Par Jean-François Buet, Président de la FNAIM.
Le Gouvernement vient de mettre la dernière main à son projet de loi sur l'urbanisme et le logement, transmis au Conseil d'Etat avant sa présentation en Conseil des ministres par Madame Cécile Duflot. Nombre de dispositions sont en outre le fruit de la collaboration entre la ministre de l'égalité des territoires et du logement, et la ministre de la justice, telles celles qui concernent la copropriété ou la règlementation des agents immobiliers et des administrateurs de biens, de la compétence directe de la seconde.
Le texte promet en tout cas d'être un monument, comportant sans doute une centaine d'articles. Le Gouvernement le préparait depuis huit mois, et la FNAIM a mis toute son énergie pour aviser et convaincre ses auteures.
Quel choix de méthode le Gouvernement aura-t-il fait au bout du compte ? Celui de coproduire le projet de loi avec les organisations professionnelles, dont la FNAIM, ou celui de consulter et d'imposer à la fin ? Nous le saurons bientôt, et ce sera au fond le cœur du problème.
Derrière cette question à l'allure épistémologique, il y en a une autre, plus simple : la politique du logement doit-elle être éclairée, ou idéologique ? On sait déjà que Madame Cécile Duflot et Madame Taubira auront été tentées de rouler entre deux bords : elles savent que les rapports entre propriétaires et locataires, la vie en copropriété, les règles d'urbanisme, l'organisation des professionnels sont des sujets législatifs dont il faut mesurer les tenants et les aboutissants. Elles savent aussi qu'ils sont tellement porteurs de sens pour nos concitoyens qu'on peut à bon compte les traiter par l'idéologie, rouvrant la guerre de religion entre bailleurs et preneurs, ou opposant professionnels cupides et consommateurs exploités. Nous verrons si les options finales ne sombrent pas sur cet écueil...
Sur l'essentiel, l'approche du Gouvernement a privilégié l'efficacité et la technique, entendant les propositions de la FNAIM sur la création d'une instance régulatrice des professionnels de la transaction et de la gestion, pour gagner en rigueur, en discipline, en exigence et en compétence, sur l'équilibre des relations locatives et l'impérieuse nécessité de le préserver pour ne pas dissuader les investisseurs, ou encore sur le rôle majeur du syndic et le besoin de fonder en lui la confiance collective. Sans doute néanmoins certaines dispositions devront-elles être ajustées, si elles manquent d'équité. La phase parlementaire en sera l'occasion.
Illusoire par exemple de croire qu'exonérer le locataire de participer aux honoraires de location le servira: il bénéficie du service et n'est considéré comme client qu'à cette condition.
Illusoire d'assimiler transparence en copropriété et compte bancaire séparé pour chaque immeuble, à l'heure où l'internet permet la consultation de la comptabilité où que soient déposés les fonds.
Illusoire encore de croire que limiter à un an le mandat d'un syndic va améliorer la gestion, alors que la plupart des décisions, leur vote, leur financement, leur mise en œuvre, prennent deux, trois ou quatre exercices.
Il faut dire aussi que, pour la première fois de l'histoire du lobbying immobilier, le Gouvernement aura reçu de la part des deux fédérations représentatives des métiers concernés, FNAIM et UNIS, des avis communs. L'union est faite, sans faille. Il le fallait : comment en appeler à la responsabilité des pouvoirs publics, dont on attend qu'ils ne tombent pas dans le piège de l'idéologie, si les syndicats ne sont pas eux-mêmes responsables et en sont à l'heure des bisbilles? Le Gouvernement a ainsi les moyens de mesurer que les conseils qui lui sont formulés sont empreints d'objectivité, et non pro domo.
L'enjeu de la méthode politique est de taille : sécuriser et faciliter l'immobilier, et en faire un lieu de sérénité pour les ménages, en assainissant en particulier le lien de l'opinion avec les spécialistes de la transaction et de la gestion. Il est clair qu'on n'apaise pas en clivant, et que le choix de l'idéologie détournerait l'intention du Gouvernement de son cap.
Les solutions pour le logement doivent être coproduites entre décideurs publics et professionnels pour être réalistes et fortes, et non imposées comme des oukases.
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