Le Baromètre Cetelem 2023 « Conscience de Crises » : une étude réalisée dans 15 pays européens auprès de 14 200 personnes
L’énergie au cœur des craintes
Le Baromètre Observatoire Cetelem analyse la perception et la réaction des Européens face aux crises actuelles, et plus particulièrement face à l’inflation et aux pénuries anticipées. Des indicateurs clés pour mesurer et comprendre comment ils apprennent à vivre avec les crises et appréhendent l’année à venir.
Dès un an après le début de la pandémie du Covid-19, les Européens donnaient des signes de résilience en affichant un regain d’optimisme. Le retour brutal de l’inflation – du jamais vu depuis près de 40 ans – dopée par la guerre en Ukraine, est venu couper net cet élan positif… Les Européens doivent apprendre désormais à vivre avec des hausses de prix à deux chiffres. Les difficultés d’approvisionnement en matières premières, gaz ou en électricité ont fait resurgir dans le débat économique le mot « pénurie » qui en avait été exclu depuis longtemps. La croissance mondiale est passée de 6% en 2021 à 3,2% en 2022, et elle devrait être de 2,7% en 2023. Il s’agit du profil de croissance le plus morose depuis la crise financière mondiale de 2008-2009 et le pic lié au Covid-19.
Démoralisation générale
Les Européens sont pessimistes concernant la situation de leur pays, et leur moral est miné par un contexte politico-économique difficile. Ainsi, la note sur une échelle de 1 à 10 pour décrire la situation de leur pays et celle concernant leur situation personnelle s’inscrivent toutes les deux à la baisse. À respectivement 4,9 points (-0,5 pt vs 2022) et 5,8 points (-0,4 pt vs 2022), elles retrouvent leur niveau de début de crise du Covid-19. Les Français établissent la perception de la situation de leur pays à 5 points (-0,4 pt vs 2022) et la confiance envers leur situation personnelle reste relativement élevée à 6 points (-0,3 pts).
L’inflation fortement ressentie par les ménages en Europe est au cœur des préoccupations
Pour 9 Européens sur 10, la hausse des prix est une réalité constatée. 7 sur 10 estiment même que les prix ont nettement augmenté ces 12 derniers mois. Un ressenti partagé par l’ensemble des pays de l’étude.
La France, avec le Royaume-Uni, a le ressenti le plus faible sur la hausse des prix : ils sont 60% à exprimer ce sentiment, soit 10 points en dessous de la moyenne… sans doute en raison d’un taux d’inflation bien inférieur (7,1% en France ; 9,6% au Royaume-Uni*) à celui de la zone euro (11,5%1) dû en grande partie au bouclier tarifaire mis en place par les gouvernements.
Au niveau des variables socio-démographiques, fort est de constater que le ressenti sur la hausse des prix est plus vif chez les femmes que les hommes (respectivement 75% et 65%, soit 10 points d’écart), également chez les personnes de plus de 50 ans (78% vs 60% des 18-24 ans, soit 18 points d’écart), et contre toute attente, bien que moins marqué, chez les personnes aux revenus élevés (72% vs 69% chez ceux ayant de faibles revenus).
Un pouvoir d’achat qui se contracte, une volonté d’épargner qui régresse…
Effet miroir par rapport à l’inflation, le sentiment d’une baisse sensible du pouvoir d’achat augmente dans une même proportion, traçant deux courbes d’évolution quasi parallèles. Plus d’1 Européen sur 2 (54%) estiment que son pouvoir d’achat a baissé au cours des 12 derniers mois, un résultat en augmentation de 19 points en moyenne par rapport à l’an dernier.
Effet d’un pouvoir d’achat aujourd’hui tendu, les intentions d’épargne (51%) reculent en moyenne de 0,3 point par rapport à 2022 avec seulement 1/3 des 15 pays sondés affichant une volonté d’épargner en hausse : Allemagne (59%, +7 points), Autriche (61%, +2 points), Roumanie (65%, +2 points), Pologne (57%, +1 point) et Slovaquie (27%, +1 point). Dans 7 pays, la volonté d’épargner est en baisse, avec des reculs proches de 10 points comme en Espagne (49%, -9 points), en Italie (42%, -9 points), en Suède (60%, -9 points) et au Royaume-Uni (55%, -8 points). Dans ces pays, l’heure n’est plus à la constitution d’un bas de laine, mais plutôt à faire face à une progression spectaculaire des prix alimentaires, comme en Espagne, ou à l’augmentation astronomique des factures d’énergie, tel au Royaume-Uni.
… et l’anticipation d’une consommation contrainte
L’envie de dépenser reste globalement stable (51%, -1 point) avec néanmoins une augmentation significative (+3 points) de personnes (1 Européen sur 4) qui n’ont ni l’envie et ni les moyens de dépenser.
Les résultats mettent en exergue une consommation contrainte où les dépenses portent sur ce qui est nécessaire et indispensable à la vie quotidienne, quand bien même les prix augmentent. Le niveau réel de consommation, après une année de rebond post-Covid en 2022 (+3,3% au niveau européen), stagnera en 2023 (0,1%) sous cet effet de contrainte.
Les pénuries, l’épée de Damoclès qui pèse sur les Européens
L’énergie au cœur des craintes…
3 Européens sur 4 anticipent au moins une situation de privation dans leur pays dans les mois à venir, principalement en énergie (électricité, gaz, essence). C’est en France (87%) et au Royaume-Uni (83%) que les craintes sont les plus fortes.
58% des Européens, dont 63% des Français, redoutent d’être confrontés à une coupure d’électricité, et 6 Européens sur 10, dont 55% des Français, de ne pas pouvoir payer leur facture d’électricité. Les femmes, les jeunes, les personnes aux faibles revenus et les habitants des petites et moyennes agglomérations y sont le plus sensibles.
… mais également l’alimentaire
L’énergie n’est pas le seul secteur auquel les Européens associent le mot pénurie. Le domaine de l’alimentation est tout autant concerné. 55% des Européens, dont 59% des Français, déclarent qu’ils pensent être confrontés à une pénurie de produits alimentaires dans les prochains mois. Néanmoins, cette anticipation de pénurie sur les produits alimentaires n’est pas forcément corrélée à l’inflation sur ce même type de produits. La Bulgarie, qui connaît l’une des plus forte inflation (21,8%) en ce domaine de tous les pays de l’Europe, affiche l’un des plus faibles taux d’inquiétude (35%) alors que la France, ayant la plus faible inflation alimentaire (10,6%), se situe au-dessus de la moyenne globale.
« En 2022, avec une inflation au plus haut depuis 40 ans, les Européens ont vu leur pouvoir d’achat reculer dans pratiquement tous les pays impactant directement leur moral lui aussi orienté à la baisse. Pour 2023, la crainte des pénuries est très présente. Les Européens, conscients de vivre une succession des crises et dans un contexte toujours aussi anxiogène, s’adaptent : les intentions d’épargne sont orientées à la baisse et les intentions de consommer sont stables. La croissance européenne qui repose beaucoup sur la consommation des ménages devrait résister malgré une inflation toujours forte », conclut Flavien Neuvy, Directeur de l’Observatoire Cetelem.