Knight Frank dresse le bilan du marché français de l’investissement en immobilier résidentiel en 2022 et dessine quelques perspectives pour 2023
Baisse de 24 % des volumes investis en France
Alors que les ventes aux particuliers se sont tassées en 2022, l’activité a également ralenti sur le marché des ventes de logements en bloc, en France comme en Europe. « Après une année 2021 record, l’activité a marqué le pas en 2022 sur le marché européen de l’immobilier résidentiel. 57 Mrds€ y ont été investis l’an passé, soit une chute de 48% sur un an due à un 2nd semestre bien moins dynamique que celui de l’année précédente » annonce Antoine Grignon, Directeur du département Investissement chez Knight Frank France. Les volumes investis en Europe en 2022 sont cependant supérieurs de 5% à la moyenne des cinq dernières années. Par ailleurs, le segment résidentiel n’est pas le seul à avoir subi un coup d’arrêt en raison de la remontée brutale des taux d’intérêt et de l’attentisme des investisseurs. Toutes classes d’actifs confondues, les sommes engagées sur le marché immobilier européen en 2022 ont ainsi diminué de 30 % par rapport à 2021. Le logement concentre une part élevée de ces sommes, soit un quart contre 40% pour les bureaux, 21% pour l’industriel et 14% pour les commerces. Enfin, le Royaume-Uni rassemble la plus grande partie des volumes investis en 2022 sur le marché résidentiel européen (27%), devant l’Allemagne (20%), la Suède (10%) et La France (9%).
Comme dans le reste de l’Europe et après deux années exceptionnelles, l’activité a nettement décéléré en 2022 en France avec une chute de 24% en un an. « Les volumes investis sur le marché résidentiel français ont totalisé 5,4 Mrds€ en 2022 après 6,5 milliards en 2020 et 7,1 milliards en 2021. Cette chute, moins marquée que celle constatée à l’échelle européenne, peut être relativisée puisque les sommes engagées en 2022 sont deux fois plus élevées que la moyenne des quatre années précédant le déclenchement de la crise sanitaire » précise Antoine Grignon. C’est en seconde partie d’année que la chute des volumes a été la plus marquée, les sommes engagées au 2nd semestre 2022 étant inférieures de 47% à celles du 1er semestre. Quelques transactions significatives ont tout de même été recensées en fin d’année, à l’exemple de l’achat par STAM du 68 boulevard de Courcelles à Paris ou encore de la vente par ICADE à ABRDN pour près de 100 millions d’euros d’un ensemble mixte comprenant du résidentiel géré à Nanterre. Ces opérations ont contribué à conforter la domination de l’Île-de-France, celle-ci concentrant près des trois quarts des volumes investis sur le marché résidentiel hexagonal en 2022. Enfin, le neuf représente également une part majoritaire (61%) de l’ensemble des volumes investis sur le marché résidentiel français en 2022. « Gonflée par la cession par CDC HABITAT à CNP ASSURANCES du portefeuille « Lamartine » pour un peu plus de deux milliards d’euros, ainsi que par le nombre élevé de VEFA recensées sur le marché du résidentiel géré, cette part élevée du neuf traduit notamment l’appétit des investisseurs pour des actifs correspondant à leurs critères en matière de stratégie ESG » précise Antoine Grignon.
Les Français dominent largement
Le marché résidentiel reste très majoritairement animé par les investisseurs français, représentant 87% des sommes engagées dans l’Hexagone en 2022. A l’image de CNP Assurances, d’autres assureurs ont été actifs (AG2R La Mondiale par exemple), mais ils arrivent loin derrière les acteurs de la pierre papier en nombre de transactions. Parmi les plus présents, citons Primonial REIM, La Française ou Sofidy qui, confortant leur stratégie d’investissement au profit d’actifs plus défensifs, ont à la fois ciblé des logements « classiques » et des résidences gérées.
Ne concentrant que 13% des sommes engagées dans l’Hexagone en 2022, les étrangers ont quant à eux été à l’origine d’un nombre limité de transactions, majoritairement réalisées au profit de fonds paneuropéens et allemands. PGIM et HINES avaient par exemple animé le marché français en 2021. En 2022, ce sont ABRDN, DWS, M&G, Columbia Threadneedle REP ou encore le fonds danois PFA qui se sont distingués, investissant principalement en Île-de-France. Plus récemment, PFA s’est également illustré par l’achat d’un immeuble de près de 3 000 m² à Saint-Cyr-L’Ecole, dans les Yvelines, tandis qu’Ares Mangement doit acquérir au 1er semestre 2023 auprès de Reralites une résidence de coliving de près de 13 000 m² à Saint-Ouen. « Les derniers mois ont confirmé l’appétit des fonds internationaux pour le résidentiel géré, segment de marché sur lequel ils ont représenté 28% de l’ensemble des sommes engagés dans l’Hexagone en 2022, qu’il s’agisse de résidences étudiantes, de coliving, de résidences seniors ou encore d’habitat intergénérationnel » précise Antoine Grignon. Côté Français peuvent être cités, parmi les acteurs les plus présents à l’acquisition, KLEY, CDC Investissement ou encore des collecteurs d’épargne tels Primonial REIM, La Française, Sofidy ou Euryale.
