Par le professeur Raphaël Pitti, médecin humanitaire et responsable formation à l'Union des organisations de secours et soins médicaux France
Le 10 juillet 2022, se joue la survie de millions de syrien.nes dans le nord-ouest du pays. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit voter une résolution pour la prolongation du dernier couloir humanitaire à la frontière turco-syrienne menacée par un veto de la Russie. Le témoignage de Umm Oussama est bouleversant. Il nous rappelle l'enjeu vital de l'aide humanitaire apportée par les ONGs en Syrie, comme l'UOSSM France. Avec les populations et les ONG syriennes suspendues à cette décision, nous lançons cet appel à sauver le dernier couloir humanitaire en Syrie.
Mercredi 6 juillet, l'UOSSM France s'est mobilisée en Syrie aux côtés des ONGs de la région, à l'initiative du directorat de santé d'Idleb. Les soignants de notre hôpital Al-Rahma ont protesté symboliquement pour demander le renouvellement de l'aide humanitaire transfontalière. Toutes les photos de la mobilisation
Ce vendredi 8 juillet, avec mon collègue le Dr Ziad Alissa, nous lançons un appel dans le journal Libération pour sauver le dernier couloir humanitaire en Syrie.
“Je suis Umm Oussama, je viens de la campagne de l’est d’Alep. Cela fait 9 ans que nous sommes déplacés. Mes enfants, qui sont censés aller à l’école, doivent fouiller les poubelles pour que nous puissions manger. Nous entendons parler de la fermeture du couloir humanitaire de Bab Al-Hawa. Si cela est vrai, nos vies sont finies. Nous ne trouvons pas d’argent pour acheter du pain, que dire des médicaments. Si le couloir humanitaire de Bab Al-Hawa ferme, c’est la catastrophe ici.” Umm Oussama, déplacés du nord-ouest de la Syrie
"Bab Al-Hawa qui signifie littéralement la “porte de l’air” ne saurait porter aussi bien son nom. L’air de la liberté, l’air de la paix, cette porte est aujourd’hui le dernier couloir humanitaire ouvert qui permet l’acheminement de l’aide internationale par les agences de l’ONU, essentielle pour la survie de millions de syriens du nord-ouest du pays. Par ce point de passage, sont acheminés de la nourriture, des médicaments, des vaccins, des produits de première nécessité. Cette porte de l’air est le poumon de la région d’Idleb dans le nord-ouest de la Syrie.
Elle est le souffle, l’oxygène qui permet la survie de 4.1 millions de personnes. Plus de 60% de la population du nord-ouest de la Syrie sont des déplacés internes, dont 1,7 million résident dans des camps. C'est l'une des régions les plus démunies du pays, avec plus de 90 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a estimé que près de 4,1 millions de personnes avaient besoin d'une aide humanitaire en janvier 2022, contre 3,4 millions l'année précédente, dont une majorité d’enfants et de femmes. (...)
Le monde a détourné le regard de la Syrie. Ne pas renouveler ce couloir humanitaire est un renoncement dramatique de la communauté internationale, un aveu de faiblesse, signe de mort du droit international et de mort des populations syriennes abandonnées à leur sort." Extrait de la tribune parue dans le journal Libération le 7 juillet 2022. Retrouvez l'intégralité de la tribune.
Notre plaidoyer #SaveLifeLine
11 ans de désastre humanitaire 11 ans de guerre ont eu un impact dévastateur sur le pays. Les chiffres de la guerre dépassent des records dans le désastre humanitaire, plus de la moitié de la population est déplacée que ce soit à l’intérieur du pays ou en tant que réfugiée à l’extérieur. En 2022, 14,6 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire soit près de 10% de plus qu'en 2021.
Depuis 11 ans, les chiffres officiels dénombrent au moins 500 000 personnes tuées, mais le manque d’accès aux soins et la catastrophe humanitaire nous font dire que les conséquences indirectes de la guerre ont causé plus de 1,5 millions de décès.Le déclin économique de la région, notamment la dévaluation de la livre syrienne et la crise économique libanaise affectent directement la situation en Syrie avec 90% des syriens qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Face à ces conditions dramatiques pour les Syriennes et les Syriens, l’aide humanitaire internationale est leur seul et unique moyen de subsistance, de survie.
L’urgence d’une aide transfrontalière renouvelée
En juillet 2014, la résolution 2165 adoptée à l’unanimité, permettait aux agences humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires, d’acheminer de l’aide humanitaire sans l’autorisation préalable des autorités syriennes.
Une résolution qui n’a eu de cesse d’être remise en cause notamment avec le bombardement de convois humanitaires, la réduction à un point de passage en juillet 2020 - avec la suppression des postes frontières d’Al Yarubiyah vers l’Irak, d’Al-Ramtha vers la Jordanie et de Bab El-Salam, vers la Turquie et le maintien d’un seul accès uniquement à Bab Al-Hawa, à la frontière turco-syrienne pour un an jusqu’en juillet 2021.
A notre échelle de soignants et humanitaires en Syrie, les conséquences d’une fermeture des couloirs humanitaires seraient terribles.Ce sont ces mêmes couloirs humanitaires qui permettent l’acheminement des vaccins contre la COVID-19, qui permettent aux patients de nos centres de santé de se nourrir, de se vêtir, de se chauffer.Notre action de soignant est interdépendante de l’aide transfrontalière des agences onusiennes.
Pour l'avenir de la Syrie, l'UOSSM France appelle à une forte mobilisation pour maintenir cet accès humanitaire transfrontalier dont dépendent des millions de personnes.
https://agir.uossm.fr/save-life-line/