La Finlande et la Norvège en tête du dernier classement de la durabilité des pays
Les trois premières marches du classement de la durabilité des pays (CSR) de 2022 ont de nouveau été remportées haut la main par des pays nordiques. Les scores de la Finlande, qui avait terminé en tête l’année dernière, accusent une baisse légère, mais suffisamment pour partager la première place avec la Norvège. La Suède se classe troisième à un cheveu près. L’autre trio habituel, Danemark, Suisse et Islande, complète l’élite des pays détenant la meilleure performance au monde en matière de durabilité. Le fait que ces pays occupent le sommet du classement depuis des dizaines d’années atteste de la valeur à long terme des politiques et pratiques en faveur du développement durable.
Points clés
- Un classement qui témoigne de la valeur pérenne du développement durable
- L'instabilité politique est source d'inquiétude dans le monde entier
- Davantage de poids accordé aux indicateurs environnementaux et sociaux dans le CSR
Aucune surprise non plus du côté des 20 premières places, une fois de plus dominées par les pays membres de l’UE, accompagnés de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, du Canada et du Japon. Parmi les pays à revenu élevé et intermédiaire (sur la base du PIB nominal), la Chine, les Philippines, l’Inde, le Nigeria et le Pakistan occupent les cinq dernières places. Quand on considère toutefois l’ensemble de l’univers formé par les 150 pays, ce sont la Libye, le Soudan, l’Iran, l’Irak et le Yémen, tous des États économiquement, socialement et politiquement fragiles du Moyen-Orient et de l’Afrique, qui ferment la marche.
Les temps changent, les mesures s’adaptent
Les critères de gouvernance ont longtemps dominé l’analyse ESG des pays, et ce, à juste titre. Des institutions saines, un processus systématique, la responsabilité gouvernementale et le pouvoir du peuple permettent de favoriser et de soutenir les objectifs sociaux et environnementaux. Bien que la gouvernance reste le facteur ayant le coefficient le plus élevé, la méthodologie utilisée pour établir le CSR a été modifiée cette année afin de tenir compte des risques croissants que le changement climatique, la perte de biodiversité et les atteintes aux droits de l’homme soulèvent pour les performances des pays en matière de durabilité.
Des pays controversés enregistrent des gains de performance à court terme
Cette année, c’est l’Arabie saoudite qui signe la meilleure progression grâce à des améliorations concernant les droits de l’homme et le droit du travail, mais aussi des facteurs de gouvernance comme la mondialisation et l’innovation. Le Royaume gagne lentement du terrain dans les trois dimensions ESG grâce à sa stratégie « Vision 2030 » qui, en plus de prévoir des réformes sociales accordant davantage de droits aux femmes et aux travailleurs migrants, vise également à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à stimuler les énergies renouvelables et à atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici 2060. N’oublions pas toutefois qu’il est facile de s’élever dans le classement quand on part d’aussi bas et que, si les droits de l’homme en général ont progressé, presque rien n’a changé en matière d’égalité des sexes.
La Turquie et le Brésil, qui font l’objet de controverses, ont également réalisé des progrès modestes cette année, en partie grâce à des résultats solides ou en amélioration sur le plan environnemental. Cela étant, ils continuent dans l’ensemble de sous-performer par rapport aux autres pays des marchés émergents. Les politiques provocatrices, autoritaires et nationalistes de Recep Tayyip Erdogan, qui occupe depuis longtemps la présidence de la Turquie, ont porté atteinte à la stabilité économique et politique et fragilisé les cadres institutionnels, les libertés individuelles et les droits de l’homme. Le Brésil a subi des défaillances similaires en matière de gouvernance sous le régime populiste de Jair Bolsonaro.
La victoire récente de Luiz Inácio da Silva (souvent appelé « Lula »), plus conciliant et plus ouvert, au Brésil et le renforcement de l’opposition en Turquie sont autant de signes de changements politiques qui pourraient être favorable à la durabilité.
