Après une année 2022 en repli, le secteur des matériaux de construction n’échappera pas, en 2023, aux effets récessifs de la crise énergétique.
Jeudi 8 décembre 2022, Alain Boisselon, président de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM), a dressé le bilan de l’activité des matériaux de construction sur les 10 derniers mois. Après un premier trimestre 2022 plutôt bien orienté, l’activité des 2ème et 3ème trimestres s’est nettement repliée, laissant entrevoir un recul de l’indicateur supérieur à -3% sur l’ensemble de l’année 2022.
Concernant plus spécifiquement la production de granulats et de béton prêt à l’emploi (BPE), les résultats disponibles à fin octobre suggèrent une contraction des volumes de l’ordre de -4% sur l’ensemble de l’année 2022 ce qui ramènerait les volumes à 345 millions de tonnes pour les granulats et à 39 millions de m3 pour le BPE.
2022 : d’une crise sanitaire à un choc énergétique
L’accalmie sur le front de la crise sanitaire a permis un regain d’activité en 2021, toujours constaté début 2022. Un répit de courte durée, stoppé dès le déclenchement de la guerre en Ukraine et ses conséquences délétères, tant sur le plan géopolitique que sur le plan énergétique, affectant sensiblement les marchés de la construction et la profession.
Dès mars 2022, les difficultés liées aux approvisionnements énergétiques se répercutent sur des coûts déjà en tension, décuplant le choc inflationniste qui touche l’ensemble de la filière BTP. Cette superposition de chocs pèse sur la demande et le déroulement des travaux du BTP avec, pour corollaire, des indicateurs de production des matériaux de construction qui se contractent.
Certes, sur les derniers mois (août, septembre, octobre), le rythme de dégradation de l’activité s’est atténué, notamment du côté des granulats où les productions pourraient avoir été stimulées par un comportement de stockage des entreprises qui cherchent à anticiper les hausses de prix de l’énergie ou les rationnements/délestages possibles cet hiver (+1,1% au regard des trois mois précédents, données CVS-CJO). S’agissant du BPE, les livraisons de ces trois derniers mois cèdent encore -1,5% au regard des trois mois précédents.
Carrières et matériaux de construction : des vertus de l’indépendance minérale et d’une industrie de proximité pour une meilleure maîtrise de la flambée des coûts
Le territoire français bénéficie de ressources minérales importantes, exploitables à proximité des sites de mise en œuvre, limitant ainsi les affres des tensions de demande et d’approvisionnement sur les marchés mondiaux ; parmi ces ressources, les granulats qui sont nécessaires à la composition du béton, matériau clé de la construction. D’autres produits se trouvent quant à eux plus exposés au risque inflationniste en raison des différentes pressions sur le marché mondial des matières premières et de leur nécessaire importation.
Alors que l’indice INSEE des prix de production et d’importation des matériaux de construction établit une évolution de janvier 2021 à fin octobre 2022 à +70% pour l’aluminium, +39% pour le bois scié, +23% pour le métal et +20% pour les plastiques, la hausse des prix de production du BPE, des granulats ou encore de la pierre de construction se maintient quant à elle sous la barre des 8%, l’essentiel de cette hausse étant imputable à la flambée des prix liée aux coûts énergétiques.
2023 : la crise énergétique pourrait ramener les productions de granulats et de BPE vers leurs volumes de 2020
Le choc inflationniste et ses répercussions inévitables sur l’offre et la demande laissent présager un nouveau repli de l’activité des matériaux en 2023.
Le BPE pâtirait de l’abandon partiel des projets constructifs
La production de BPE reste évidemment très dépendante de la conjoncture du bâtiment.
