Le point de vue de Hervé Yahi, operating partner chez I&S Adviser
Après une année record pour les levées de fonds en 2021, les start-ups françaises ont continué sur leur lancée avec plus de 1,7 milliard d’euros levés depuis le début de l’année 2022. Pour autant, ce mode de financement ne se prête pas à toutes les situations. Et parfois le choix entre levée et adossement se pose, choix qui doit être fait selon plusieurs paramètres...
Pour soutenir leur développement, il est commun que les start-ups lèvent des fonds. Derrière cette opération, il y a avant tout le besoin de financer un projet de développement identifié, inscrit dans le business plan en lien avec les roadmaps produit / marketing / ventes / RH / etc., et qui va permettre d’accélérer la croissance. Cependant, dans certains cas, les fonds levés peuvent s’avérer insuffisants. Se pose alors la question de soit procéder à une nouvelle levée de fonds, soit de s’adosser à une autre entreprise.
Plusieurs points sont à surveiller afin de choisir l’option qui convient le mieux à la situation de la start-up
- La levée de fonds : oui si c’est pour financer un projet inscrit dans le business plan
Dans le cas où la start-up est sur sa lancée et où les fonds viennent financer une nouvelle tranche des projets pour compléter et accélérer encore la mise en œuvre du business plan, une 2ème ou 3ème levée de fonds est intéressante à mener. C’est ce qui a animé les levées faites par les licornes devenues startup comme EcoVadis, Spendesk, Lydia, ContentSquare, Qonto, Ankorscore ou encore Exotec. Elle peut tout aussi bien se discuter avec de nouveaux investisseurs ou avec les actionnaires déjà entrés lors des précédents tours de table comme l’a fait Shippeo fin octobre. Le dirigeant doit, dans ce deuxième cas de figure, rester vigilant afin de ne pas se voir trop dilué à la suite de l’opération.
Si en revanche, le besoin de capitaux vient de difficultés structurelles ou conjoncturelles, la levée de fonds n’est pas la bonne orientation. Un investisseur ou un actionnaire, en particulier lors de 2ème ou 3ème tours, va encore plus attendre un retour sur investissement notable. Et ses exigences seront encore plus élevées si les promesses précédentes n’ont pas été tenues. Une pression supplémentaire va donc peser sur l’équipe pour non seulement redresser la barre mais aussi satisfaire les actionnaires. Or cette équipe peut aussi être usée par les difficultés déjà vécues et les problèmes non résolus...
- L’adossement : pour donner un second élan à la start-up
Dans ce cas, que faire ? La première option souvent étudiée est d’adosser la start-up à une autre entreprise. Pour évaluer sa pertinence, il est indispensable d’apprécier la valeur de ladite start-up. Elle se mesure sur la base de ses actifs stratégiques, matériels et immatériels (ex. la propriété intellectuelle). Ces actifs, même non encore valorisés, se reconnaissent car ils sont à la fois des sources potentielles de revenus et des leviers pour relancer ou accélérer la croissance. C’est par exemple ce qui a conduit Warmango à s’adosser au groupe belge Van Marke en avril 2022, ou encore Liberkeys qui l’a fait auprès de Crédit Mutuel Arkea en juin 2022.
Si la valeur de la start-up justifie un adossement, il est important pour le startupper de se préparer à plus d’un titre. D’abord, d’un point de vue « méthode » pour présenter un dossier solide attestant une situation sous contrôle et se préparer à la négociation dont les termes vis-à-vis de la start-up peuvent être très critiques. Ensuite, d’un point de vue business car l’adossement peut faire émerger de nouveaux projets que le startupper n’avait pas identifiés et qu’il est important de valoriser auprès de l’entreprise. Enfin d’un point de vue personnel car s’adosser est souvent vécu par le fondateur comme un échec et une mise en évidence de ses failles en tant que chef d’entreprise.
- Et si ni l’un ni l’autre ne correspondent à la situation de la start-up
Si inversement si la valeur des actifs stratégiques – donc de la start-up - est faible, un adossement ne sera pas intéressant. Il sera difficile d’obtenir un juste prix lors de la cession. Dans ce cas, il est plus opportun de revoir la structuration opérationnelle de la start-up pour qu’elle soit en mesure de délivrer une partie de la promesse, tout en renflouant sa trésorerie et en renforçant ses fonds propres. Parmi les pistes possibles : travailler sur une proposition de valeur indiscutable, un plan à 3 ans précis et opérationnel, des développements de sources de revenus additionnelles, un plan de sécurisation des “key people”, etc.
Le choix entre levée de fonds et adossement n’est donc pas si simple à faire. Il y a un vrai diagnostic à mener au préalable sur l’activité, l’exécution du business plan et le potentiel de croissance de la start-up. Du fait de la complexité de l’opération, du contexte actuel d’incertitudes et de la dose d’émotion qui survient quand un projet d’entreprise ne se déroule pas comme prévu, il est important de s’appuyer sur des professionnels qui ont déjà géré ce type d’opérations en tant que patrons de start-up et sauront copiloter la start-up avec son fondateur pour assurer et sécuriser leurs challenges de croissance.