AEW, acteur mondial du conseil en investissement et de la gestion d’actifs immobiliers, publie son étude qui estime que le déficit de financement en immobilier d’entreprise en Europe a augmenté pour atteindre 51 Mrds€ au quatrième trimestre 2022. Le déficit de financement représente l’écart potentiel entre le montant initial de dette émise entre 2018 et 2020 et le montant disponible au refinancement une fois cette dette initiale arrivée à sa maturité au cours des trois prochaines années, en Allemagne, Royaume-Uni et en France, tous secteurs immobiliers confondus. L’augmentation du déficit de financement est essentiellement due à la baisse des valeurs vénales immobilières qui ont poussé les ratios LTV (loan-to-value) à la hausse, ainsi qu’à des taux d’intérêt plus élevés tirant à la baisse les ratios de couverture des intérêts (ICR – interest coverage ratios).
Pour Hans Vrensen, Managing Director, Head of Research & Strategy Europe chez AEW : « Notre analyse montre que le déficit de financement en Europe a augmenté pour atteindre 51 Mrds€ au cours du dernier trimestre de 2022, ce qui reflète la baisse des valeurs du sous-jacent immobilier et les premiers impacts des restrictions sur les ratios de couverture des intérêts. Le déficit de financement lié aux contraintes sur la LTV a augmenté d’environ 33% pour atteindre 32 Mrds€ depuis notre dernière estimation de septembre 2022. Cela est dû à la baisse des valeurs vénales qui s’est avérée plus rapide qu’initialement anticipée ».
- Cette étude, qui poursuit l’analyse du déficit de financement d’AEW de septembre 2022, se fonde sur les dernières prévisions d’AEW sur les valeurs immobilières, qui tirent les ratios LTV vers le haut au moment du refinancement, ainsi que sur la prise en compte par AEW de l’impact de taux d’intérêt plus élevés sur les ratios de couverture des intérêts (ICR), qui s’ajoutent aux contraintes sur la LTV.
- Le déficit de financement lié à la LTV est en augmentation de 33% par rapport à l’estimation de septembre 2022 et atteint 32 Mrds€. Cette hausse est essentiellement due à la révision à la baisse des perspectives de croissance en capital du sous-jacent immobilier. 11 des 12 marchés immobiliers couverts dans trois pays en Europe sont désormais concernés, contre seulement six dans les prévisions précédentes.
- Des préoccupations supplémentaires sur les refinancements à venir sont déclenchées par les taux d’intérêt « all-in », qui ont doublé en 2022 et ont atteint 6,3% au France et 4% en Europe continentale à la fin de l’année 2022. L’impact d’une période prolongée de taux d’intérêt plus élevés doit donc maintenant être pris en compte.
- Les répercussions de ces hausses de taux sont illustrées par la réduction de moitié des ICR pour les prêts existants devant être refinancés en 2023, qui passent d’une moyenne sur dix ans de 3,25 à 1,6 aujourd’hui, en moyenne tous secteurs immobiliers confondus. Il est peu probable que ce niveau d’ICR soit attractif pour les prêteurs ou acceptable d’un point de vue règlementaire ou en termes de réserves de capital, en particulier pour les prêteurs bancaires.
- AEW fixe un seuil d’ICR au refinancement dans une fourchette comprise entre 1,6 et 2,4, sur la base des informations fournies par les prêteurs et les experts du marché. Le point médian de 2 implique que 50% des revenus locatifs devront être alloués au paiement des intérêts.
- Ces seuils d’ICR, le taux d’intérêt plus élevé au moment du refinancement et le revenu locatif actuel permettent d’estimer le montant de la dette de refinancement disponible pour chacun des 12 marchés immobiliers couverts dont les millésimes de prêts arrivent à échéance en 2023-25. Dans la plupart des cas, la dette de refinancement disponible contrainte par le seuil d’ICR est inférieure à la dette initiale, ce qui déclenche un déficit de financement lié à l’ICR.
- Avec un déficit de financement qui prend désormais en compte les restrictions au niveau de la LTV et de l’ICR, le déficit de financement augmente pour atteindre 51 Mrds€ tous marchés immobiliers confondus. La part du déficit de financement due aux limites sur l’ICR (par opposition aux exigences sur la LTV) représente 37% du déficit de financement total dans l’hypothèse principale d’un seuil d’ICR à 2. Enfin, 45% du déficit de financement total est concentré dans les marchés allemands, 33% au France et 22% en France.
- Prêteurs et emprunteurs devront se montrer créatifs pour restructurer les prêts existants et atteindre des niveaux soutenables de LTV et d’ICR au-delà des habituelles extensions d’échéances, renonciations de clauses, excédent de trésorerie bloqué (cash traps) et/ou restructuration partielle de prêts avant refinancement avec exigences de couverture.
- L’écosystème et le cadre règlementaire pour s’atteler à ces défis se sont améliorés depuis la crise financière mondiale de 2007-08. Mais cette fois-ci, il ne faudra pas compter sur un environnement de taux d’intérêt bas ou sur des politiques monétaires telles que l’assouplissement quantitatif comme dans les années qui ont suivi la crise financière mondiale.
Conclusion de Hans Vrensen : « Les prêteurs et les emprunteurs devront adopter une approche beaucoup plus proactive, car le marché est confronté à un ensemble de défis différents de ceux de la crise financière mondiale de 2007-2008 en ce qui concerne l’inflation, les taux d’intérêt plus élevés et les nouvelles réglementations. L’obligation réglementaire pour les banques de couvrir leurs prêts pourrait être le déclencheur dont le marché a besoin pour corriger l’écart entre prix attendu par les vendeurs et prix offert par les acheteurs dans le cycle baissier actuel. Cela devrait obliger les banques à liquider plus rapidement les prêts arrivant à échéance que lors de la crise financière mondiale, car prolonger des prêts arrivant à échéance sans fixer le taux d’intérêt – avec des taux swap désormais élevés – ne semble pas être une option possible cette fois-ci ».