Observatoire Cetelem de la consommation 2023 : « Du choix contraint à l’achat malin, à chacun son low cost »
L’inflation, l’alliée du low cost
Deux chiffres éloquents posent le cadre de l’édition 2023 de l’Observatoire Cetelem questionnant la perception qu’a le consommateur européen du marché low cost et son appétence pour ses produits : près des 2/3 des ménages européens (64%) déclarent avoir renoncé à des dépenses au cours des 12 derniers mois, et pour 4 ménages sur 10 (39%) ces dépenses concernent des achats liés à la vie courante ou au carburant. Une consommation sous contraintes donc qui nécessite des arbitrages financiers entre renoncement et adaptation des comportements. Déjà bien ancré dans le paysage de la consommation, le low cost ne peut que sortir renforcé en tenant ses promesses d’offre à bas prix. Cependant, les résultats de l’étude révèlent aussi la transformation d’un marché qui, aujourd’hui, séduit bien au-delà des seuls ménages modestes. De la logique du moindre prix à la valorisation de l’habileté du consommateur, le low cost tient sa place.
L’habillement, l’alimentaire et l’aérien : symboles du marché du low cost
Le marché du low cost est bien identifié par les Européens : ils sont 9 sur 10 à avoir entendu parler du low cost et 55% à voir précisément ce dont il s’agit. Très nettement, l’Espagne (82%), le Portugal (81%) et l’Italie (80%) sont les plus familiers du concept contrairement à la Pologne, l’Autriche et la Slovaquie dont les consommateurs sont moins de 3 sur 10 à en avoir une vision claire. En outre, si en moyenne, 6 Européens sur 10 estiment le marché du low cost bien développé, 11% seulement le jugent très développé. Marqué particulièrement en Suède (73%), au Royaume-Uni (71%) et en France (70%), ce développement est beaucoup moins perçu en Europe centrale (4 personnes sur 10).
Selon les Européens, l’habillement (66%), l’alimentaire (62%) et le transport aérien (58%) composent le trio gagnant des secteurs synonymes de low cost. La quatrième place occupée par la téléphonie (53%) pointe le succès des opérateurs dans le développement d’offres à prix cassés qui ont su séduire dans un domaine parfois très concurrentiel. À l’inverse, l’automobile, dont le succès de Dacia a changé en son temps le paradigme du marché, est peu associée au low cost (39%). Au top 3 des marques et enseignes citées spontanément, Lidl en est le chef de fil, suivi par Ryanair qui a révolutionné le secteur aérien et Aldi, première enseigne à avoir endossé les atours du low cost.
Le marché du low cost dispose d’une relativement bonne image dans l’ensemble des pays étudiés avec une note moyenne attribuée de 6,5/10. Une image qui est en adéquation avec une offre claire. En effet, pour près de 8 Européens sur 10 (77%), le low cost est associé avant tout à des prix bas et des services minimums, et est majoritairement (57%) synonyme d’un bon rapport qualité-prix, une proportion qui s’élève à 66% chez les consommateurs réguliers de produits low cost, qui semblent donc y trouver leur compte.
Des plus modestes aux plus aisés, tout le monde consomme du low cost
Le prix est, pour les Européens, le principal critère de choix dans l’achat d’un produit, davantage que la qualité (61% contre 39%). Si la priorité accordée au prix est partagée avec la même intensité par toutes les générations, la segmentation en termes de revenus fait naturellement apparaître une différenciation beaucoup plus nette : 70% des Européens aux revenus faibles placent le prix en premier critère de choix contre 51% pour les revenus élevés. Avec le choc de l’inflation, et compte tenu du rôle essentiel du prix, acheter low cost est souvent une variable d’ajustement face à un budget contraint. C’est en tout cas la solution que privilégieraient 77% des Européens pour leur permettre de consommer plus, juste derrière l’achat de produits hard discount (82%) et le fait de diminuer les dépenses les moins prioritaires (86%).
Le low cost s’est imposé dans le quotidien des Européens devenant presque un réflexe de consommation naturel. Ce sont 54% des personnes interrogées qui consomment régulièrement des produits low cost avec des adeptes particulièrement convaincus en Hongrie (74%), au Portugal (65%), en Espagne (63%) et au Royaume-Uni (62%) … et beaucoup moins en France (41%) où la consommation déclarée de produits low cost est l’une des plus faibles avec la Slovaquie (39%) et la République tchèque (33%). L’analyse en termes de revenus, qu’ils soient modestes (56%) ou élevés (53%), montre que tout le monde consomme low cost. Il existe, en revanche, une nette distinction géographique : à l’Ouest, les revenus faibles affirment consommer davantage low cost que les catégories aisées (59% contre 53%) tandis qu’à l’Est, les personnes aux revenus élevés indiquent davantage que les autres avoir adopté le low cost (54% contre 46%).
