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Les Banques centrales ne sont plus indépendantes face aux politiques…

… les investisseurs devraient en tenir compte.

Etude réalisée par Kommer van Trigtresponsable de l’Equipe Crédits de chez Robeco.
Les Banques centrales opèrent indépendamment des pouvoirs politiques. Voilà pour la théorie. Il devrait exister une séparation stricte entre les Banques et les Etats qui empêcherait les politiciens d’user de la planche à billets pour s’attirer la faveur des électeurs. Mais en pratique, ce n’est pas le cas. La crise financière a montré que l’indépendance des autorités monétaires est une imposture. De même que le niveau de la Tamise est fonction des marées de la mer du nord, les mesures prises par les Banques centrales en cas de crise ne peuvent plus être séparées des pouvoirs politiques. 

Francfort propose un coup de main. Prenons le cas de Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne. Il examine régulièrement la politique monétaire avec les dirigeants du continent. L’engagement de la BCE à acheter des montants illimités d’obligations gouvernementales dans les cas extrêmes a très probablement été pris à la suite de discussions avec la chancelière allemande, Angela Merkel, même si cela n’a jamais été confirmé officiellement.

“La crise financière a montré que l’indépendance des autorités monétaires est une imposture.”

Et avant l'introduction des transactions monétaires (OMT), la Banque centrale de Francfort avait plus d'une fois offert ses services aux politiciens. Les gouvernements italiens, espagnols et portugais, par exemple, ont payé moins d'intérêts sur leurs dettes pendant un certain temps grâce à l'intervention de la BCE sur les marchés obligataires. En conséquence, la BCE est maintenant aux prises avec une dette énorme. En fait, elle ne détient pas moins de 5% de dette italienne exceptionnelle. 

Partout, les Banques centrales sont sujettes aux pressions politiques. La zone euro n'est pas une exception. La Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre offrent également une main secourable aux politiques au pouvoir. La Fed achète chaque mois 45 milliards de dollars de bons du Trésor et possède maintenant environ 15% de la dette américaine. La Banque d'Angleterre compte dans ses livres 30% de la dette publique du Royaume-Uni. 
Au Japon, le premier ministre récemment élu, Shinzo Abe, a démontré son pouvoir en nommant Haruhiko Kuroda au poste de nouveau président de la Banque du Japon. Haruhiko Kuroda est favorable à une politique monétaire plus souple que son prédécesseur, avec un objectif de hausse de l'inflation de 2% au lieu de 1%. 
Mais même Shinzo Abe ne va pas aussi loin que son homologue hongrois Viktor Orban. Pour la Hongrie, ce populiste a trouvé un président de Banque centrale prêt à relâcher davantage les rênes pour stimuler la croissance avant les élections de 2014. 

La gueule de bois suivra… Est-il vraiment si mauvais que les Banques centrales soient soumises à la grande influence des politiciens? À court terme, il n'y a aucune raison de tirer la sonnette d'alarme. Au contraire, les mesures non conventionnelles mises en place par les autorités monétaires ont calmé la panique sur les marchés financiers, au moins pour le moment. 
Mais la fête est rapidement suivie d’une gueule de bois... À l'heure actuelle, les intérêts des banquiers centraux et des politiciens sont plus ou moins en ligne. Ils veulent éviter que la crise ne s'aggrave. Mais leurs objectifs sont susceptibles de se décaler fortement lorsque les Banques centrales voudront arrêter l’achat de dettes. Ce conflit d'intérêt pourrait prendre à défaut les Banques centrales qui, ne pouvant pas agir à temps, contribueront à la hausse de l'inflation. 

Les gouvernements en profitent maintenant. Les politiciens sont de plus en plus accros aux faibles taux d'intérêt car cela signifie qu'ils paient leur dette moins chère. En outre,  ils bénéficient de certains effets secondaires positifs suite aux opérations d'achat d'obligations par les Banques centrales : ils jouissent des intérêts reçus sur les obligations achetées. Après tout, c'est de l'argent gratuit pour eux. Selon Morgan Stanley, ces profits se monteraient à environ 140 milliards de dollars par an. C'est un beau cadeau en période de difficultés financières. 

“Les politiciens sont de plus en plus accros aux faibles taux d'intérêt.” 

Aux Pays-Bas, le ministre des Finances, Jeroen Dijsselbloem, a mis au point une astuce pour détourner une part des profits de la Banque centrale hollandaise vers les caisses de l'Etat. Ces milliards d’euros signifient moins de mesures d'austérité douloureuses. 

Les politiciens ne veulent pas de taux d'intérêt plus élevés. Comme c’est le cas avec tout effet secondaire, celui-ci s'arrête une fois que le médicament n’est plus pris. Quand une Banque centrale remontera ses taux d'intérêt, les bénéfices de ses activités d'intervention se tariront. Si une Banque centrale vend ses obligations prématurément, elle subira une perte lorsque les taux seront en hausse. Et ce sera un point négatif pour les politiciens qui ont pris l'habitude de cette source de revenu supplémentaire. 
Ces derniers ont donc tendance à décourager leurs Banques centrales de prévoir une hausse des taux qui serait un manque à gagner direct pour leurs propres budgets. Au Royaume-Uni, la question de savoir si la Banque d’Angleterre ne devrait pas simplement supprimer les « Gilts » de son bilan a déjà été soulevée.
Les gouvernements ont été très heureux des aides qu'ils ont reçues. Mais vont-ils vraiment accepter la facture quand elle arrivera? Il est dans leur intérêt de ne pas laisser les taux d'intérêt augmenter trop rapidement. 

Les politiciens profitent de l'inflation. Il y existe une deuxième raison d’être préoccupé face aux liens étroits entre les politiciens et les Banques centrales : les politiciens ont également un intérêt opportuniste à ce qu'il y ait une certaine inflation. Nous sommes dans une période d'accumulation massive de dettes. Ces dernières années, les États ont augmenté la dette publique à un rythme rapide. Avec une perspective de croissance modérée, il y a seulement trois façons de se débarrasser de cette dette : opérer des coupes sombres, l’annuler ou jouer l’inflation.
Étant donné que l'austérité liée aux coupes sombres est très impopulaire auprès des électeurs et que l’annulation saperait la confiance dans le système, l'inflation est à peu près le seul choix viable. Pour un gouvernement, la dette publique plus que le produit intérieur brut est plus facile à contrôler lorsque la dépréciation monétaire est de 5% par an, au lieu de 2%. 

Se préparer à l’inflation. Les investisseurs et les citoyens doivent être conscients des intérêts des politiciens. Ils ont également besoin de comprendre que les hommes politiques ont une plus grande influence sur les Banques centrales. Ces liens plus étroits pourraient signifier que les Banques centrales sont frustrées dans leur désir d'augmenter les taux d'intérêt ou d'arrêter l'assouplissement quantitatif,  entraînant alors de l'inflation. Il est judicieux de se préparer à cela. Après tout, si vous vous attendez à des inondations provenant de la mer du Nord, vous pouvez prendre des mesures préventives en rehaussant le barrage de la Tamise.

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