Par Abdelkarim Hamidouche, spécialiste produits structurés chez Mirabaud
Petit voyage dans le temps. Pas de ceux que l’on fait en Dolorean, non, un brin de mémoire suffira. Il y a un an les sociétés de croissance surfaient sur la vague de l’appétit pour le risque. Même si chacun pouvait voir les nuages à l’horizon, rien n’entamait l’enthousiasme des investisseurs sortis de la crise du Covid. La volatilité à des niveaux bas (environ 17% en août 2021), les investisseurs cherchant des coupons élevés se tournaient vers des titres de croissance aux volatilités plus fortes que peu imaginaient alors voir corriger de façon sévère.
Puis vint l’an 2022… et les nuages entrevus en 2021 étaient soudainement au-dessus de nos têtes incrédules : l’inflation croissait, la banque centrale américaine s’agitait, et la fin des politiques monétaires ultra-accommodantes étaient programmées. En février, la guerre éclatait en Europe et l’inflation était entretenue par les combats opposant deux des plus importants producteurs de matières premières au monde. Ce mélange d’incertitude, néfaste pour les marchés, et de hausse des prix était un cocktail ravageur pour le Nasdaq, l’indice américain des valeurs technologiques, qui perdait jusqu’à 30% en juin. Certaines valeurs de l’indice perdaient jusqu’à 80% depuis leur plus haut, cette baisse touchant même des titres phares tels Paypal ou Meta Platforms (ex. Facebook).
Et nous voici aujourd’hui dans la situation tant redoutée par les investisseurs en produits structurés : à la maturité des produits, ils doivent prendre livraison d’une action ayant fortement plongé. Pourtant ils avaient initialement choisi des valeurs perçues comme des mastodontes immunisés contre une telle chute. Qui imaginait que Meta Platforms, autrefois plus forte capitalisation mondiale, puisse perdre 60% en quelques mois ? L’heure des comptes approche et il faut maintenant agir : que faire de ces produits.
Il existe trois possibilités pour gérer ces situations : premièrement restructurer en revendant le produit problématique et en rachetant un nouveau visant à minimiser voire à récupérer la perte. Plus la chute du prix du produit est forte, moins la restructuration sera envisageable. Deuxièmement, on peut simplement attendre l’échéance du produit en espérant un rebond et conserver le titre reçu car après tout, l’investisseur était confiant dans ce titre au lancement du produit. Troisièmement, on peut vendre le produit et prendre sa perte.
Il y a plusieurs leçons à retenir de ces évènements. Il est primordial de bien choisir ses sous-jacents car le risque de les recevoir est inhérent à ces produits. Ensuite, il faut être vigilant aux thématiques à la mode qui sont parfois composées de titres aux valorisations excessives et qui sont les plus susceptibles de corriger fortement en cas de turbulences (elles sont aussi celles ayant les plus fortes volatilités et donc offrant les meilleurs coupons). Enfin il ne faut jamais oublier le profil risque/rendement de ces produits : ils offrent un rendement capé… mais le risque de perte est illimité. Ils ne doivent jamais être pris pour des obligations : plus leur rendement est élevé, plus leur risque est important.