Si les préoccupations environnementales et sociales des consommateurs et des salariés sont croissantes, on ne compte pour l’heure pas ou peu d’entreprises à impact parmi les 26 licornes françaises. Le Mouvement Impact France, 1er réseau des entreprises à impact positif et le Boston Consulting Group publient, en partenariat avec Ipsos, une étude pour comprendre les freins qui subsistent au passage à l’échelle des entreprises à impact et proposent des solutions pour lever les barrières à leur développement.
Qu’est-ce qu’une entreprise à impact ?
Les entreprises à impact sont des entreprises qui se donnent pour finalité de répondre à un problème social ou environnemental et qui, pour y parvenir, mettent l’ensemble de leur organisation en cohérence avec cet objectif. Concrètement, cela signifie qu’en plus de dédier leur activité à la résolution d’un enjeu social et/ou environnemental, elles accordent de l’importance à la limitation de leurs effets négatifs sur l’environnement et les personnes, au partage de la valeur générée au sein de leur entreprise, et au partage du pouvoir avec l’ensemble de leur parties prenantes pour que l’impact positif reste le cœur des préoccupations de leur gouvernance.
Points clés de l’étude :
- On dénombre entre 10 000 et 15 000 entreprises à impact en France. Ensemble, elles représentent un chiffre d’affaires évalué entre 15 et 30 milliards d’euros et totalisent entre 400 000 et 900 000 salariés (entre 3 et 7% des effectifs salariés du secteur privé).
- Cet écosystème s’est professionnalisé. Mieux perçu des clients (B to B et B to C), dont les préoccupations sociales et environnementales sont croissantes, il attire également davantage les talents. 87 % des fondateurs interrogés estiment que l’impact de leur activité rend leur entreprise attractive, même si 56 % d’entre eux jugent que la différence entre les salaires qu’ils proposent et ceux des entreprises classiques limitent leur capacité à retenir les meilleurs.
- Cependant, malgré cette prise de conscience et cet attrait croissant des consommateurs, clients et employés pour l’impact, des freins subsistent au développement de ces entreprises : la collaboration avec les grands groupes, l’accès aux financements et une règlementation peu favorable aux entreprises à impact.
- Une entreprise à impact sur trois réalise plus de 20 % de son volume d’affaires avec des grands groupes. Parmi les difficultés citées pour les deux tiers restants : la nécessité d’atteindre une taille critique ou encore à la lourdeur des processus d’achat ou de partenariat.
- Seules 19 % des entreprises à impact parviennent à lever des fonds en externe (auprès de fonds de venture capital ou d’investissement) contre 46 % des start-ups classiques.
- Pour 1 entreprise à impact sur 2, le soutien de la puissance publique à l’innovation sociale et/ou écologique est perçu comme insuffisant, notamment sur le plan fiscal : 62% sont favorables à la mise en place de crédits d'impôts recherche et innovation dédiés et 47% à la création d'un label grand public leur permettant d’être mieux identifiées par les clients et partenaires.
- Ces éléments plaident pour une définition différente des licornes à impact, qui tienne compte de la valeur sociale et environnementale créée et donc des coûts que leur activité évite à la société (par exemple : coûts épargnés en ramenant un chômeur à l’emploi, en évitant l’émission de tonnes de CO2 etc.). Cette nouvelle méthode de valorisation faciliterait l’accès au financement de ces entreprises et leur développement.
« Avec le prix de l’entrepreneur social du BCG créé il y a 15 ans et qui récompense chaque année des entrepreneurs à impact, nous avons observé une forte évolution du secteur : l’écosystème s’est professionnalisé et les entreprises adressent un plus grand nombre d’enjeux sociaux et environnementaux. Nous sommes convaincus que ces entreprises sont aujourd’hui des acteurs incontournables de notre économie et de notre écosystème d’innovation. Mais si la prise de conscience par les clients et employés est réelle, il sera nécessaire de lever les freins au développement restants, notamment financiers, pour permettre l’émergence de licornes à impact. » déclare Jean-Michel Caye, directeur associé senior au BCG.
« Pour répondre aux défis écologiques et sociaux, et devant les enjeux de planification écologique, la France doit pouvoir faire émerger des champions de l’innovation sociale et écologique. Ces champions n’émergeront pas sur le modèle des licornes classiques fondées sur leur potentiel économique pour les actionnaires, mais sur leur potentiel de création de valeur écologique et sociale. Nous pouvons créer cet écosystème favorable à des innovations de rupture écologiques et sociales, semblable à celui de la French Tech pour que les pouvoirs publics puissent s’appuyer sur ces acteurs pour réussir la transition», affirme Caroline Neyron, Directrice générale du Mouvement Impact France
« Le concept de licorne lui-même est sans doute à remettre en question lorsque l’on parle des entreprises à impact, estime Quentin Decouvelaere, directeur associé au BCG. Aujourd’hui, la valorisation d’une entreprise est calculée en fonction de son potentiel économique pour les actionnaires. Elle ne tient pas compte de ses bénéfices sociaux et environnementaux ni de la répartition différente de la valeur qu’elles opèrent. »
« La valorisation financière ne peut plus être le seul critère de mesure de la réussite des entreprises. De nouveaux modèles émergent fondés sur la création de valeur sociale et environnementale, l’inclusivité et la résilience économique. Ils peuvent devenir les champions de la transition. Pour cela, il faut reconnaître et valoriser leur apport au bien commun qui peut notamment se mesurer en coûts évités pour la société, afin que l’innovation et l’économie soient utiles à la société dans son ensemble », indique Eva Sadoun, Co-présidente du Mouvement Impact France.