Dans le cadre d’un exercice européen de supervision, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a examiné les pratiques des sociétés de gestion en matière de définition et de pilotage des coûts et frais liés à la gestion des OPCVM. L’AMF annonce par ailleurs des modifications de son règlement général et de sa doctrine en matière de commissions de mouvement et de commercialisation des fonds.
Chaque année, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA en anglais) définit deux priorités stratégiques de supervision à l’échelle européenne. L’an passé, l’ESMA a ainsi ciblé parmi ses priorités les coûts et frais dans les OPCVM à destination des clients particuliers et initié un exercice de supervision commune sur le sujet, auquel l’AMF a pris part. L’exercice visait plus particulièrement le respect des exigences découlant de la réglementation applicable aux OPCVM.
Dans le cadre de ses travaux, l’AMF a adressé un questionnaire à 49 sociétés de gestion regroupant près de 2050 fonds d’investissement de droit français ou étrangers pour un encours total de 766 Mrds€. Elle a complété ses observations par une série de contrôles thématiques courts (contrôles SPOT) réalisés auprès de 5 de ces établissements et a réalisé des entretiens approfondis avec 6 autres entités.
Très concrètement, l’AMF a examiné :
- la composition des coûts et frais relatifs aux OPCVM commercialisés par les SGP du panel ;
- les éventuels coûts « indus » et pratiques à risques ;
- les processus d’établissement et de revue des prix ;
- les coûts payés à des tierces parties et les potentiels conflits d’intérêts associés ;
- la communication sur les frais telle que présentée dans la documentation règlementaire et commerciale des fonds de l’échantillon ;
- le pilotage des coûts et frais associés à la mise en œuvre de techniques de gestion efficace de portefeuille ;
- le dispositif de contrôle interne en lien avec les coûts et frais.
Dans son document de synthèse, l’AMF présente les bonnes et les mauvaises pratiques observées sur l’échantillon étudié. L’exercice a, par exemple, permis de mettre en évidence deux pratiques relativement peu répandues, mais critiquables. Pour 14 fonds sur les quelque 2050 analysés, l’AMF a en effet relevé une composition du portefeuille très proche de celle de l’indice, suggérant un style de gestion plutôt passif, alors même que le niveau de frais courants constaté était élevé. Elle a par ailleurs identifié, dans le cas de 7 fonds, un niveau de commissions de mouvements très élevé, supérieur à 2,5% de l’actif net. Dans les deux cas, le niveau de frais entrave fortement l’atteinte des objectifs de gestion ainsi que la possibilité d’une surperformance par rapport à l’indice de référence.
Une évolution des règles en vigueur a donc été décidée. Le premier changement concerne l’interdiction des commissions de mouvement. Il vise à supprimer la possibilité pour les gérants d’OPCVM et de FIA de bénéficier des commissions de mouvement, à l’exception des commissions de mouvement sur les actifs immobiliers. Pour permettre aux sociétés de gestion d’adapter leur dispositif, ces modifications s’appliqueront à compter du 1er janvier 2026. Une modification du règlement général de l’AMF a été homologuée par arrêté du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance publié en date du 19 mai 2022. Dans cette perspective, l’AMF modifiera sa doctrine pour préciser la mise en œuvre de ce changement.
Le deuxième changement concerne la commercialisation de fonds actifs qui auraient des frais élevés au regard de la proximité de leur performance par rapport à celle de leur indicateur de référence ainsi que des fonds passifs présentant des frais élevés. Concernant les fonds actifs, les PSI doivent mettre en place des procédures afin de pouvoir identifier les fonds ayant des frais élevés par rapport à leur tracking error vis-à-vis de leur indice de référence. Quant aux fonds passifs, l’AMF précise également que les PSI doivent disposer de politiques et de procédures permettant de comparer le niveau de frais des fonds affichant un objectif de gestion passive avec celui de fonds comparables afin de déterminer si des placements collectifs équivalents moins coûteux sont susceptibles de correspondre au profil de leur client.
Pour en revenir à la synthèse des contrôles SPOT, les processus d’établissement et de revue des schémas de coûts et frais sont généralement encadrés par un comité ad hoc. Toutefois, les contrôles SPOT, pour les 5 sociétés de gestion contrôlées, ont relevé l’absence de procédure faîtière interne expliquant le processus de constitution des schémas de frais à la création des fonds ainsi que les critères pris en compte pour faire évoluer ces frais.
Lorsqu’ils sont payés à des tierces parties, les coûts sont généralement encadrés par la signature de conventions ad hoc et par un dispositif de gestion des conflits d’intérêts composé d’une procédure, d’une cartographie et d’un registre dédiés. Les risques de conflits d’intérêts associés aux coûts des services rendus par le groupe auquel appartient la société de gestion (agissant en tant que dépositaire ou distributeur), les distributeurs externes ou les délégataires de gestion, sont adéquatement traités.
S’agissant de la communication sur les coûts et frais dans la documentation réglementaire et commerciale des fonds, l’AMF observe que celle-ci s’appuie sur une procédure opérationnelle. Elle a toutefois relevé une faiblesse : l’absence d’information sur l’existence, la nature, les principaux types de bénéficiaires et la formule générale de calcul des éventuelles rétrocessions versées.