Par Pierre Marie Relecom, fondateur de Relecom& Partners & Louis Tari, associé Relecom&Partners en Inde
On le sait l'Inde est un marché important. Aujourd'hui environ 750 entreprises françaises sont implantées en Inde où elles emploient plus de 240 000 personnes. Leur chiffre d'affaires cumulé est d'environ 14 milliards d'euros; il parait donc pertinent de s'intéresser à ce marché de près.
Préparer son séjour
Préparer plusieurs séjours, mais de quelle durée ?
L’Inde étant un vaste territoire, on l’appelle d’ailleurs le sous-continent. Lorsque l’on prépare son départ, il est important de prévoir un séjour « état par état ». Au risque de passer à côté d’opportunités parce que l’on n’a pas consacré assez de temps. En fonction des secteurs d’activités, il faut se concentrer sur un ou deux états au début, + New Delhi, et il faut rester a minima 4 jours au même endroit. Les indiens sont des gens qui voyagent beaucoup, aussi ne pas hésiter à s’organiser à l’avance pour organiser son voyage et ses rencontres. Il faut contacter les gens de l’ambassade et Ubifrance pour sentir un peu son secteur économique et s’informer de qui est présent. Ensuite, prenez contact avec les CCEF, qui eux, sont beaucoup plus au fait de la réalité des affaires, sur un mode pratique, et vous indiqueront les choses à faire, à ne surtout pas faire…
Préparer son séjour, c’est aussi se renseigner sur l'environnement des affaires au niveau local.
Cela fait 25 ans que je vais dans ce pays, et la première fois que j’ai voulu installé mon entreprise en Inde, l’un de mes amis indiens m’a dit : “Pierre, l’Inde est d’un pays de longue haleine ou la patience et la persévérance sont le maitre mot…” Il y a deux types d’affaires : celles à traiter avec les administrations (grands contrats) et celles à traiter avec des entreprises privées. En tout état de cause, il vous faut passer beaucoup de temps avec les indiens avant de leur donner vos « patrons » de tissus, vos « brevets » pour reproduire des robots ou autres matériels car leurs normes ne sont pas les nôtres. Et l’indien est susceptible malgré tout…
En Inde, lorsque vos interlocuteurs vous annoncent un prix, ce n’est pas le prix définitif, c’est le prix de départ. S’ensuivent alors des discussions de marchands de tapis, avec parfois des portes qui claquent. Mais c’est la norme, et il faut jouer avec.
L’arrivée
Il est important de noter, et d’intégrer que l’Inde n’est pas un pays, c’est un agrégat de 29 états et 6 territoires qui ont chacun un gouvernement, un financement de projets et leur capitalisme propre.
Notez que pour aller en Inde, il faut un visa affaires, et non touriste, en tout cas si l’on veut y aller plusieurs fois dans l’année… Je l’ai vécu, et l’immigration indienne qui était très tolérante dessus est devenue intransigeante. Un visa affaires est donc la norme et le plus recommandable.
On pourrait le prendre pour une anecdote mais sur votre visa, est annoté « Incredible india »… Et cela prend tout son sens quand on commence à vivre le pays de l’intérieur… C’est un pays de paradoxe, de 1,3 milliards d’habitants, de castes et religions diverses. On a l’impression que c’est un bazar permanent, mais en fait, une fois que l’on rentre dedans, on s’apercoit que tout est “hyper” hiérarchisé ! Le potentiel des affaires est illimité, mais toujours très localisé, avec des contraintes légales très fortes. Si vous avez déjà vécu les affaires en Italie… dites-vous que l’Inde est un paroxysme…
Vous serez, à votre descente d’avion, tout de suite baigné dans les odeurs, le bruit et la vie trépidante, comme le paradoxe de l’extrême pauvreté et l’extrême richesse.
La circulation ; un chaos,
Le climat ; une étuve
Faire son marché ; une aventure
En tout état de cause, c’est une aventure humaine à l’état pur. Seuls les gens armés de patience, de persévérance, mais aussi de sens social, y réussiront. Les autres, pressés par l’appât du gain rapide, restez à la maison, ce pays n’est pas pour vous.
Les règles de base du savoir vivre
Comme dans chaque pays, il existe en Inde des règles de politesse spécifiques qu’il vaut mieux connaître si on veut éviter d’être impoli.
Ainsi, quand vous êtes invités chez les gens, n’oubliez pas de vous déchausser à l’entrée.
De même, faites attention quand vous mangez : en Inde, on mange toujours avec les mains, et avec la main droite !
Quand vous venez la première fois, un cadeau n’est pas nécessaire, si ce n’est un bel échantillon de votre savoir faire. Quand vous revenez, par contre, vous êtes censés avoir appris de vos interlocuteurs, de leur famille, femmes, … Apportez leur un cadeau typique de chez vous, cela leur fera plaisir. Mais des choses simples et artisanales. Le luxe à l’européenne n’est pas bien perçu.
Le premier rendez-vous
- dans quel type de lieu ?
