"Réformer les retraites, une crispation française" de Thierry Legrand-Browaëys : un livre indispensable pour comprendre la réforme des retraites
La retraite a été au coeur des débats de l'élection présidentielle et la réforme à venir a déjà de nombreux détracteurs.
Ce rejet est loin d'être une nouveauté : d’Alain Juppé en 1995 à Emmanuel Macron quinze ans plus tard, tous les responsables politiques qui ont voulu réformer les retraites en France se sont heurtés à de très fortes résistances.
Si elles ont parfois un caractère corporatiste, ces résistances ne restent jamais isolées. Elles poussent toujours les chefs d’État et de Gouvernement, les ministres et les parlementaires à faire des efforts considérables de communication et de pédagogie pour essayer de gagner la bataille de l’opinion. Malgré cela, la retraite est toujours considérée comme un acquis social fondamental et même, pour certains, comme un privilège qui ne saurait être remis en question.
Les enquêtes d’opinion, les analyses des politologues et les études sociologiques ont des conclusions convergentes : quelles que soient les conséquences collectives ou individuelles, sociales ou économiques, présentes ou à venir, les Français restent viscéralement et obstinément attachés à la préservation des conditions dans lesquelles ils partent à la retraite.
Cette crispation française peut surprendre, car la retraite est un sujet complexe. Aussi, pour que chacun puisse comprendre les différents mécanismes et enjeux qui s'entremêlent, Thierry Legrand-Browaëys publie "Réformer les retraites, une crispation française".
Très documenté et accessible à tous, ce livre s'inscrit pleinement dans l'actualité politique et sociale. Il permet d'appréhender les rôles que jouent l’État, les institutions paritaires, les organisations patronales, les confédérations syndicales, les employeurs, les salariés, les agents des services publics et, bien évidemment, les retraités.
Réussir la réforme des retraites en donnant la priorité au dialogue social
Les périodes de changement sont propices aux remises en question, mais elles exigent surtout de la prudence et du discernement. S’il est nécessaire de résister à la tentation de l’immobilisme, il l’est tout autant de ne pas se laisser entraîner dans des disruptions ou des innovations hasardeuses. Les régimes de retraite ne font
pas exception.
Qu’elles soient systémiques ou paramétriques, les réformes de ces régimes ne doivent pas aller jusqu’à la remise en cause du principe de solidarité. Ce principe est la pierre angulaire sur laquelle ont été créées la Caisse de retraites pour la vieillesse, les rentes ouvrières et paysannes, les assurances sociales, la Sécurité sociale puis les régimes complémentaires.
Thierry Legrand-Browaëys souligne :"La référence à la solidarité n’est pas passéiste, ni superflue, ni même idéologique. Elle est a contrario indispensable à la conduite des politiques sociales pour que ces politiques permettent encore une redistribution des richesses et, par extension, le maintien d’un minimum de vivre ensemble."
La préservation du principe de solidarité implique une re-légitimation du politique et, en particulier, de ses responsabilités dans le traitement des questions sociales.
Le fait que les actifs et leurs employeurs cotisent pour permettre à leurs aînés de vieillir dans des conditions respectables est un élément consubstantiel de notre modèle social. La pérennité de ce modèle et le sort de plus de dix-sept millions de retraités ne doivent pas relever d’intérêts privés, mais de la nation, donc
du politique.
La re-légitimation du politique doit s’accompagner d’une réhabilitation du paritarisme
Comme beaucoup d’autres pays, la France est traversée par de multiples fractures face auxquelles la protection sociale est plus qu’un palliatif parce qu’elle représente une des dernières formes d’entraide entre des générations et des catégories socio-professionnelles qui se méprisent et se jalousent de plus en plus ouvertement.
Au sein de certains think tanks, il est parfois de bon ton de fustiger « le clientélisme navrant et coûteux des organismes paritaires » assimilés à des « appareils tournés vers la cogestion de l’État-providence » . De telles considérations sont à trop courte vue pour percevoir l’importance du paritarisme, qui mérite de rester le principe d’organisation de l’ensemble des institutions gestionnaires de la protection sociale.
De multiples évolutions rendent nécessaire de réformer périodiquement les régimes de retraite pour éviter que l’accumulation des déficits finisse par rendre ces régimes insolvables, mais les réformes doivent se faire dans la concertation et sans négliger les prérogatives des partenaires sociaux.
"Nul ne peut conduire un projet de réforme en allant contre la volonté collective, notre culture démocratique rendant nécessaire de savoir accorder tout le temps qu’il faut au dialogue, à la concertation et à la communication."
- Prix : 23,5 €
- Date de publication : 14 avril 2022
- ISBN : 978-2-14-025329-4