AU Group, courtier-conseil en garantie et financement du poste client et EY, acteur mondial de l’audit, du conseil, de la fiscalité, du droit et des transactions, publient les résultats de leur nouvelle étude portant sur les défaillances d’entreprises.
- Comment se portent les entreprises françaises dans un contexte de crise à la fois économique due à la Covid-19 et géopolitique en raison du conflit en Ukraine ?
- Une hausse des défaillances est-elle à prévoir en 2022 ?
Focus sur les défaillances les plus emblématiques relevées en 2021 et sur les tendances attendues pour 2022.
Prospective sur 2022 – Conséquence du contexte géopolitique en cours
« En 2021, nous avons constaté une baisse continue du nombre de défaillances en France avec seulement 28 000 procédures collectives enclenchées. Un chiffre en baisse de 45% par rapport à l’année 2019. Les aides fournies par l’Etat pendant la crise du Covid ont notamment permis de maintenir à flot les entreprises durant cette période. Toutefois, le remboursement des PGE arrive à échéance et le contexte géopolitique instable vient tout bouleverser ! La pénurie de matières premières et l’augmentation de leurs coûts vont entraîner un effet domino qui va inévitablement entraîner une hausse forte de ces défaillances en 2022 », explique Baudouin de Thoré, Directeur Général AU Group.
« Si le « quoi qu’il en coûte » a été salvateur pour bon nombre d’entreprises françaises, le conflit ukrainien va considérablement fragiliser les entreprises qui se sont maintenues jusque-là grâce aux aides fournies par l’Etat. Ces dernières risquent de difficilement faire face au remboursement de leur PGE, tout en devant absorber les effets pervers que ce conflit va imposer. Pour les secteurs de l’automobile, du BTP, de l’agro-alimentaire et de l’aéronautique notamment, cela représente beaucoup d’incertitudes ! » poursuit Guillaume Cornu, Responsable de l’activité Restructuring chez EY.
A peine remise de la pandémie de Covid 19, l'économie française va être pénalisée par la guerre en Ukraine qui devrait ralentir la croissance tout en accélérant la hausse des prix. La croissance française serait amputée en 2022 de 0,5 à 1,1 point de pourcentage par rapport à ce qui se serait produit sans le conflit, a estimé la Banque de France. Le produit intérieur brut (PIB) français progressera de 3,4% si le prix du pétrole s'établit en moyenne sur l'année à 93 dollars, mais de seulement 2,8% si ce prix atteint 119 dollars. Sans la guerre, la croissance aurait été de 3,9%, estiment les économistes de la banque centrale.
Pendant la crise Covid, ce sont les services qui avaient été les plus touchés. Cette fois-ci, ce sera l'industrie qui se trouvera la plus impactée. Avant la guerre, elle avait déjà des difficultés d'approvisionnement liés à la circulation des matières premières qui devaient se dissiper en 2022. On estime que les PME/PMI seront les plus touchées malgré les premiers gestes du plan de résilience annoncé par le Premier ministre le 16 mars 2022 pour soutenir les entreprises.
Ce plan de résilience comprend des mesures qui doivent – à court terme – limiter les impacts sur les entreprises dans les secteurs de l’agriculture, du transport, de la pêche, du BTP…. À long terme, l'État français souhaite renforcer sa souveraineté énergétique, industrielle et alimentaire avec son plan de résilience, un plan européen et évolutif.
Les grands enseignements de l’étude réalisée par AU Group/EY
Les experts interrogés dans cette étude s’accordent à dire que le niveau actuel des défaillances en 2021 ne peut pas refléter le fonctionnement normal d’une économie en sortie de crise Covid et qu’il est nécessaire pour certains entrepreneurs de revoir leurs business models.
- 28 000 procédures collectives réalisées en 2021 soit -45% par rapport à 2019
- Une augmentation des dossiers en prévention et conciliation constatée dans les premiers mois de l’année 2022
- Pendant la crise, de nombreuses entreprises sont parvenues à réduire leurs coûts et améliorer leur trésorerie, grâce aux mesures prises par le gouvernement.
- Une hausse des défaillances est à prévoir en cette sortie de crise et face aux tensions géopolitiques actuelles.
Top 10 des défaillances 2021
1/ Office Dépôt France
2/ Ciel Voyage SAS
3/ Flunch
4/ Ciel Voyage 2
5/ Appart’City
6/ Manoir Pitres
7/ Meubles Demeyre
8/ Integrated Aero Network
9/ Société Anizienne de Construction
10/ Orly air Traiteur
On constate que sur 105 entreprises de plus de 10 M€ de chiffre d’affaires qui sont entrées en procédure l’année dernière :
- 23 sont des entreprises du BTP - Construction - Bois et dérivés,
- 15 sont des entreprises des métiers de services,
- 13 sont des entreprises de commerce de gros.
C’est donc à nouveau le BTP qui est le secteur plus sinistré.