A leur bureau la plupart du temps, ou dans les hotels des grandes villes. N’hésitez pas à prendre le temps d’aller les voir chez eux (leurs usines/bureaux), ils seront fiers de vous montrer ce qu’ils ont fait, dans quoi ils travaillent… Ne cherchez surtout pas à leur en mettre plein la vue… L’Indien est arrogant, le français est arrogant ET suffisant… Nous, basés sur notre grandeur passée, eux encore oppressés par un sentiment d’infériorité suite à des décades de colonisations… Et pourtant depuis 30 ans, on leur dit qu’ils sont le cerveau du monde… Encore un paradoxe.
- combien de temps faut-il prévoir ?
Soyez ponctuel et ne soyez pas vexés si eux arrivent en retard car le trafic est horrible. On demande toujours, quand on se connait vraiment bien ‘European time, or Indian time’ ??? Car les indiens ont quasi systématiquement au moins 45 minutes de retard … mais pour un premier rendez-vous, ne vous y fiez pas et soyez à l’heure.
Si votre interlocuteur fait une heure de voiture ou plus, ne lui consacrez pas seulement 45 minutes, mais une demi-journée, d’autant qu’il aura 1h de retard…
Un petit conseil : apprenez très vite à développer un goût pour le chai local (thé au lait sucré aux épices). C’est une boisson qui vous sera servie lors des rendez-vous ou sinon vous pourrez opter pour un café nescafé au lait baignant dans une marre de sucre … le résultat est le même : un forte dose d’insuline !
Comprendre l'environnement des affaires au niveau local
- bien connaître ses interlocuteurs
C’est capital. Car dès que l’on signe un contrat, ils se sentent dédouanés de tout. N’oubliez pas qu’il y a le droit indien, le droit pour les indiens, et le droit pour les autres… Regardez les Danone ou autres qui l’ont vécu à leur dépends… Il est impératif de construire une relation de confiance avec les patriarches. Et tout comme dans d’autres régions du monde, c’est le patron-propriétaire qui se déplace. De notre côté, il faut donc que ce soit les exécutifs. Car en Inde, les groupes sont familiaux, et les patrons indiens discutent directement leurs affaires de partenariat ou de développement. Ils pourraient ne pas comprendre, voire être blessés, que ce ne soit plus les grands patrons français qui viennent, mais leurs représentants… L’Inde est un pays de longue haleine, donc il faut un engagement fort de la part de ceux qui veulent s’y implanter.
- Réaliser une étude de faisabilité (taille marché limitée) / étude de marché
Il est possible dans un premier temps de se renseigner auprès d’Ubifrance ou auprès des Chambres de Commerces ou des fédérations « métiers ». Ensuite, si vous voulez vraiment percer les clés de votre secteur en Inde, il vous faut recourir à des gens qui vivent pleinement le monde des affaires indien, qui sont aculturés à ce pays et qui connaissent intimement un nombre certain de familles en local.
- Monter un partenariat local
Pour bien s’implanter en Inde, comme dans beaucoup de pays, il est fortement conseillé d’y passer beaucoup de temps avant : plusieurs séjours, plusieurs rencontres pour prendre le temps de bien se connaitre, car monter une JV ou un partenariat en Inde met vos nerfs à rude épreuve. Et si vous n’êtes pas sûrs, vous allez tout laisser tomber avec agacement, ce qui laissera des traces pour une action future… Nombreux sont les gens à vouloir agir vite… Mais l’Inde est un pays qui ne se pense qu’en long terme, voire en très long terme….
Attention toutefois à ne pas considérer un partenariat “pan-india”. Mais au contraire, localisé, quitte à en développer d’autres.
Une fois les premières démarches de partenariat entamées, mieux vaut être très présent car les choses piétinent, trainent et on peut très vite avoir tendance à baisser les bras. Cependant, il suffit d’un évènement pour que tout se debloque, une décision politique, une bonne mousson ou juste une excuse bidon pour qu’un dossier bloqué depuis plusieurs mois devienne une priorité…
... Cela fait partie du decorum indien... tout et son contraire ! patience, opiniâtreté et surtout un bon sens de l’humour sont les clés du succès en Inde.
Par exemple, tous les ans les projets d’infrastructure se voient ralentis pendant la période des moussons. Cela est compréhensible; ce qui l’est moins, ce sont les ingénieurs locaux qui pour justifier un délai de 3-4 mois sur leur planning vous disent « Sir, this is due to the monsoon season »; ce à quoi on a envie de répondre « my dear Prakash the monsoon has been a yearly phenomenom on the Indian subcontinent for couple of millions of years and hence it should be easy to factor 3-4 month delay in your yearly planning” Et en général, de recevoir comme réponse : “yes sir but this year was a different monssoon from last year’s” … donc patience et humour sont bien la clé.
Suivi des prospects pour conclure un business
Une fois rentré en France après un ou plusieurs séjours , quel relationnel entretenir ?
Les relations longue distance ne fonctionnent pas du tout en Inde. Il est imperatif de s’assurer d’un suivi avec soit une présence locale, soit des voyages réguliers pour assurer une visibilite et montrer son engagement.
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