Par Emmanuel Roche, fondateur d’Æmium.
La France est reconnue à l’international pour son savoir-faire en matière de parfumerie : des grandes maisons aux artisans parfumeurs, l’ensemble du secteur jouit d’une réputation de raffinement et d’excellence. Pourtant derrière cette image attrayante et léchée, se cache une réalité moins reluisante. Le secteur est générateur d’une pollution inutile, une pollution que personne ne veut voir, ni adresser sérieusement.
Le problème ne vient pas tant des ingrédients que des composants
En général 85% des ingrédients des parfums sont naturels puisque c’est la part de l’alcool (betterave, canne à sucre, blé) et de l’eau qui les composent. Quant au 15% restants (la part du concentré notamment et d’antioxydants ou anti-uv), ils sont parfois issus de produits issus de la pétrochimie, non biodégradable mais peu chers, parfois issus d’ingrédients naturels et biologiques, plus chers mais sourcés _il est vrai_ aux quatre coins du monde. Les débats font donc rage dans le milieu de la parfumerie pour savoir ce qui est le mieux pour l’environnement et pour l’homme…Mais n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt…
Petit flacon, grosse pollution : la question du conditionnement et du packaging passe trop souvent au second rang
Les parfums français sont conditionnés pour la plupart dans des bouteilles à fond de verre épais. Cette astuce bien connue du Marketing - principe du célèbre verre Ricard - donne l’impression au client d’en avoir pour son argent. Ce surpoids et ce sur volume que certains pensent anecdotiques ont un impact énorme en termes de ressources énergétiques utilisées, tant pour la fabrication, que pour le transport.
Sur ces mêmes flacons, sont assemblées des pompes qui ne peuvent que trop rarement se démonter, essentiellement pour des questions de coût de fabrication. Résultat : il est quasiment impossible de recharger son flacon ou de le recycler correctement en fin d’utilisation.
Mais le pire vient probablement de la conception des capots de parfums. Souvent composés de multi-matériaux, d’alliage ou lestés par des éléments métalliques ou des aimants, ils sont presque tous non recyclables. Les bouchons transparents comme du cristal, très prisés des grandes marques sont faits dans un plastique qui n’est pas recyclable : le surlyn®. Même dans les bouchons de bois qui semblent plus écologiques, il y a généralement des inserts en plastiques qui les rendent impossible à recycler. Bel exemple de greenwashing !
Se pose ensuite la question du packaging extérieur : un film cellophane enrobe encore la plupart des produits. Ce matériau est d’un autre temps ! Il devrait être interdit purement et simplement.
Enfin, il y a la question épineuse des échantillons : massivement utilisés (on estime à 10 échantillons donnés pour un flacon vendu) ils sont composés en en tout ou partie de plastique, et ont bien souvent de petites pompes très difficilement recyclables. Cet outil de promotion, offert par poignée, ne devrait-il pas être considéré comme un produit à « usage unique » ?
Cela peut faire rire certains mais quand on sait que 30% seulement du plastique dans le monde est recyclé, on peut légitimement se poser la question… Quant à ceux qui pensent qu’il n’est pas possible de faire autrement, ils pourront constater que chez Æmium nos échantillons sont faits que de verre et de liège naturel…
L’inertie de tout un secteur
La parfumerie française dont l’image est si positive à l’international est donc très loin d’être exemplaire. Les grandes maisons sont très fortes pour des opérations de communication autour d’actions anecdotiques mises en œuvre (pour la sauvegarde d’une espèce, pour l’utilisation d’un ingrédient naturel cultivé en France, pour une innovation sur un seul produit…) mais au fond, elles ne font pas les efforts que leurs moyens financiers permettraient pourtant. Peut-être sont-elles moins contraintes par la loi que d’autres secteurs. C’est comme si le parfum, parce qu’il est considéré comme un produit rare, de luxe, était exempté d’efforts en termes d’écoresponsabilité. Mais cette rareté est à relativiser quand on sait que les grandes maisons sortent des centaines de millions de flacons sur le marché tous les ans. Si avec de tels volumes, on prétend encore faire du luxe, on se doit au moins d’être exemplaire.
Il est possible de faire beaucoup mieux
Æmium le prouve tous les jours. Nos flacons, fabriqués dans une verrerie française centenaire, sont recyclables et réutilisables en diffuseur de parfum ou en soliflore. Le fond du flacon est fin ce qui divise le poids par deux par rapport à un flacon traditionnel des grandes maisons.
Nos bouchons sont en aluminium, légers et dépourvus de plastique pour être totalement recyclables. Le plastique est banni, des étiquettes jusqu’aux bouchons d’échantillons, composés de liège. La pompe, seul élément difficilement recyclable, est réutilisable à l’infini car elle se démonte et se remonte sur une recharge vendue en ligne.
Le flacon est placé dans un coffret en bois léger, réutilisable et biodégradable. C’est un bois léger issu de peupleraies françaises, gérées de façon responsable et soutenable. Pas de cellophane de protection non plus, ni de scotch en pvc pour expédier les produits aux clients. Nous ne sommes pas parfaits, mais à notre échelle, tout a été pensé pour diminuer au maximum l’impact écologique de l’emballage, souvent au détriment de la rentabilité.
D’ailleurs, les fournisseurs d’Æmium sont tous français et la production est exclusivement faite en France.
Emmanuel Roche propose que soient imposées par la loi des règles d’éco-conception - celle-ci pourraient d’ailleurs être applicables à d’autres domaines que la parfumerie - en laissant 3 ans à tous les acteurs pour se mettre à jour.
Les contraintes seraient alors bien plus contraignantes que la taxe éco-emballage connue par les entreprises jusque-là :
- Taxer les composants ou assemblages en multi-matériaux si ceux-ci ne sont pas dé-solidarisables par le client et donc non recyclables au final.
- Taxer toutes les pièces en plastique au poids, ou à l’unité pour les films (type étiquette ou cellophane).
- Obliger à écrire sur le packaging extérieur (à la vue du client) le ratio : poids de l’élément utile (la fragrance) poids du packaging total.