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[Tribune] L’heure n’est plus à la théorie ou aux idéologies, mais au business staging  

Par Isabelle Saladin, Présidente fondatrice d’I&S Adviser

A force d’évoluer dans un climat anxiogène et d’avoir la tête dans le guidon, les dirigeants de PME et ETI ne savent souvent plus quoi faire. Pour cela, ce ne sont pas les grands discours qui aident mais le retour aux fondamentaux : continuer à oser, quel que soit le contexte ; se pencher sur ses sources de chiffre d’affaires et de rentabilité ; et travailler son organisation opérationnelle pour valoriser ses atouts.

Fin octobre 2022 étaient publiés des chiffres très moroses sur les perspectives des entreprises françaises. La CPME parlait de « 150 000 entreprises en danger de mort » dans son enquête sur la situation économique et financière des TPE-PME en période de crise énergétique publiée le 31 octobre.

L’OFCE alertait sur un risque de « défaillances en cascade ». Quant au cabinet Altares, il notait un bond de 69% des procédures collectives engagées au troisième trimestre de cette année comparée à la même période de 2021 et leur augmentation mensuelle de +40 à 45% depuis février.

Au même moment, les injonctions lancées aux chefs d’entreprise ne cessent pas. On attend d’eux qu’ils réindustrialisent la France, qu’ils accélèrent leur transformation digitale, qu’ils fassent leur mue énergétique et réinventent leurs produits pour les rendre « écolo-compatibles », qu’ils augmentent les salaires, qu’ils répondent aux attentes de sens et d’équilibre “vie pro / vie perso”, etc. Or rien n’est moins simple...

De la difficulté de répondre aux injonctions

Difficile de réindustrialiser avec des matériaux inexistants et une pénurie de main d’œuvre, a fortiori de main d’œuvre qualifiée. Difficile aussi de passer à une production de produits tout électriques, par exemple dans l’industrie automobile, quand les composants manquent. L’enquête de la CPME citée ci-dessus indiquait que « les difficultés d’approvisionnement en matières premières frappent plus de la moitié des entreprises (56%) ».

Difficile d’accélérer dans le digital sans avoir les fonds requis pour les investissements, la trésorerie étant absorbée par l’inflation des matières premières et des énergies faute de bouclier tarifaire pour beaucoup de PME. A court terme, les investissements observés sont la plupart du temps liés au versement d’aides publiques substantielles, comme ce fut le cas pour la nouvelle usine de STMicroelectronics près de Grenoble.

Difficile enfin d’augmenter les salaires sans augmenter son chiffre d’affaires et sa marge. Trop peu d’entreprises encore ont répercuté la hausse des coûts de production dans leurs tarifs. Toujours la même enquête de la CPME notait que « l’inflation touche 90% des entreprises, entraîne pour 53% une augmentation du prix de revient de plus de 10%. Or un tiers d’entre elles (31%) affirme ne pas être en capacité de reporter cette hausse sur leur prix de vente ».

Et on peut continuer longtemps comme ça...

Dépasser l’intention et revenir aux fondamentaux

Alors que faire ? Quand on a la tête dans le guidon, on oublie très vite les “basiques”. Portant, trois points sont essentiels. Tout d’abord, se prémunir de tout attentisme qui ferait plus de mal que de bien à l’entreprise en l’empêchant d’être prête à rebondir. Ensuite, revenir aux fondamentaux de la gestion et du développement. Enfin miser sur le business staging afin de mettre en valeur le potentiel de l’entreprise et de la préparer pour l’avenir.

Le risque de l’attentisme, nous en avons déjà parlé ici : il est antinomique avec la posture du chef d’entreprise et doit à tout prix être évité. De plus, ne pas prendre de décision peut à moyen terme mettre l’entreprise dans une situation délicate, laissant le champ libre à ses concurrents. Plus que jamais, en situation de crise, le dirigeant de PME doit agir en capitaine de navire – en fixant le cap, en expliquant la feuille de route et en accompagnant son équipage tout au long de la traversée tout en sachant s’appuyer sur les compétences des uns et des autres. Une tache certes difficile mais qu’il pourra assumer s’il ne reste pas seul et ose se faire épauler.

Du côté des fondamentaux de gestion, le chef d’entreprise doit se reposer la question de ce qui motive l’achat de son offre et en fait un “must to have”. N’oublions jamais que la vocation première d’une entreprise est de générer suffisamment de chiffre d’affaires pour pouvoir rémunérer ses collaborateurs, payer ses charges sociales et ses impôts et de dégager de la marge afin d’investir pour l’avenir. Dans le contexte actuel, le dirigeant va devoir étudier attentivement son business model et ses différentes sources de revenus afin d’acter d’aménagements pour tenir compte des évolutions des marchés et des clients. Autre point : passer les hausses induites par l’inflation, car une entreprise ne peut pas tenir sur la durée si elle vend à perte.

Dernier levier : faire du business staging, autrement dit travailler la structuration opérationnelle de l’entreprise. Cela consiste à mettre en valeur son potentiel de développement, puis à lui donner la capacité opérationnelle de mettre en œuvre le plan stratégique que le dirigeant aura défini pour révéler ce potentiel – i.e. le traduire en chiffre d’affaires. Pour se faire, tout va être passé en revue : organisation, processus internes, compétences disponibles, etc. Des questions « qui fâchent » doivent aussi être abordées. Il s’agit de prendre de la hauteur par rapport à une vision purement comptable (bilan, résultat d’exploitation, marge, valorisation, etc.) et d’évaluer le plus justement possible la valeur de la PME. Ne pas le faire pourrait se traduire à terme par un risque de sous-valorisation.

L’intention ne suffit plus. En 2023, il faudra générer des résultats et pouvoir mesurer l’impact des actions engagées, tout en embarquant les équipes dans ce retour aux fondamentaux et cette nouvelle aventure. Quelques indicateurs laissent néanmoins à penser que les chefs d’entreprise sauront saisir le moment : en cette fin 2022, les dirigeants de PME français sont 31% à chercher des solutions de financement pour des projets contre 24% qui sollicitent leur banque pour des besoins de trésorerie. Encourageons-les et aidons les autres à embarquer à leur tour dans le mouvement.

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