Par Maxime Defasy, Directeur des investissements d’Althos
En cette période d’incertitude sur les marchés financiers, la stratégie dite « de bon père de famille » a du plomb dans l’aile. Ce portefeuille équilibré, alliant une exposition sur les actions et les obligations, est amenée à évoluer en intégrant une part de non-coté.
Le modèle du portefeuille dit ‘’bon père de famille’’ qui optimise le couple rendement/risque avec une poche composée d’environ 60% d’actions et une autre de 40% d’obligations, semble aujourd’hui dépassé. En cause : la faiblesse des taux ces dernières années et surtout une corrélation de plus en plus marquée entre actions et obligations se traduisant par une forte volatilité.
En effet, si dans les décennies précédentes, la poche obligataire venait compenser un marché actions moribond, nous observons au premier semestre 2022 une baisse moyenne de plus de 12% sur des obligations cotées, qui ne compense donc pas la baisse présente également sur l’indice de référence actions. En plus de ce constat, nous avons le retour d’une inflation élevée qui ne permet plus aux obligations de générer une performance suffisante.
La perte d’intérêt de la stratégie du bon père de famille
Une étude de Callan Associates illustre la perte d’intérêt de cette stratégie d’allocation. Conduite sur plusieurs années, l’étude cherche à montrer l’évolution d’un portefeuille pour obtenir un rendement annuel de 7%.
Ainsi en 1991, cet objectif de rendement était atteignable avec un portefeuille composé à 97% d’actifs non risqués. Au milieu des années 2000, l’investisseur devait accepter une volatilité plus importante avec un portefeuille constitué d’actions à hauteur de 37% pour espérer obtenir une performance similaire. En 2021, les taux très bas et le retour de l’inflation amènent à composer un portefeuille constitué à 97% d’actifs risqués. Soit, l’exact inverse du portefeuille de 1991 avec une volatilité bien plus élevée.
Second paradoxe mis en avant par l’étude : la corrélation de plus en plus forte entre les actions et les obligations qui fait voler en éclats le bouclier obligataire.
Une stratégie alternative avec une poche exposée au non-coté
Dans ce contexte, quelles solutions alternatives s’offrent aux épargnants pour conserver un couple rendement/risque optimal ? La solution semble se trouver dans le non-coté. Une stratégie déjà plébiscitée par les institutionnels qui y accordent plus de 20 % de leurs portefeuilles. Immobilier, dette privée et capital-investissement affichent alors de solides rendements sans accroitre la volatilité du portefeuille.
Une vaste étude menée par Hamilton Lane, Cobalt LP et Morningstar, démontre l’intérêt de s’exposer au Private Equity. Les données de l’étude soulignent une amélioration significative du ratio de sharpe (un indicateur qui calcule le couple rendement/risque). Ainsi, un portefeuille composé de 60% d’actions et de 40% d’obligations affiche un ratio de sharpe de 1,31 quand un portefeuille composé de 42% d’actions, 28% d’obligations et de 30% de non coté (essentiellement du Private Equity et de la dette privée) affiche un ratio de sharpe de 1,67. Un résultat surprenant compte tenu de l’image risquée du Private Equity. Pourtant les faits sont éloquents : le non coté, et en particulier le capital-investissement, affiche des performances très supérieures aux autres classes d’actifs sur les deux dernières décennies.
Un accès facilité au non-coté pour les investisseurs privés
Les fonds non-cotés ont longtemps été réservés aux institutionnels et aux investisseurs professionnels avec des tickets d’entrée de plusieurs millions d’euros. Ils sont désormais accessibles à de nombreux épargnants individuels.
Une aubaine pour revoir la manière dont son capital est investi, et potentiellement procéder à des arbitrages au sein de contrat d’assurance-vie. Les investisseurs particuliers peuvent bénéficier de l’émergence des fonds perpétuels, ou evergreen. Ces véhicules de capital-investissement ouverts et sans date de clôture ont l’avantage de proposer des tickets d’entrée plus accessibles, avec des frais moins importants que ceux pratiqués pour les fonds traditionnels. L’investisseur a par ailleurs la possibilité d’effectuer des rachats trimestriels : il bénéficie donc d’une meilleure liquidité.
L’importance de l’horizon d’investissement
Toutefois, les atouts des fonds evergreen ne doivent pas faire oublier aux investisseurs que ces véhicules non-cotés sont moins liquides que les actions ou les obligations. De même, pour bénéficier de tout le potentiel de performance du non-coté, il est préférable d’avoir un horizon d’investissement à moyen-long terme d’au moins 5 ans.
Autre constat, l’investisseur particulier doit se faire accompagner d’un professionnel pour investir sur les marchés non-cotés. En effet, contrairement aux marchés cotés, les marchés privés sont plus difficiles à appréhender en l’absence d’une information facilement accessible sur les entreprises et les fonds. Les écarts de rendement entre les différents fonds nécessitent aussi l’aide d’un professionnel pour accompagner l’investisseur dans ces choix d’investissement dans les véhicules non-cotés.
Enfin, le professionnel définira le profil de risque de l’épargnant pour l’accompagner dans la construction d’un portefeuille en cohérence avec ses attentes et avec une exposition adéquate dans le non-coté et sur les autres classes d’actifs. La poche de non-coté peut monter jusqu’à 60% pour les profils les plus dynamiques. Plus modestement, une poche entre 10 et 20% permet déjà d’améliorer le couple rendement/risque. Cette stratégie alternative, qui offre une large diversification dans les classes d’actifs, permet de générer une meilleure performance tout en limitant la prise de risque.