Compliance & anticorruption : 5 ans après la promulgation de la Loi Sapin 2, la mise en œuvre par les entreprises en France n’est pas pleinement achevée.
Ethicorp.com et l’AFJE ont dévoilé en avant-première le mardi 5 avril les résultats de la troisième édition de leur enquête sur le sujet de la prévention des risques et de la compliance. Réalisée auprès de plus de 10 000 juristes et acteurs de la compliance, représentant plus de 1 500 entreprises, c’est la plus grande enquête sur le sujet de la compliance.
Pour William Feugère, Avocat - Feugère Moizan Avocats -, et Président fondateur de la plateforme ethicorp.com : « Cette enquête a pour objectif de dresser un état des lieux mais surtout de faciliter, et même anticiper la suite. Il ne suffit pas d’attendre des entreprises qu’elles soient en conformité, il est nécessaire de comprendre leur fonctionnement et connaître les difficultés éventuellement rencontrées, pour les aider dans leur démarche éthique et favoriser leur développement », explique
Publiée par Lefebvre Dalloz, la 3e édition de cette étude démontre une progression relative dans la mise en conformité des entreprises en France depuis sa première édition en 2017.
L’enquête confirme en effet que les entreprises sont à 82,23% dotées de dispositifs de compliance. Grâce à des efforts notables et à l’investissement des juristes, les entreprises ont une meilleure connaissance leurs obligations. Cependant, après cinq ans d’entrée en vigueur de la loi Sapin 2 et de la loi sur le devoir de vigilance, beaucoup n’ont pas encore pu les mettre intégralement en œuvre.
Seules 37,82% des entreprises auraient achevé leur démarche de conformité, soit seulement 4 points de plus qu’en 2019, et 56% finalisent leur mise en conformité.
Pourquoi ce temps long ? Le manque de moyens (58,82%) est le facteur principal. Est également avancé le manque d’implication des instances dirigeantes, et la complexité des mesures. Les juristes expriment ainsi le besoin fort de bénéficier des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux de leur mission leur mission et des impacts positifs de ces missions pour l’entreprise. Selon William Feugère, les dirigeants doivent mieux percevoir les avantages économiques de la compliance, sans oublier que leur défaut d’engagement engage leur responsabilité.
Dispositif d’alerte existant mais pas encore opérant
La loi du 21 mars 2022 vient de modifier en profondeur le régime des alertes en France.
Si les entreprises sont majoritairement pourvues d’un dispositif d’alertes (80,77%), pour 34,58% des entreprises, il n’y a que 1 à 10 alertes par an, et 9,35% n’ont que 11 à 50 alertes.
Un effort supplémentaire s’impose donc pour que les dispositifs véritablement utilisés et opérationnels.
Les limites identifiées par les juristes interrogés sont principalement le manque de confiance des employés (52,07% contre 71,90% en 2019), puis la peur des conséquences ou mesures de rétorsion (51,24% contre 67,77%).
Même si la loi renforce les protections des lanceurs d’alertes, les dispositifs ne fonctionneront pas s’ils restent inquiets. Et les méthodes de transmission de l’alerte ont un impact sur la confiance des lanceurs d’alertes dans le dispositif. La solution la plus communément utilisée est celle des courriels (75%). Or c’est l’une des plus volatiles et les moins rassurantes pour les salariés : un courriel se diffuse, s’imprime, se transfère très facilement.
La compliance, un profit à faire valoir
Le coût moyen estimé d’un litige est de 296 000€ en 2022. Chaque litige évité, anticipé grâce à la compliance, grâce aux cartographies des risques ou aux dispositifs d’alertes notamment, représente donc une économie de 296 000€, sans compter les enjeux humains et les risques réputationnels induits. Un chiffre devrait être décisif pour convaincre les dirigeants de renforcer leur engagement des dirigeants dans les process de mise en conformité de l’entreprise, en plus de l’engagement éthique des entreprises devenue une exigence incontournable des clients et des investisseurs.
La cartographie des risques et le dispositif d’alertes sont des outils de croissance et de protection de l’entreprise, des dirigeants, des salariés et des partenaires économiques.
Mieux informée, l’entreprise peut anticiper les difficultés, mettre en place une stratégie préventive, développer la confiance que ses actionnaires, partenaires et salariés placent en elle. Selon les juristes interrogés, seuls 24% des litiges subis par l’entreprise n’avaient pas été annoncés par le dispositif d’alertes. Plus il y a d’alertes, plus ce pourcentage diminue, donc plus on se sert du dispositif, mieux l’entreprise est protégée et informée en amont. Les alertes sont un outil de protection pour les salariés, mais aussi pour les entreprises, les dirigeants et les tiers (clients, fournisseurs, investisseurs…).
William Feugère, rappelle que : « Les avancées sur 5 ans sont réelles. Le déploiement d’un dispositif de compliance sérieux et efficace prend du temps. Il faut étudier concrètement le fonctionnement de l’entreprise, analyser et sécuriser ses processus achats, commerciaux, comptables, etc. avec précision en y associant les équipes de terrain. Ce n’est pas seulement du droit, c’est aussi et surtout de l’opérationnel. Avocats et juristes, nous faisons le même constat : ce qui manque trop souvent encore, c’est une vraie mobilisation des dirigeants d’entreprises, qui voient la compliance comme une contrainte, un frein, alors que bien construite elle booste la croissance. »
De son côté, Marc Mossé, Président de l’AFJE, précise : « La conformité est ici un outil à disposition du juriste pour créer une culture de la confiance et aussi protéger voire promouvoir la réputation de l’entreprise. C’est dès lors un moyen au service de la performance de l’entreprise, de sa différentiation et de sa compétitivité. »
Sylvie Faye, Présidente, Éditions Dalloz, Éditions Francis Lefebvre, Éditions Législatives, conclut : « Nous avons souhaité nous associer à la publication de l’étude menée par Ethicorp.org et l’AFJE car il est de notre rôle de permettre aux responsables de la conformité des organisations tant privées que publiques, d’identifier les leviers à leur disposition pour faire de la compliance un vecteur d’opportunités au service de la croissance des entreprises. »