Dans un contexte de repli de la solvabilité des ménages (pouvoir d’achat rogné par l’inflation, hausse des coûts de construction, des prix des logements neufs, remontée des taux d’intérêt) et de durcissement des conditions d’accès au crédit habitat (critère HCSF en vigueur depuis janvier 2022), les opérateurs de l’immobilier résidentiel font face à un net recul des ventes et réservations, freinant de facto leurs projets futurs de mises en chantier. Le logement social pâtit lui aussi de ce climat peu porteur et les bailleurs délaissent le marché locatif. Pour l’heure, le stock de permis (logements et locaux), en partie dopé par l’anticipation de l’entrée en vigueur des nouvelles normes (RE2020, ZAN…) est très élevé.
Mais le passage des autorisations aux mises en chantier se complique : au-delà des délais de démarrage des travaux qui se sont allongés, les conditions financières de la réalisation des permis pourraient bien faire défaut. La révision haussière des devis, face à la flambée des coûts, risque en effet de compromettre les bouclages financiers des projets immobiliers.
C’est pourquoi un repli des mises en chantier des logements et des locaux d’activité est attendu en 2023. Il se solderait par une contraction de la demande de béton prêt à l’emploi de l’ordre de -4%.
La hausse des coûts pèse sur les volumes des carnets TP et sur la demande de granulats
En dépit d’une amélioration récente des carnets de commandes constatés dans le secteur des travaux publics, ces derniers manquent encore d’ampleur notamment s’agissant de la clientèle publique. En effet, à mi-chemin du cycle électoral des municipales, les collectivités auraient dû réamorcer la dynamique de leurs dépenses d’investissement en infrastructures. Mais la prudence et l’attentisme semblent prévaloir. Dans un contexte de hausse de leurs charges de fonctionnement (énergie, salaires), les arbitrages budgétaires des élus se font au détriment des projets d’investissement, et ce, en dépit de trésoreries pourtant saines et solides. Côté clientèle privée, l’épaisseur des carnets est rabotée par l’inflation des coûts : à budget identique, les volumes des travaux sont moindres. Dans ce contexte, la demande de granulats subit elle aussi un coup de frein et la production pourrait se contracter de -4% en 2023.
Les sujets majeurs de la profession à l’horizon de 2023
Dans ce contexte économique fragilisé, la profession des industries de carrières et matériaux de construction entend poursuivre ses engagements selon plusieurs fondamentaux.
La REP : un changement dans la continuité
Si la profession est engagée depuis plusieurs années dans des démarches en faveur du recyclage des matériaux et déchets inertes du bâtiment, elle soutient largement la REP (Responsabilité Élargie du Producteur) - dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2023 - en étant l’un des actionnaires de l’éco-organisme Ecominéro (dont l’objectif est de passer de 76% de matériaux recyclés aujourd’hui à 90% en 2028).
Néanmoins, compte tenu du contexte actuel, l’UNICEM demande un report du démarrage du paiement de l’éco-contribution au 1er juillet 2023 afin de permettre à l’ensemble des professionnels de se mettre en ordre de marche : intégrer les coûts supplémentaires liés à l’inflation dans leurs réponses aux appels d’offres, adapter leurs outils informatique et comptable, former les personnels et sensibiliser les clients, clarifier des standards de tri unifiés et clairs et établir une cartographie précise des points de collecte et des prestataires affiliés. Sans ce délai supplémentaire de 6 mois, la REP ne saurait être opérationnelle pour les utilisateurs.
Décarbonation : poursuite de la feuille de route
Si le granulat est un faible émetteur de CO2, son exploitation peut être optimisée pour réduire encore plus son empreinte carbone. L’UNICEM travaille à une feuille de route décarbonation intégrant, entre autres, la problématique de nouvelles motorisations pour les engins de carrières.
Rénover et/ou déconstruire pour reconstruire les bâtiments ?
La nécessité de la rénovation énergétique des bâtiments ne peut être remise en cause. Mais dans certains cas, la déconstruction en faveur d’une construction neuve se révèle plus sobre sur le plan énergétique. A ce titre, l’UNICEM demande le maintien ou la mise en place de dispositifs de soutien au marché de la construction neuve qui ont fait leurs preuves tant sur le segment du locatif que sur celui de la primo-accession...