Consommer low cost ne serait plus un signe de déclassement. En effet, près des 3/4 des Européens (74%) estiment que ce n’est pas dévalorisant d’acheter des produits low cost, un sentiment qui est plus largement exprimé par les personnes aux revenus faibles (30%) que celles aux revenus élevés (22%). À une petite majorité (55%), consommer low cost est aussi un choix plus qu’une contrainte, une évidence qui est nettement plus marquée chez les ménages aisés (64%) que chez les plus modestes (47%). C’est en Suède (64%), en France (59%), en Espagne (59%) et au Portugal (59%) que la consommation low cost choisie est la plus répandue.
Un marché au fort potentiel de développement
Le low cost semble devoir pouvoir s’appuyer sur la confiance des consommateurs pour poursuivre son développement. Depuis un an, près de 4 Européens sur 10 (39%) indiquent avoir accru leur consommation en produits low cost, 45% l’ayant maintenu à niveau, et seulement 16% l’ayant diminuée. C’est dans l’achat de produits alimentaires que la progression constatée sur un an est la plus forte avec 41% des consommateurs low cost déclarant avoir intensifié leurs dépenses dans ce secteur. Dans un avenir proche, les perspectives de développement s’annoncent également prometteuses : un tiers des consommateurs (34%) souhaitent maintenir leurs achats low cost à un même niveau, et 43% sont même décidés à l’intensifier.
Force est de constater que les Européens lient principalement le développement du marché du low cost à un contexte de tension sur le pouvoir d’achat : 1 Européen sur 2 (51%) qui entrevoit un développement pour le low cost pense que plus les consommateurs seront aux prises à des difficultés financières, plus ils seront contraints de se tourner vers ce type d’achats. Un argument particulièrement exprimé en Hongrie (63%), en Autriche (60%) et en France (54%). Cependant, un tiers des Européens (33%) considèrent également que ce développement passera par le refus des consommateurs de payer « plein pot » des produits dont le prix ne leur paraîtrait pas justifié. Rien d’étonnant donc que près de 7 Européens sur 10 (67%) fassent confiance aux enseignes low cost pour défendre leur pouvoir d’achat.
En France, le low cost pâtit d’une image contrastée
La France est un pays plutôt familier du low cost, il y bénéficie d’une notoriété certaine : 63% des Français voient précisément ce dont il s’agit, et ils sont 7 sur 10 à estimer que c’est un marché bien développé (+10 points d’écart par rapport à la moyenne 15 pays). L’alimentaire et l’aérien sont les 2 secteurs que près des trois quarts des Français (74%) associent spontanément, et à part égale, au low cost, c’est une proportion élevée comparativement à la moyenne d’ensemble attribuée respectivement à ces 2 secteurs (62% et 58%). Logiquement, ce sont les marques Lidl, Easyjet et Ryanair qui symbolisent aux yeux des Français le plus le low cost. Autre différence, le secteur de l’habillement/textile est positionné à la 3e place en France contrairement à la plus grande majorité des pays étudiés qui le place en première position.
Si les Français identifient bien le marché du low cost, ils sont divisés encore plus que les autres pays européens sur la qualité des produits et services low cost : 52% affirment qu’ils sont d’un bon rapport qualité/prix quand 48% pointent une offre à bas prix et de mauvaise qualité. Conséquence directe, l’image qu’ont les Français du low cost est la plus mitigée de tous les pays européens : la note attribuée de 5,9/10 est l’une des plus basses, contre 6,5/10 au niveau européen. Le niveau de satisfaction exprimé par les consommateurs low cost, lui, se situe légèrement en deçà de la moyenne d’ensemble avec une note de 6,6/10.
Les Français sont moins nombreux qu’ailleurs à privilégier les produits low cost (41% vs 54% en moyenne), avec une intensité qui varie très peu selon les revenus (42% pour les revenus faibles et 40% pour les revenus élevés). Une majorité de ces consommateurs le font par choix plutôt que par contrainte (59% vs 41%) et 70% considèrent que ce ne sont pas des achats dévalorisants. Si les Français anticipent moins que la moyenne d’accroitre leur consommation de produits low cost (37% vs 43%), plus de la moitié (54% vs 51%) jugent néanmoins que ce marché a du potentiel dans un contexte de tensions budgétaires touchant de plus en plus de consommateurs.
Flavien Neuvy, Directeur de l’Observatoire Cetelem, conclut : « Il est loin le temps où le low cost était perçu comme le vilain petit canard de la consommation, ignoré avec suffisance par les marques et les enseignes bien établies, fréquenté essentiellement par les ménages contraints budgétairement. Non seulement il a su s’imposer dans de nombreux secteurs, au point d’en devenir parfois la référence, mais il a été capable de s’adapter localement pour séduire davantage de clients, de toutes classes sociales. Si ce marché du low cost a encore des marges de progression sensibles, il ne devra pas oublier qui il est, ce qui l’a vu naître, autrement dit : être fidèle à son ADN prix. »