Peter van der Welle, stratégiste chez Robeco, dévoile le nom des pays qui en profiteront.
La production de gaz de schiste augmente rapidement, tout particulièrement aux Etats-Unis. Selon l’Administration de l’information sur les énergies, une agence gouvernementale américaine, en 2000 le gaz de schiste représentait 1% du total de la production de gaz naturel du pays.
En 2010 elle a dépassé les 20% et d’ici 2035 cette source représentera 46% de l’offre en gaz naturel aux USA. Sur les dix prochaines années, le gaz de schiste deviendra un phénomène principalement américain. Le Canada pourrait être une exception. Même s’il existe des réserves significatives à travers le monde, les autres pays font face à de fortes restrictions sur le plan environnemental et n’ont pas l’infrastructure pipelinière nécessaire pour accroître rapidement leur production. Le reste du monde ne contribuera pas significativement à la production de gaz de schiste avant la prochaine décennie.
Comment les Etats-Unis vont-ils bénéficier de ce phénomène ?
D’une part l’industrie et le secteur des services publics du pays profiteront des prix plus faibles de cette ressource. D’autre part, selon l’agence internationale de l’énergie, la hausse de la production de gaz de schiste jouera un rôle majeur pour que les Etats-Unis acquièrent leur indépendance énergétique d’ici 2035.
D’ici là, les USA continueront d’importer du pétrole mais n’auront plus besoin d’importer du gaz naturel. Le pays deviendra également un grand exportateur de charbon. Ses importations se montent aujourd’hui à environ 20% des besoins en énergies. Les sociétés américaines de services publics remplaceront le charbon par le gaz naturel, moins cher. Le surplus de charbon qui ne sera pas utilisé pour la consommation domestique sera relativement facile à exporter
En raison des coûts de production, de transport et de regazéification du GNL (Gaz Naturel Liquéfié), nous pensons que l’Amérique du Nord continuera d’être la région où les prix du gaz naturel resteront les plus bas. Jusqu’à 2030, les Etats-Unis seront l’acteur mondial dominant dans ce domaine et ses industries à forte intensité énergétique bénéficieront de ces faibles coûts.
Nous prévoyons que le Mexique entre en forte compétition industrielle avec la Chine et qu’il soit l’un des gagnants du boom du gaz de schiste. Cet Etat étend ses réseaux électriques et ses capacités de production. Une grande partie de l’énergie générée sera alimentée au gaz naturel. Le Mexique exporte du pétrole, mais est un importateur de gaz naturel. Les importations de gaz naturel en provenance des Etats-Unis se sont réduites en vertu de l'Accord nord-américain de libre-échange (ALENA).
Les avantages du boom du gaz de schiste américain au Mexique viendront sous la forme de gaz naturel à bas prix. Le pays n'aura plus besoin d'importer du GNL coûteux. Davantage de pipelines sont en cours de construction au Mexique afin de gérer les flux attendus de la demande et de l'offre. Par exemple, l’opérateur Kinder Morgan construit un pipeline de gaz naturel de 100 km, allant de l'Arizona au Mexique, avec une capacité de 6 millions de mètres cubes par jour.
La baisse des prix de l'énergie, combinée à de bas salaires et aux temps de transport réduits, aidera donc le Mexique à devenir un concurrent important de la Chine dans le secteur manufacturier
Le Japon et la Corée du Sud en bénéficieront en tant que consommateurs de GNL.
La dépendance du Japon au GNL a augmenté après la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, qui a conduit le pays à suspendre la plupart de ses centrales nucléaires et à passer au gaz naturel pour la production d'électricité. Les volumes comme les prix plus élevés du GNL importé, liés à la forte demande, ont contribué à faire augmenter le déficit commercial du Japon. Les importations de GNL par le Japon représentent environ 60 Mds$ par an, tandis que les importations annuelles de la Corée du Sud représentent près de 30 Mds$.
Un avantage immédiat de la montée du gaz de schiste américain est que les importations de GNL en Amérique du Nord sont déjà proches de zéro. Cela signifie que le Japon et la Corée du Sud n'ont plus besoin de rivaliser avec les Etats-Unis ou le Mexique pour acheter du GNL.
La prochaine étape sera que le GNL soit exporté à une plus grande échelle d’Amérique du Nord vers le Japon et la Corée du Sud. Il existe déjà des plans pour des terminaux d'exportation dans l'Oregon (États-Unis) et en Colombie-Britannique (Canada). Compte tenu de l'essor attendu des exportations du GNL nord-américain, les consommateurs japonais et coréen veulent renégocier leurs contrats d'approvisionnement existants pour en améliorer les termes.
En outre, la position de négociation du Japon et de la Corée va s'améliorer dans les années à venir quand de nouveaux projets de GNL en provenance d’Afrique (Algérie et Angola) et d’Australie entreront en production.
Selon nous, les entreprises japonaises ont investi dans des projets de gaz de schiste nord-américain afin de garantir l'approvisionnement futur et cette tendance se poursuivra. Les banques japonaises favorisent ces investissements. En 2012, deux sociétés japonaises ont d’ailleurs pris une participation de 40% dans les actifs de gaz de schiste de la compagnie canadienne Nexen, pour 800 M$.