Infobésité, fausses nouvelles, approximations… L’information s’apparente à un dédale au sein duquel les organisations doivent nécessairement se repérer afin d’assurer leur pilotage opérationnel. Un véritable défi pour leurs veilleurs, qui s’appuient de plus en plus sur l’expertise interne d’« hommes métiers ».
Par Arnaud Marquant, Directeur des opérations de KB Crawl SAS
Les fake news en roue libre : depuis deux ans, les « fausses informations » ont envahi encore un peu plus nos espaces économiques, sociaux, politiques et bien sûr médiatiques. Elles ont, nous l’avons constaté, joué à plein pendant la pandémie de COVID. Elles ont également perturbé certains pays, de l’Angleterre du Brexit à la charge contre le Capitole aux Etats-Unis. Elles ont également touché de nombreuses entreprises, que ce soit en termes de réputation ou de pilotage stratégique.
Séparer le grain de l’ivraie
Selon une étude Viavoice parue en 2021, une majeure partie des collaborateurs d’entreprises reconnaissent véhiculer incidemment des fake news. 20% des personnes interrogées (et 32% des 18-24 ans) avouent faire confiance à des informations parues sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Pour près de 9 personnes interrogées sur 10, les rumeurs ainsi que les fausses informations ont un impact sur l’entreprise.
Mais les fake news, au sens réputationnel du terme, ne sont pas les seules à venir perturber l’espace professionnel occupé par les organisations publiques et privées. Des informations grossières, datées, mal collectées sont également à la base de décisions stratégiques approximatives. Dans de nombreux cas, les sources sur lesquelles s’appuient les collaborateurs, mais aussi les veilleurs, sont à réinterroger régulièrement. Il convient ici de savoir jauger de la pertinence de l’émetteur d’une information. Qui est-il ? Quels liens entretient-il avec le sujet traité ? Quels intérêts potentiels a-t-il à soutenir une théorie plutôt qu’une autre ? Il convient également d’accorder une attention spécifique aux petits indices : date de l’article rédigé, style et qualité de la nouvelle… Il faut encore croiser les informations, effectuer en cas de doute des recherches sur des sources additionnelles, écarter les sites à caractère commercial, accorder du crédit aux sites institutionnels, mobiliser son raisonnement pratique… L’objectif ultime étant de définir et de parvenir à isoler ce que l’on appelle la « bonne information », celle qui ne peut être remise en cause dans ses fondements.
Des « hommes métiers » responsabilisés en interne
Précisément, comment parvenir à ce graal que représente la « bonne information » ? Certes, l’action du veilleur telle que décrite ci-dessus se révèle importante afin de demeurer sur le chemin le plus droit possible. Mais il faut aussi conserver à l’esprit que la structuration de la démarche de veille joue un rôle majeur. Pour cela, il convient de s’appuyer en permanence sur les « hommes métier ». Car c’est bel et bien le métier qui va permettre de conduire à la bonne information. C’est le métier qui conduira à se poser les bonnes questions, à traiter les bons enjeux. C’est encore le métier qui mènera aux éléments de langage, l’objectif ultime consistant à limiter au maximum tout « bruit », c’est-à-dire toute information inutile et superflue. En restant ainsi au cœur du métier, l’on demeure sur un chemin de crête et l’on évite l’écueil de la recherche dans le vide, énormément chronophage et synonyme de perte de temps.
Actuellement, de plus en plus d’organisations structurent leur démarche de veille à partir de ces « hommes métier », ceux qui se trouvent au plus près du terrain. Dans certains cas, tout particulièrement au sein des grands groupes nationaux des secteurs de la banque et de l’énergie, les cellules de veille passent des contrats internes avec des professionnels. Objectif : que ces derniers assurent une mission de surveillance (d’un produit par exemple) ou encore de benchmark. Ces correspondants réalisent des remontées d’informations régulières d’autant plus pertinentes qu’elles émanent précisément de spécialistes internes.
Confrontées à l’infobésité ainsi qu’aux fausses nouvelles, les organisations privées et publiques vont de plus en plus au-delà d’une méthode d’analyse de la fake news. Certaines décentralisent leur approche en responsabilisant les différentes parties prenantes de l’entreprise. Dès lors, c’est toute l’organisation qui participe de la veille, et qui se porte garante de la « bonne information », seule à même d’assurer un pilotage stratégique efficace.