Appétit important pour le résidentiel géré
Très recherchées en raison de leur stabilité (baux de longue durée, biens décorrélés des cycles économiques, etc.) et de rendements plus élevés que d’autres types d’actifs, les résidences gérées bénéficient de fait de l’intérêt d’un nombre croissant d’investisseurs. Sur l’ensemble de 2022, ce segment de marché a ainsi rassemblé 1,4 milliard d’euros en France, soit une hausse de près de 40% par rapport à 2021 et 27% du total des sommes engagées sur le marché du logement dans l’Hexagone. « Ce beau résultat s’explique notamment par l’appétit des investisseurs pour les résidences seniors et intergénérationnelles, avec une trentaine d’opérations totalisant 650 millions d’euros dont un peu plus de la moitié en Île-de-France et près des deux tiers sous forme de VEFA » indique Antoine Grignon. Les volumes investis sur le marché français des résidences seniors, bien qu’en hausse de plus de 20% sur un an, demeurent toutefois assez loin de ceux relevés au Royaume-Uni (2,8 milliards d’euros en 2022).
Si les fonds étrangers sont de plus en plus présents sur le marché des résidences seniors, à l’image de la résidence intergénérationnelle récemment achetée à Lille par Columbia Threadneedle REP, les Français en restent les principaux acteurs (caisses de retraite et mutuelles, SCPI, etc.). Certains profils sont de plus en plus en présents, à l’image d’assureurs tels Malakoff Humanis et AG2R La Mondiale ou de promoteurs tels Vinci Immobilier et Bouygues. Cet engouement contribue à l’accélération des ouvertures. Le think tank Matières Grises recense ainsi une centaine de mises en exploitation de résidences seniors chaque année. « L’accroissement de l’offre est également soutenu par la transformation d’actifs, contribuant au recyclage des biens obsolètes et permettant de répondre à la hausse exponentielle des besoins de logements pour personnes âgées » poursuit Antoine Grignon. Les conversions de bureaux sont ainsi de plus en plus nombreuses, à l’exemple de l’inauguration récente par Novaxia d’une nouvelle résidence pour seniors de plus de 6 000 m² à Levallois-Perret. De façon plus générale, les bureaux obsolètes d’Ile-de-France représentent un débouché significatif pour l’ensemble du résidentiel géré. Selon les données compilées par Knight Frank, les résidences seniors, les actifs de coliving et les résidences étudiantes représentent ainsi près de 30% des surfaces de bureaux de plus de 1 000 m² transformées en logements depuis 2019 en région parisienne, derrière le logement classique (43%), mais devant les hôtels et résidences de tourisme (13%) ou encore les locaux d’enseignement (6%).
Les projets de conversion se multiplient aussi en région et portent sur d’autres catégories de biens, à l’image de la transformation à Villeurbanne d’un ancien site industriel en ensemble mixte comprenant environ 320 logements dont 80 pour personnes âgées, ou de la transformation en résidences seniors d’un portefeuille de bureaux de poste dans le cadre d’un partenariat entre La Poste Immobilier et les Jardins d’Arcadie.
Quelles perspectives pour 2023 ?
Après le résultat record de 2021, le ralentissement constaté en 2022 se prolongera en 2023 en raison de l’attentisme des investisseurs face à la remontée des taux d’intérêt. Le marché sera également contraint par un manque de produits neufs, lié notamment à l’envolée des coûts de construction et aux difficultés de certains promoteurs. Les investisseurs continueront toutefois de faire du segment résidentiel l’une de leurs cibles prioritaires dans le cadre de stratégies de diversification visant des types d’actifs sécurisés. « Le résidentiel géré continuera notamment de bénéficier d’une demande soutenue en raison de besoins importants, de l’apparition de nouveaux acteurs et de nouveaux concepts et de la montée en gamme de l’offre. L’appétit pour les résidences seniors restera particulièrement important en raison du vieillissement de la population française, à laquelle s’ajoutera en effet d’ici 2070 près de 6 millions de personnes âgées de 75 ans ou plus », conclut Antoine Grignon.