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[Tribune] La taxonomie européenne : définition et impacts sur les entreprises

L’analyse de kShuttle, éditeur français dédié au pilotage et à l'optimisation des processus du management des entreprises.

1/ Qu’est-ce que la taxonomie européenne et en quoi cette réglementation va-t-elle impacter les entreprises ?

Pour parvenir à ses objectifs climatiques 2030, et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’Union Européenne n’a d’autre choix que de compter sur les investisseurs et les entreprises pour rediriger les flux de capitaux vers des activités durables. Cependant, jusqu’à récemment, aucun standard ni régulation ne définissait clairement en quoi consistait une activité durable. Pour combler ce vide, la Commission européenne a créé dès 2018 le principe de “taxonomie verte” qui consiste à définir « un système commun de classification des activités économiques durables »

Qu'est-ce-que la taxonomie européenne ?

Pour répondre aux objectifs de l’Accord de Paris, les institutions européennes souhaitent favoriser les investissements responsables et réorienter les flux de capitaux vers des activités qui participent à la réalisation des objectifs environnementaux européens.

L’Union Européenne s’est fixé à travers le Pacte Vert Européen (European Green Deal) les objectifs suivants :
- Atteindre la neutralité Carbone en 2050 
- Promouvoir une économie circulaire 
- Protéger la biodiversité et diminuer la pollution 

Les investissements nécessaires pour répondre à ces enjeux dans l’Union Européenne sont estimés à 1 000 Mrds€ sur la période 2021 à 2027.

Dans ce contexte, la Commission Européenne a entrepris d’établir un cadre uniforme instaurant un vocabulaire commun permettant de définir la notion de durabilité environnementale des activités économiques. La Taxonomie européenne va simplifier la comparaison en termes de durabilité des différents produits financiers, développer la concurrence dans ce domaine et augmenter le niveau de transparence pour les investisseurs.


2/ La mise en œuvre de la taxonomie européenne représente un vrai challenge pour les entreprises qui devront publier les premières informations dès 2022.

Quelles obligations pour les entreprises ?

Toutes les entreprises soumises à la NFRD (La Directive Européenne sur le Reporting Extra-Financier) devront publier au sein de leur Déclaration de Performance Extra Financière (DPEF) la part des activités durables, en pourcentage
1) de leur chiffre d’affaires
2) de leur CAPEX
3) de leur OPEX

Pour cette première année de publication, le reporting de 2022 sur 2021 a été simplifié. Il vise uniquement les deux premiers objectifs de la taxonomie, c’est-à-dire ceux liés au changement climatique, et il s’intéresse à la part d’activités éligibles à la taxonomie, et pas encore nécessairement à la part des activités alignées. De manière générale, les régulateurs ont rappelé l’importance des éléments narratifs, via lesquels l’entreprise devra détailler les hypothèses prises afin d’identifier les activités éligibles et calculer les différents KPIs. 

En 2023, seuls les deux premiers objectifs liés au changement climatique resteront concernés, mais le reporting se fera sur les activités alignées sur la taxonomie. En plus d’identifier leurs activités éligibles sur la liste préétablie, les entreprises devront vérifier que celles-ci respectent bien les critères de contribution substantielle à l’un des objectifs, le principe du « do not significant harm » ainsi que les garanties minimales. Les entreprises seront pour ce second exercice contraintes d’utiliser le template de reporting préétabli par la Commission.

A partir de 2024, les quatre objectifs suivants de la taxonomie seront progressivement intégrés au périmètre de l’exercice.

Les difficultés rencontrées par les entreprises

Elles tiennent pour beaucoup au cadre de l’exercice, dont les règles ne sont pas totalement fixées et laissent encore place à l’incertitude. Incertitude sur le calendrier comme déjà évoqué, mais aussi dans le détail de la mise en œuvre, pour lequel des demandes de précisions sont attendues.

Côté indicateurs financiers, les définitions du chiffre d’affaires et du CAPEX se calquent sur celles de la Directive comptable 2013/34/UE et les normes IFRS, et sont donc déjà régulièrement reportées par l'entreprise. En revanche, côté OPEX, la définition est moins claire et pose difficulté : plusieurs acteurs ont même dénoncé un manque de cohérence.

Dans ce calcul des % de CA vert ou % CAPEX/OPEX vert, après le calcul des dénominateurs, la principale difficulté rencontrée par les entreprises est le calcul du numérateur, qui passe préalablement par l’identification de ces activités éligibles à la taxonomie. Pour le faire, l’UE propose de s’appuyer sur un tableau d’équivalence des activités sur la base des codes NACE, mais ces derniers ne seront probablement pas toujours suffisants pour identifier l’éligibilité : ils ne sont pas assez précis, trop macro, et les entreprises ont du mal à s’y retrouver.

L’analyse de chaque activité, son respect ou non des critères d’alignement, potentiellement complexes ou mal documentés, va aussi nécessiter d’investir un temps considérable, du moins sur les premiers reportings.

L’étape suivante, qui consiste à réaligner critères environnementaux et langage comptable, comporte aussi quelques obstacles à lever. Elle exige de fait un dialogue interne rapproché entre contrôleurs de gestion, comptables et équipes RSE, dialogue qui n’est pas encore toujours établi dans les entreprises.

Enfin, pour les entités actives dans plus d’une activité, le volume de données sera conséquent et les sources d’information seront multiples. Un tel traitement de l’information ne pourra probablement pas se faire sans l’utilisation d’outils de collecte, de consolidation et de reporting adaptés. Et cette digitalisation, cette industrialisation des processus de remontée et traitement de l’information sera d’autant plus nécessaire que, dès 2024, il sera demandé d’analyser l’évolution des KPIs dans le temps. Enfin, si aucune vérification n’est demandée pour ce reporting 2022, il est fort probable que les exigences à l’avenir se renforcent avec, pour conséquence, un besoin accru en termes d’auditabilité des pratiques et des données publiées. Le manque de données, leur défaut de robustesse peut aussi constituer un frein à l’alignement.


Opportunités pour les entreprises

Plus qu’une contrainte, la taxonomie verte européenne doit être envisagée comme un nouveau cadre qui autorise les entreprises à (re)penser leur stratégie dans une logique de durabilité et leur permet de se rendre attractives aux yeux des investisseurs.

Avec des co-bénéfices à saisir, comme une meilleure appropriation du détail de leur business, comme le rapprochement à organiser entre les équipes financières et RSE, de plus en plus nécessaire à l’heure où le reporting intégré commence à se généraliser. Ou encore comme une meilleure affectation des ressources et des investissements, une identification des postes de réductions de coûts (réalisables en investissant dans des technologies moins énergivores par exemple) ou même de nouveaux marchés (pour des produits plus vertueux).

Au-delà de l’impératif réglementaire et même si elle n’est pas directement concernée, l’entreprise renforce son attractivité quand elle intègre le référentiel taxonomie : elle démontre son engagement en affichant une part importante d’activités ou d’investissements durables. Elle s’ouvre la possibilité d’accéder à des financements à des taux plus intéressants comme les prêts verts. Elle se démarque dans les appels d’offres. Ou encore, grâce à l’influence de la taxonomie européenne, elle conforte son statut précurseur d’entreprise européenne pour attirer des investissements étrangers.

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