée : 92% des ETI ont mis en place, ou prévoient de mettre en place, un plan de réduction de leur consommation d’énergie. Parmi les mesures privilégiées : recours à des outils de suivi et de supervision (77%), optimisation énergétique des bâtiments (72%) et optimisation des processus de production (60%).
- « Verdissement » des sources d’énergie : 84% des ETI ont mis en œuvre des leviers visant à améliorer l’impact environnemental de leur consommation d’énergie. 38% d’entre elles ont recours à des énergies non carbonées pour le chauffage, 33% auto-produisent de l’énergie renouvelable, 26% ont souscrit un contrat d’électricité «verte».
- Gestion de l’eau : 92% des ETI qui utilisent de l’eau dans un processus industriel ont mis en place des mesures pour diminuer leur consommation. En revanche, les usages tertiaires n’ont fait l’objet d’évolutions que dans 34% des ETI.
- Une politique achat en cours de « verdissement » : 75% des répondants intègrent des critères environnementaux dans leurs cahiers des charges. Mais 52% ne les intègrent que pour leurs fournisseurs directs. Seules 23% s’attachent aussi aux fournisseurs indirects.
- Politique numérique : 55% des ETI ont mis en place des mesures pour réduire l’impact de leur activité numérique. Ces mesures concernent le volet équipement pour 93% d’entre elles, le volet services informatiques pour 52% d’entre elles.
- Éco-conception : 48% des ETI ont mis en place une démarche systématique d’éco-conception de leurs produits ou services, ce chiffre monte à 65% dans le secteur de la construction, 58% dans l’industrie.
- Matériaux recyclés : un recours répandu mais encore limité dans son périmètre. 90% des ETI concernées intègrent de la matière recyclée et/ou biosourcée dans tout ou partie de leurs références. Seules 35% d’entre elles le font sur la majorité de leurs références.
- Politique foncière : une prise de conscience qui s’accélère pour la construction de futurs sites. Si 64% des répondants ont pris en compte des critères environnementaux dans la construction de leurs sites actuels, celle des prochains sites intègrera davantage de critères. Notamment, 61% des répondants comptent utiliser des matériaux bas-carbone et/ou locaux.
- Gestion des déchets : les bonnes pratiques se généralisent -42% des ETI recyclent ou réintègrent dans leur process au moins 80% de leurs déchets non dangereux. Mais le recours à l’enfouissement subsiste : 20% des ETI enfouissent 20% au moins de leurs déchets.
- Transport de marchandises : En moyenne, il repose à 78% sur le transport routier. Parmi les 34% d’ETI qui utilisent leur propre flotte de marchandises, 81% ont mis en place des actions pour en réduire l’impact sur l’environnement.
- Mobilité durable : une majorité d’ETI propose un plan à leurs salariés (62%).
- Politique biodiversité : le sujet est à ce jour placé au second plan, sauf dans le secteur de la construction. 72% des ETI ne disposent pas encore de plan d’action visant à limiter leur impact sur la biodiversité mais 47% travaillent dessus et 39% ont engagé des actions pour favoriser le développement de la biodiversité sur leurs sites. Ce chiffre s’élève à 59% pour les ETI de la construction.
III – Une stratégie d’adaptation s’appuyant sur quatre ressources clés
- Ressources humaines : Des équipes internes largement impliquées dans la transformation de leur entreprise mais qui ont besoin d’être étoffées. 72% des ETI ont mis en place des plans de formation pour leurs équipes et/ou leurs dirigeants. 65% des ETI font appel à des experts externes pour les accompagner dans leurs travaux.
- Financement : si la transformation est majoritairement autofinancée (93% des ETI), 43% des répondants ont aussi recours à des dispositifs d’aides publiques. 63% estiment que les principaux leviers pour augmenter leurs investissements dans la transformation environnementale de leur entreprise résident dans de meilleurs dispositifs d’aides ; 59% dans des aménagements fiscaux. 71% des ETI industrielles se prononcent en faveur d’un guichet unique (financement et accompagnement).
- Écosystème partenarial : une collaboration enclenchée et plébiscitée. 93% pensent que travailler en écosystème avec des acteurs locaux est un levier de succès pour leur transformation
- Technologie : une veille structurée (85% des ETI assurent une veille technologique sur les sujets d’innovation durable) mais des freins importants limitent encore l’adoption technologique, pour 35% des ETI. Elles l’expliquent notamment par : une maturité insuffisante des technologies, des prix trop élevés, des difficultés de qualification de ces technologies.
Conclusion
Pour le METI, l’accélération de la transformation environnementale de cette catégorie d’entreprises exige de lever un certain nombre de freins.
Le premier d’entre eux concerne l’écosystème de compétitivité : les ETI ne pourront pas réaliser les investissements nécessaires sans la confirmation et la poursuite de l’alignement compétitif du site France sur la moyenne européenne (notamment : fiscalité de production, coût du travail qualifié). En effet, les investissements nécessaires sont colossaux (de l’ordre de 25 M€ en moyenne sur 2 à 3 ans).
Le deuxième frein concerne la norme et son évolution qui créent non seulement de l’instabilité et donc de l’insécurité mais aussi engendrent un coût significatif pour les ETI. En particulier, l’entrée en vigueur de la CSRD, si elle n’obéit pas au principe de proportionnalité, risque de constituer un choc de complexité tel qu’il absorberait une partie des moyens qui auraient dû être consacrés au verdissement des processus et de l’offre.
Parmi les autres freins significatifs : l’accès au financement, jugé souvent complexe et/ou inadapté aux ETI, et l’accès aux compétences, ces dernières étant à la fois coûteuses et rares.