Un retour à un niveau « normal » de défaillances à horizon 2023
Avec seulement 28 000 défaillances constatées, la France n’a pas enregistré de reprise des ouvertures de procédures collectives en 2021. Le nombre de défaillances ne restera pas éternellement à ces bas niveaux artificiels et l’étau pourrait se resserrer dès 2022.
Selon Maxime Lemerle, Head of Sector and Insolvency Research chez Euler Hermes : « dès 2022, nous prévoyons 40 000 défaillances en France (+40% vs 2021), et un retour aux alentours de 50 000 défaillances à partir de 2023 ».
« D’une part, la reprise économique devrait se prolonger mais également se normaliser, avec une hausse de PIB plus modérée, les tensions sur l’offre déjà à l’œuvre fin 2021, notamment les pénuries et hausses de coûts de matières premières, d’énergie et de composants électroniques, les difficultés de recrutement et les problèmes d’approvisionnement, avec les envolées des coûts de transport, risquent de persister en 2022 », poursuit Maxime Lemerle.
Autant de sources de tensions sur le BFR et la trésorerie, et de risque de retards de paiement – notamment dans les secteurs plus en peine à retrouver leurs niveaux d’activité d’avant crise.
L’Etat se tient prêt en cas de besoin à faire face à une remontée en flèche des défaillances d’entreprises
2020 et 2021 auront été des années exceptionnelles avec un niveau de défaillances en forte baisse par rapport à 2019. Dès le début de la crise sanitaire, la stratégie du gouvernement a été d’agir vite et fort en soutenant l’économie à travers l’activité partielle, les prêts garantis par l’État (près de 700 000 entreprises y ont eu recourt), les reports de charges fiscales et sociales ou le fonds de solidarité. En 2021 et pour faire face aux dernières vagues de la Covid-19, le gouvernement a permis de reporter les premières échéances de remboursement des PGE jusqu’à juin 2022.
Selon Guillaume Cadiou, Délégué interministériel aux restructurations d’entreprises « Une probable remontée des défaillances est à prévoir. Elles ont d’ailleurs progressé en décembre 2021. La question est plutôt de savoir à quel rythme. Mais, quoi qu’il advienne, l’État sera prêt à y faire face ».
Renforcer les fonds propres
Sur l’année 2021, il a été observé une réduction continue du nombre de défaillances avec quelques dossiers de place en procédure de sauvegarde et inversement, une activité très intense en amiable/confidentiel ainsi qu’en conciliation. Cette situation s’explique principalement par le traitement de la crise via la dette (reports de charges sociales et PGE).
Selon Hélène Bourbouloux, Administratrice judiciaire, Associée gérante chez FHB : « les fonds propres des entreprises françaises étaient déjà insuffisants avant le Covid. Ils seront donc encore davantage dégradés en sortie de crise ».
Un rééquilibrage des défaillances est à anticiper pour les entreprises déjà en quasi-arrêt d’activité ou surendettées. « J’anticipe également que la tendance observée sur les procédures amiables se poursuivra, et ce d’autant plus que la conciliation est utilisée soit pour une technicalité d’aménagement du PGE, soit pour un réaménagement global des dettes, soit enfin pour sécuriser les opérations de M&A qui permettraient de renforcer les fonds propres des sociétés françaises », précise Hélène Bourbouloux.
Restaurer l’ordre économique
94% des défaillances constatées en 2021, concernent des sociétés de moins de 10 salariés qui ne sont pour la plupart pas entourées de conseils.
« La réduction des procédures amiables pour les TPE signifie donc que nous n’avons pas réussi à convaincre ces sociétés qu’il est impératif d’anticiper les difficultés, alors même que la crise sanitaire nous avait donné l’opportunité de communiquer largement sur le rôle des tribunaux de commerce » explique Thierry Gardon, Président du Tribunal de commerce de Lyon. « Pour 2022, j’encourage ces sociétés à anticiper et à franchir la porte des tribunaux de commerce pour ouvrir des procédures amiables. Sans cela, elles traiteront leurs difficultés dans des conditions qui seront dégradées et l’arrêté des plans de sauvegarde ou de redressement supposera des abandons », poursuit-il.
Dans ce contexte, les défis de demain sont notamment de financer les investissements pour sécuriser la compétitivité des entreprises françaises à l’international et pourquoi pas envisager des concentrations sectorielles, qui permettaient de renforcer les fonds propres des entreprises fragilisées tout en préservant la souveraineté nationale.
Le financement du poste client, un des meilleurs relais pour faire suite au PGE
Avec près de 700 000 entreprises concernées et 143 Mrds€ prêtés à ce jour, les PGE sont un premier dispositif auquel les entreprises peuvent souscrire jusqu’au 30 juin 2022.
« L’affacturage peut également accompagner efficacement les entreprises dans leurs besoins de financement court terme », rappelle Mathieu Arnoux, Associé chez AU Group, expert en financement du poste clients.
Ce système permet un accès au cash à des entreprises fragilisées par la crise et confrontées aux réticences des banques pour leur octroyer des lignes de financement classiques comme un découvert ou un crédit de campagne, lesquelles sont directement conditionnées par la qualité du bilan.