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[Tribune] L’impact de l’activisme des PDG sur le comportement des consommateurs

En ces temps politiquement troublés, tout le monde semble avoir une opinion.
- Mais les PDG ont-ils raison d’exprimer les leurs ?

- Qu’arrive-t-il aux entreprises dont le PDG prend publiquement position sur un sujet controversé ?

Young Hou, de la Darden School of Business, et son collègue Christopher Poliquin, de l’UCLA, ont mené une étude sur les effets de l’activisme des PDG sur le « consumérisme politique ».
Ils ont analysé les données de localisation des téléphones portables des clients pour mesurer leur fréquentation dans une chaîne de magasins après que son PDG se soit exprimé publiquement sur une question politique majeure : il s’est prononcé en faveur du contrôle des armes à feu, après que deux fusillades de masse se soient produites pendant un week-end d’août 2019 au cours duquel un homme armé a fait 23 victimes dans un Walmart à El Paso, au Texas, et un autre tireur a ouvert le feu dans le centre-ville de Dayton, dans l’Ohio, tuant neuf personnes.

L’étude porte sur l’impact net de l’activisme des PDG, sur la façon dont cet impact diffère entre les libéraux et les conservateurs, et sur la durée de cet impact. La question du contrôle des armes à feu a été choisie parce qu’elle est étroitement liée à l’appartenance politique ; en effet, la possession d’une arme à feu est désormais un indicateur fiable du vote républicain et un meilleur indicateur de l’appartenance à un parti que le genre, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique ou d’autres variables démographiques.

Qui s’en soucie et à quel point ?

« Grâce aux données de localisation des téléphones portables, nous avons observé une diminution globale de la fréquentation des magasins de 3% dans les quatre semaines qui ont suivi la prise de position des PDG en faveur du contrôle des armes à feu. Toutefois, cette diminution n’est pas homogène : la fréquentation a diminué d’environ 5% dans les comtés les plus conservateurs, mais elle est restée stable dans les comtés les plus libéraux », explique Young Hou de la Darden School of Business.

En d’autres termes, alors qu’une « punition » de type boycott est clairement apparue chez les conservateurs, les entreprises n’ont pas bénéficié d’un regain de fréquentation de la part des consommateurs libéraux vraisemblablement en accord avec la prise de position de leur PDG. En d’autres termes, les clients des comtés libéraux ne se sont pas rendus plus souvent dans les magasins dont le PDG a déclaré être en faveur du contrôle des armes à feu.

Les changements dans le comportement d’achat ont été particulièrement marqués pendant quatre semaines pour disparaître complètement après dix semaines.

Ces résultats indiquent que les effets de l’activisme des PDG sur le comportement des consommateurs sont de courte durée et peu susceptibles d’avoir des conséquences à long terme sur les décisions d’achat. Du moins lorsqu’il s’agit de prises de position ponctuelles.

Pourquoi cette absence de soutien de la part des clients sympathisants ?

Le boycott de la part des clients conservateurs est clair ; cependant, pourquoi les clients aux opinions libérales n’ont-ils pas davantage fréquenté les magasins dont le PDG s’est exprimé comme étant en faveur du contrôle des armes à feu ?

L’activisme d’un PDG a un plus grand impact chez les personnes en désaccord avec les prises de position de celui-ci. L’étude a montré que la réaction de « désapprobation » est plus marquée parce qu’il est dans la nature humaine de croire que les autres partagent notre avis. Lorsqu’on nous prouve le contraire, nous sommes plus susceptibles d’être désagréablement surpris et enclins à exprimer temporairement cette désapprobation. Dans le cas du contrôle des armes à feu, le sentiment d’indignation côté conservateur a sans doute été plus fort que le sentiment de légitimité côté libéral.

Il est toutefois possible que l’étude ait omis une forme de soutien moins visible : les libéraux ayant réalisé plus d’achats en ligne ou dont les futures décisions d’achat dépendent de leurs valeurs, car seule la fréquentation physique des magasins a été prise en compte. Cependant, cette dernière représente environ 90% des ventes au détail aux États-Unis. Il faudrait donc une modification majeure du comportement d’achat en ligne pour contrebalancer les données sur les achats en magasin.

Garder le silence n’est pas forcément la solution

L’activisme des PDG est un phénomène de plus en plus répandu et attendu. Des études récentes montrent qu’une majorité de consommateurs (65%) souhaite que les PDG prennent position sur les questions de société majeures.

Certaines entreprises ont d’ailleurs subi un retour de bâton après que leur PDG ait refusé de s’exprimer sur une question que les parties prenantes considéraient comme importante.

Par exemple, le PDG de Disney, Bob Chapek, a hésité à condamner publiquement le projet de loi « Don’t Say Gay » visant à interdire l’évocation de l’orientation sexuelle dans les écoles en Floride. Son silence a entraîné des manifestations chez les employés de Disney. La direction de Disney n’a pas souhaité s’exprimer, ce qui a valu à l’entreprise d’être boycottée.

Acheter devient un acte politique. Selon plusieurs études de grande ampleur, entre 40 et 50% des électeurs américains inscrits déclarent avoir fondé au moins une décision d’achat sur les valeurs sociales ou politiques de l’entreprise au cours des 12 derniers mois.

C’est un changement notable par rapport à il y a 10 ou 20 ans, lorsque les préoccupations dépassant le cadre des affaires n’entraient pas en ligne de compte. Nous sommes à un tournant. Les PDG passent beaucoup de temps chaque jour à réfléchir aux enjeux majeurs de notre société et à ce qu’ils doivent dire - ou ne pas dire.

Quand l’impact de l’activisme est-il visible ?

« Sur le long terme, l’activisme des PDG au sujet de questions sensibles telles que l’immigration, les armes à feu ou l’environnement peut faire la différence. Mais pour que l’activisme ait un sens, les dirigeants d’entreprise doivent prendre position de manière cohérente, publiquement et par le biais d’actions concrètes. Sinon, comme le montre cette étude, les souvenirs s’effacent », conclut Young Hou.

Des études montrent que lors d’activités fréquentes telles qu’effectuer des achats, les consommateurs sont souvent peu attentifs, surchargés d’informations concurrentes et peuvent oublier des informations connues ou dont ils ont tenu compte lors de transactions récentes. Ils peuvent ainsi oublier l’activisme d’un PDG et revenir rapidement à leur comportement d’achat d’origine.

Conclusion : Les PDG doivent s’engager de manière répétée pour en faire une stratégie de différenciation.

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