V€rt clair : un commentaire de Catherine Reichlin, responsable de la recherche financière chez Mirabaud
« La Banque Centrale Européenne (BCE) se met au vert. Et le propos ici n’est pas de parler des vacances estivales mais bien de la manière dont elle va commencer à intégrer la lutte contre le changement climatique dans ses opérations.
Les premières mesures concrètes de déploiement de la stratégie d’engagement communiquée en juillet 2021 viennent d’être annoncées. Les plus immédiates seront mises en application dès octobre 2022 : 10% des tombées mensuelles du CSPP, soit €30 milliards par année, seront utilisées pour acheter de la dette d’émetteurs qui répondent à certains critères. Parmi ceux-ci l’on retrouve en premier lieu l’empreinte carbone actuelle mais également les objectifs de réduction ainsi que la transparence offerte sur les données climatiques. Les autres mesures adoptées concernent les opérations de collatéral et le cadre réglementaire est en passe d’être revu : dès fin 2024, la BCE limitera l’éligibilité d’actifs intensifs en carbone et fixera des décotes afin de refléter le risque climatique. Finalement, dernière mesure annoncée, les agences de notation vont être davantage sollicitées afin qu’elles soient plus transparentes sur la manière dont elles incluent les risques climatiques dans leur analyse.
Ces différentes mesures pourraient mettre en difficulté certains secteurs comme le pétrole ou les matières premières. La perte d’un acheteur de taille aurait en effet un impact non négligeable sur leurs coûts de (re)financement. Dans un contexte de remontée des rendements et d’aversion au risque, un écartement additionnel de leurs primes de risque serait dommageable. Mais tout n’est pas perdu. La BCE laisse une chance à tous les émetteurs car ses critères tiennent également compte de l’avenir à travers les ambitions, les objectifs et l’avancement des entreprises dans la réduction de leur empreinte. Une approche tournée vers le futur qui offre aux sociétés à forte empreinte carbone une motivation supplémentaire de devenir plus vertes.
La BCE a donc choisi de favoriser l’inclusion et de n’exclure aucun secteur. Ainsi chaque émetteur a sa chance. En revanche, passer uniquement par des formats comme les obligations vertes ne les aidera pas. Il ne s’agit plus uniquement de financer des projets verts mais bien de « verdir » les opérations dans leur ensemble. La « prime verte » (greenium), qui distingue les obligations d’un même émetteur en fonction de l’utilisation des fonds levés, va bien sûr perdurer. A celle-ci pourrait s’ajouter une « prime verte additionnelle » qui devrait apparaître avec le temps et s’étendre à l’ensemble de la dette d’un émetteur. Et en ces temps de hausse des coûts de financement, l’incitation est plus qu’intéressante.
Elle nous rappelle surtout qu’au-delà des questions de morale, de bien et de mal, il s’agit avant tout d’une question de gestion des risques. Un facteur que les investisseurs vont devoir intégrer toujours davantage dans leur analyse qui ne peut pas, ou plus, se cantonner à des formats ou à des secteurs. »