Le Mexique, l’Afrique du Sud, les Philippines, la Chine et Taïwan sont les pays qui ont accusé les plus fortes baisses au cours des six mois considérés. Les scores du Mexique se sont dégradés en raison des positions anti-démocratiques et anti-climat de son président en exercice, Andrés Manuel López Obrador (ou tout simplement AMLO). Les scores de l’Afrique du Sud ont été pénalisés par les déficiences des systèmes de santé, l’absence d’infrastructures énergétiques, la corruption généralisée et la persistance de la pauvreté et des inégalités. La Chine, qui faisait déjà partie des cinq pays les moins performants parmi les pays à revenu élevé, a encore reculé en raison de la détérioration de ses indicateurs sociaux. Le vieillissement démographique étant plus rapide que l’augmentation des jeunes travailleurs, la croissance et la productivité est compromise pour les années à venir et la dette publique risque de s’aggraver.
L’Europe du Sud réalise les plus grands progrès sur trois ans
Sur la période de trois ans, ce sont l’Italie, le Nigeria, l’Autriche, le Portugal et l’Espagne qui progressent le plus, portés par l’amélioration d’un ensemble de facteurs sociaux et environnementaux, notamment le taux de participation à la vie active et la performance climatique et énergétique.
Bien que l’Italie ait enregistré la plus forte progression, il reste à savoir si Giorgia Meloni, la nouvelle Présidente du Conseil des ministres, pourra maintenir le cap. L’Italie est parvenue à améliorer ses performances environnementales grâce à ses investissements dans les énergies renouvelables, mais aussi grâce à un niveau d’émission de carbone / de mesures de recyclage et de contrôle des déchets inférieur/supérieur à la moyenne de l’UE. Le constat est le même pour ce qui est des droits de l’homme. Pourtant, des troubles politiques récurrents ont entravé d’autres réformes et entraîné une dégradation des critères de gouvernance au cours des 20 dernières années. Or, une gouvernance efficace est indispensable pour combattre les défis structurels de l’Italie, qu’il s’agisse de son taux de productivité médiocre, de sa croissance faible, de son évolution démographie défavorable ou de son taux de chômage élevé.
L'instabilité politique a jeté une ombre sur les trois dernières années
Le risque et l'instabilité politiques ont pesé lourd dans les pertes enregistrées sur trois ans. Hong Kong a été en tête des baisses en raison de l'ingérence de longue date de la Chine dans les libertés institutionnelles et individuelles. Les États-Unis ont également perdu du terrain, en raison des dommages résiduels infligés par l'ère Trump. La législation novatrice de l'administration Biden et les résultats prometteurs des élections de mi-mandat laissent présager un redressement des scores de durabilité aux États-Unis.
La montée de l'opposition politique, les conditions économiques difficiles et la crise de Covid ont provoqué des turbulences à Singapour ces dernières années, ce qui se traduit par une augmentation des risques politiques. Pendant ce temps, les mouvements séparatistes et l'extrémisme islamique ont alimenté l'instabilité politique et étranglé les performances ESG en Indonésie. Et si les récentes élections ont été favorables à l'avenir durable du Brésil, elles semblent l'être moins pour les Philippines, où les enfants de deux anciens présidents controversés ont gagné le droit de gouverner. Les sceptiques doutent d'un retour à la normale politique et craignent une concentration accrue du pouvoir et de l'influence au sein d'une élite politique.
Un outil souverain
Les marchés financiers reconnaissent de plus en plus le lien essentiel entre les données ESG des pays, la prospérité économique et la solvabilité budgétaire. Une solide performance en matière de durabilité témoigne de la stabilité politique, économique, environnementale et sociale d’un pays, autant de facteurs qui favorisent la croissance économique, une position budgétaire équilibrée et des profils de crédit souverain positifs à long terme. L’inverse est également vrai : de mauvaises performances en matière de facteurs ESG peuvent être l’indice de risques non négligeables qui devraient inciter les investisseurs à la prudence. Les fortes corrélations systématiques entre le classement de la durabilité des pays établi par Robeco et les principaux indicateurs mesurant le risque lié aux obligations souveraines le confirment et soulignent l’utilité de cet outil pour prendre des décisions d’investissement éclairées, qui s’appuient sur une vision d’ensemble.